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Dimanche, 22 Déc. 2024

La Syrie... en 1860

Auteur : Nouvelles de France | Editeur : Stanislas | Dimanche, 24 Août 2014 - 18h51

Lettre publiée à l’occasion de l’intervention française en Syrie et au Liban (août 1860 – juin 1861) dans le journal La Patrie

 

Beyrouth, 26 août 1860


Débarquement du corps expéditionnaire français à Beyrouth, le 16 août 1860, Jean-Adolphe Beaucé Crédit : Wikimédia

J’apprends, à l’instant, qu’un courrier extraordinaire part de soir par le paquebot L’Amérique, qui retourne directement à Marseille, et je veux en profiter pour vous annoncer à la hâte notre installation au camp de Beyrouth.

La ville n’offre ni le confort ni l’espace nécessaires pour loger les troupes du corps expéditionnaire, et officiers et soldats se sont gaiement résignés à camper en dehors de la ville. M. Osmont, colonel, chef d’état-major du général de Beaufort, était parti de Marseille, vous le savez déjà, quinze jours environ avant le général, et avait tout préparé pour le campement des troupes, à la promenade des Pins, sur la route de Damas.

A peine débarquées, les diverses compagnies de chaque arme se sont dirigées , malgré la chaleur et la poussière vers les hauteurs qui dominent la ville, et, le 16 août, au soir, le camp français s’y dessinait déjà. C’est, du reste, l’endroit le plus charmant qu’on pût nous choisir autour de cette ville, qui est loin d’offrir toutes les ressources que nous devions espérer y trouver. Il suffit presque de frapper ici le sol du pied pour en faire jaillir de l’eau. A deux mètres de profondeur on trouve des sources excellentes. S’il était possible de supprimer la chaleur qui nous accable, nous serions vraiment bien installés ici.

Mais c’est la chaleur seule qui nous est contraire, et qui retardera la marche du corps expéditionnaire vers Damas et les autres points de la Syrie, où il importe de montrer le drapeau protecteur de la France. Il faut redouter ici les insolations, et les douleurs qui résultent de perturbations causées par la chaleur dans les fonctions digestives. On est vite pris d’indisposition, mais on s’en remet promptement. Nous avons trouvé ici un bel et vaste hôpital avec vingt-huit Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul; ces dignes servantes de Dieu et des pauvres soignent, avec le plus complet dévouement ceux de nos soldats qui s’affaissent un instant sous cette température tropicale. Vous le voyez, rien ne nous manque; Dieu et ses anges ne nous abandonnent pas.

Ces mêmes sœurs nourrissent, des revenus de leur communauté, plusieurs centaines de fugitifs de Damas, chrétiens chaldéens ou chrétiens maronites ; on en compte en ce moment huit mille dans Beyrouth. Un riche Irlandais, M. Sternuggi, qui depuis plusieurs mois était dans les environs de Jérusalem avec sa femme et sa fille, en a recueilli un bon nombre, qu’il nourrit et fait camper autour de lui, dans les jardins de l’hôtel Belle-Vue, sur les bords de la mer.

J’ai vu là, entre autres, une malheureuse femme qui s’est enfuie de Damas, emportant dans ses bras un fils de huit ans, qui respirait encore, après avoir reçu deux balles dans la poitrine et trois coups de sabre sur les épaules ; mais avant d’emporter ce dernier rejeton de sa race, elle a vu mourir devant elle, elle a dû laisser décapiter, sur ses genoux, ses quatre fils aînés. Jamais on ne déploya plus de féroce intelligence dans l’invention des tortures morales, et physiques ; et malgré ma tendance à croire à une exagération, je frémis encore en-vous répétant ces détails que je tiens d’elle.

Les troupes du corps expéditionnaire continuent à arriver, et avant peu nous serons au complet.


- Source : Nouvelles de France

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