Les paradoxes de la politique américaine au Proche-Orient
Les Etats-Unis ont attaqué de l’air les positions des commandos de l’Etat islamique en Syrie ayant méprisé la position de Damas. Selon les experts, l’imprévoyance et le contenu contradictoire de la stratégie américaine rendent impossible le succès de l’opération.
Les Etats-Unis attaquent les positions de l'EI sur le territoire syrien sans demander l'autorisation du gouvernement du pays. Une telle approche est critiquée à Moscou. Le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov s’est entretenu par téléphone avec le Secrétaire d’Etat John Kerry l’ayant invité à observer strictement la Charte de l’ONU et les clauses du droit international ainsi qu’à respecter la souveraineté de la Syrie. Lavrov a signalé l’importance des efforts coordonnés, de s’abstenir d’un deux poids deux mesures et de falsification des faits dans le contexte syrien.
Selon plusieurs experts, en se décidant à une telle démarche, les Américains saisissent une nouvelle occasion d’écraser le régime de Bashar Assad. Au micro le professeur de l’Institut des pays d’Asie et d’Afrique de la MGU Vladimir Issaev :
« La politique proche-orientale des Etats-Unis est en quelque sorte folle. L’armée régulière syrienne est l’unique, excepté les Kurdes, à s’opposer à l’EI. Armer l’opposition syrienne que les Etats-Unis considèrent comme modérée et infliger des coups aux troupes régulières syriennes signifie raffermir les positions de l’EI. Les Américains devraient changer d’attitude et réunir les efforts avec Damas. Il faudrait améliorer, en outre, la compréhension mutuelle entre l’Europe et la Russie. Sans ces joueurs on ne saurait pratiquement rien faire au Proche-Orient ».
Il y a parmi les alliés américains des sponsors directs et des guides des commandos de l’EI contre lesquels la coalition entend lutter sur le territoire syrien. En ce qui concerne la Turquie, l’une des grandes puissances de la région, où se rendent en masse les réfugiés des régions irakiennes occupées par les islamistes ne brûle pas, loin s’en faut, d’envie de tirer les marrons du feu pour Washington. Au micro le chargé de cours à la chaire d’histoire et de politique du Proche-Orient à l’Université Bilkent Jeremy Salt :
« Je pense que les Turcs comprennent parfaitement qu’en cas de leur ingérence ils pourraient s’embourber profondément et pour longtemps dans la guerre. Cela est dû pour une large part au projet peu concret des Etats-Unis : ainsi, selon le président Obama, aucun soldat américain ne posera le pied sur le sol de la Syrie mais il est clair qu’il est impossible d’attaquer exclusivement de l’air. Qui guerroiera alors sur le sol ? »
Les experts sont convaincus que les frappes aériennes ne suffiront pas. Sans le soutien depuis la terre l’opération est vouée à l’échec. Il est peu probable que les Américains profitent des avantages. Or, Assad en profitera sans aucun doute et ses troupes écraseront les commandos affaiblis par les bombardements. Bref, tout ce que fait Washington contribue à consolider Damas. C’est là le paradoxe essentiel de la politique étrangère américaine dans la région.
- Source : Sergei Duz