France 2 transforme Ulcan en star du Net
Découvrez les dessous d'un reportage hollywoodien réalisé avec l'argent public et dédié au cybercriminel franco-israélien Grégory Chelli.
« Combattant 2.0, activiste juif, star du net » : tels sont les sympathiques qualificatifs attribués à Ulcan par France 2.
Jeudi soir, devant son écran de télévision, il fallait se pincer pour saisir la réalité de ce qui se déroulait : une chaîne du service public a diffusé un reportage complaisant envers un extrémiste identitaire coupable de plusieurs crimes et délits (menaces de mort, piratage de sites, usurpation d’identité et de titres de fonctionnaires, injures racistes, etc…).
Son « nom de scène » comme le narre avec désinvolture la voix-off du reportage ? Ulcan. Dans la vie civile, Grégory Chelli, Franco-Israélien de 32 ans, ex-membre délinquant de la Ligue de défense juive (représenté en justice par Gilles-William Goldnadel, co-directeur du Crif), originaire du XVIème arrondissement de Paris et désormais réfugié à Ashdod, en Israël.
Pseudo-hacker, authentique cybercriminel
La semaine dernière, Panamza avait déjà évoqué son cas en publiant la vidéo de ses forfaits relatifs à la famille du journaliste Aymeric Caron. Le groupe France Télévisions était d’ailleurs intervenu systématiquement auprès de chaque plate-forme vidéo (Youtube, Dailymotion et même l’américaine Veoh) pour faire retirer le document qui trouvera finalement un abri auprès du site russe Vk.
Étrange constat : à en croire le reportage diffusé hier soir dans l’émission Complément d’enquête, France 2 continue de protéger tacitement Ulcan.
Avant d’aller plus loin dans le décryptage de cette séquence, voici le passage-clé de 6 minutes (voir vidéo ci-dessus) relatif au personnage et inséré dans un reportage tendrement intitulé « La tentation de l’autodéfense ».
Sur la forme, une incroyable mise en valeur du criminel : quiconque aura suivi la saison 4 de la série 24 heures chrono se souviendra probablement d'un passage familier. Dans les dernières images du dernier épisode, le héros Jack Bauer marche le long d'un rail de chemin de fer, le soleil couchant derrière lui, après avoir pris la fuite pour échapper à la police antiterroriste. Hier soir, plusieurs scènes étaient filmées à l'instar d'un film d'action hollywoodien: Ulcan marchant le long de la berge, soleil couchant et musique rock en fond sonore, tel un fugitif héroïque. Quel délinquant ou criminel français peut se targuer d'avoir eu droit à une telle mise en scène de la part de France 2?
Sur le fond, une délicatesse équivalente: à aucun moment, le journaliste ne confronte véritablement Ulcan sur la gravité de ses actes. Pire: il édulcore certains méfaits et adopte parfois la sémantique de son interlocuteur. Ulcan pirate un site anarchiste? Celui-ci était "ouvertement propalestinien", précise la voix-off. Ulcan s'en prend à une variété d'individus tous différents les uns des autres (Dieudonné, Soral, Faurisson, Haski, Le Corre, Souid, Zemmouri, entre autres) ? Il serait "devenu le poison des antisémites" d'après le journaliste. Ulcan n'aime pas les (superficielles) critiques d'Arrêt sur images à son encontre? Il s'en prend "à un site qu'il accuse d'être partisan". Ulcan menace de mort Benoît Le Corre de Rue89 par téléphone? Il lui a juste "passé un appel musclé". Et ainsi de suite.
Ce matin, seuls Les Inrockuptibles, Mediapart et Arrêt sur images ont évoqué ce reportage, uniquement pour se plaindre d'un seul fait: France 2 aurait incité (ce qui est faux) Ulcan à pirater le site d'Arrêt sur images. Quid des autres aspects du problème Ulcan (la variété de ses cibles, ses réseaux, ses soutiens, etc)? Rien. Seule une préoccupation nombriliste intéresse Daniel Schneidermann et ses confrères parmi lesquels on peut citer Pierre Haski (fondateur de Rue89 et auteur d'une biographie du criminel de guerre David Ben Gourion) présent dans le reportage aux côtés de son colistier Pascal Riché (l'homme qui a résumé la manifestation pro-palestinienne de Barbès à un défoulement antisémite).
Les hommes derrière l'écran
Qui sont les individus responsables de la pseudo-investigation de France 2 ?
* Le rédacteur Tristan Waleckx, un ancien de TF1 qui avait consacré son mémoire d'études universitaires à la figure de "l'intellectuel musulman" et suggéré lors d'un reportage -sans oser curieusement l'affirmer, malgré les preuves- que l'agression d'Hassen Chalghoumi par un "commando islamiste" (en 2010) avait été fictive.
* Le journaliste-reporter d'images David Da Meda, un ancien responsable d'une chaîne locale des Yvelines qui avait notamment réalisé un reportage sur une visite scolaire à Auschwitz.
* Le rédacteur en chef François Ducroux, superviseur de l'émission qui fut à l'origine de l'affaire Dieudonné-Valls en validant le fameux reportage comportant des images volées du spectacle de l'humoriste (et relatives à l'animateur Patrick Cohen).
* Le rédacteur en chef adjoint Joël Bruandet, un journaliste qui réalisa (en 2004, pour Complément d'enquête) un reportage également délicat sur la Ligue de Défense juive.
* Le rédacteur en chef adjoint Thomas Horeau, un homme que l'auteur de ces lignes avait longuement filmé de manière fortuite: en 2008, je réalisais un reportage sur l'Américain Richard Gage, de passage à Paris. Partisan d'une réouverture de l'enquête sur le 11-Septembre, cet architecte avait été confronté à un Thomas Horeau particulièrement arrogant et suffisant.
* Nicolas Poincaré, présentateur de l'émission. Issu d'une famille de notables (un ascendant qui fut président de la République, un père qui fut membre des services secrets français), Nicolas Poincaré est ce journaliste digne du sénateur américain Joseph McCarthy : en 2009, il avait vivement harcelé Frédéric Taddeï sur France Info en raison de son silence face à un Mathieu Kassovitz remettant en cause la version officielle du 11-Septembre.
Attiser la peur=favoriser l'aliyah=renforcer Israël
Précisons enfin que le thème de l'émission diffusée hier et concoctée par l'équipe citée plus-haut était le suivant : "Juifs de France : ont-ils raison d'avoir peur?". Aucun citoyen juif antisioniste -ou simplement critique envers Israël et son lien étroit avec les instances officielles de la communauté juive hexagonale- n'a été convié.
Autre détail accablant : une séquence du reportage de Tristan Waleckx était également consacrée à Jonathan Simon-Sellem. Devinez comment ce militant issu de l'extrême droite sioniste a été présenté? Un "redresseur de torts" et un "franc-tireur qui a pour arme un simple ordinateur".
Autre aspect stupéfiant de l'émission partiellement tournée au sein même du Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (remercié à la fin du générique et qui comporte, dans sa direction, des représentants du Crif) : l'homogénéité idéologique des invités.
* François Pupponi (maire PS de Sarcelles, ex-bras droit de DSK et proche de l'UPJF, une organisation islamophobe et ultra-sioniste).
* Alain Jakubowicz, président de la LICRA (une association qui ne s'est toujours pas engagée comme partie civile -contrairement à ce qu'elle avait promis- dans l'affaire de l'agression anti-arabe et sioniste de Saint-Mandé, sitôt la motivation raciste actée par la justice).
* Bernard-Henri Lévy, militant acharné de la cause sioniste depuis 1967 et prochain conférencier du Crif.
À l'occasion du nouvel an juif qui se célèbre ces jours-ci, nul doute que l'émission a rencontré un écho favorable auprès de la frange la plus radicale de la communauté juive.
Et nulle surprise que le reportage dédié à Ulcan ait été apprécié par l'intéressé lui-même. Selon les sources de Panamza, le raciste Grégory Chelli a pris la parole -cet après-midi- sur son chat en ligne: après avoir indiqué incidemment apprécier Manuel Valls et ne pas vouloir retourner en France "avant trois ans", l'homme qui redoute désormais d'être écouté par la police s'est néanmoins félicité de sa consécration audiovisuelle en déclarant qu'il était globalement satisfait du résultat, rajoutant qu'il n'en "voulait pas" à France 2.
Ses nombreuses victimes -qui continuent de réclamer justice- apprécieront.
Matignon et Beauvau aux abonnés absents
Ironie du sort : le site de l'ambassade de France à Tel Aviv révélait, lundi dernier, l'ampleur de la coopération franco-israélienne sur le plan policier.
La France est le 1er partenaire d’Israël en matière pénale, devant les Etats-Unis et la Russie.
Plus de 200 Coopérations de Renseignement Intérieur (CRI) ont été transmises par les autorités françaises à Israël ces 10 dernières années et 50% de ces demandes d’investigations ont eu lieu ces 3 dernières années.
En 2013, 72 demandes de renseignements ont été adressées aux autorités israéliennes par les autorités policières et judiciaires françaises.
Il y a actuellement 15 dossiers de demandes d’extradition de la France à Israël.
Qu'en est-il du dossier Chelli? En dépit de l'accumulation record de plaintes à son encontre, aucune communication officielle n'a jamais été formulée à son sujet par le ministre de l'Intérieur et son homologue israélien.
- Source : HICHAM HAMZA