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Dimanche, 22 Déc. 2024

Pour le raisin, vous préférez OGM ou pesticides ?

Auteur : Marie Delarue | Editeur : Walt | Dimanche, 18 Mai 2014 - 15h35

Mercredi dernier, la cour d’appel de Colmar a relaxé les 54 «faucheurs volontaires» qui, en 2010, avaient détruit un essai de vigne transgénique de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) portant sur la recherche contre le virus du court-noué.

Condamnés en première instance, ils ont cette fois été relaxés du chef de « destruction de parcelle autorisée ». Motif de la relaxe : la parcelle n’était pas si autorisée qu’on pouvait le penser. Toutefois, «si l’hypothèse d’un danger ne [pouvait] être écartée, le risque d’une dissémination des gènes modifiés dans l’environnement n’était ni actuel, ni imminent, au vu des précautions prises par l’INRA», ont estimé les juges, refusant de reconnaître «l’état de nécessité» invoqué par les faucheurs. État en vertu duquel «n’est pas pénalement responsable la personne qui enfreint la loi pour empêcher un danger actuel ou imminent».

Résumons: l’INRA avait pris les précautions nécessaires, cette parcelle ne présentait pas de «danger imminent» pour l’environnement. Les faucheurs ont dû indemniser le centre de recherche mais ils ont été relaxés de leur peine de prison.

Passons maintenant de l’Alsace au Bordelais.

Soit une petite école du Blayais, Villeneuve (moins de 400 habitants), près de Bourg, plantée au milieu des vignes. Pas n’importe quoi, comme vignoble. Le gratin, le haut de la hotte, sécateurs d’or et châteaux.

Lundi matin, après la récréation, les gamins ont été pris de maux bizarres : toux, picotement des yeux, nausées, vertiges… Après le déjeuner, les maux s’accentuent et la maîtresse fait un malaise. Le directeur de l’école fait rentrer les enfants, ferme portes et fenêtres, appelle le médecin scolaire et les pompiers qui emmènent la maîtresse aux urgences de Blaye. Le centre antipoison demande au jeune directeur «ce qu’il a pu observer». Réponse: «Les vignes qui entourent et longent l’école sont en traitement depuis le matin».

On appelle le maire, Catherine Verges, réélue en mars dernier. Pas contente, madame le maire. Il faut dire que c’est l’une des deux propriétaires des vignes qui jouxtent l’école. Elle réfute évidemment tout lien entre l’épandage de fongicide et le malaise des enfants : «Les enfants ont été impressionnés, ce n’est pas la peine d’en rajouter !» Ben tiens ! Impressionnés par quoi : par les tenues de cosmonaute que portent les employés qui traitent ses vignes ? Et pourquoi les portent-ils, au fait, s’il n’y a pas de danger: c’est juste pour faire peur aux moineaux ?

Un père de famille qui travaille lui aussi dans la vigne s’éloigne pour parler discrètement au journaliste de Ouest-France. Il a un peu la trouille, ce brave homme. «Ce n’était pas la bonne heure pour traiter…», dit-il. «Ma fille sentait le sulfate à plein nez, je connais l’odeur. Elle a été malade pendant deux jours, pourtant elle a l’habitude d’être dans la vigne».

De quoi parlaient-ils, déjà, les juges de Colmar : de «dissémination dans l’environnement», «d’effets négatifs indirects», de «danger actuel et imminent» ? Faut-il croire alors que ce qui vaut pour les dangers hypothétiques des OGM ne vaudrait pas pour les dangers avérés des pesticides ?

La France est championne d’Europe et 4e mondiale dans la consommation de pesticides, avec près de 95.000 tonnes épandues par an, dont 35 % uniquement pour la viticulture qui réalise de 8 à 12 traitements annuels. Et ça gronde, dans les vignobles, où les problèmes sanitaires sont tus sous la pression double du lobby agricole et des fabricants de pesticides. Sur Europe 1 qui évoquait jeudi cette affaire, on parlait même de «menaces de représailles» sur ceux qui osent parler.

Alors on continue d’envoyer les ouvriers traiter les vignes parfois sans protection, et surtout sans prévenir les riverains de leur passage. Comme à Villeneuve. Et tant pis pour les gamins qui se garnissent les poumons au désherbant chimique.

Depuis 1991, la Sécu des agriculteurs (MSA) a mis en place un réseau de toxico-vigilance. Les effets à long terme (de 20 à 40 ans) de l’exposition aux pesticides sont maintenant connus: cancers (hématologiques, prostate, tumeurs au cerveau…), effets neurologiques (maladies de Parkinson, d’Alzheimer…), troubles de la reproduction (stérilité, avortements, mortinatalité, malformations congénitales). De même, on a pu établir le lien avec certains cancers de l’enfant dans les familles où les parents ont été exposés aux pesticides.

Et qu’a-t-on fait ? Rien ou presque. Les sénateurs ont bien «reconnu la dangerosité de ces produits pour la santé», et puis ça s’est arrêté là. Droite, gauche, Mitterrand, Chirac, Sarkozy ou Hollande… Les gouvernements ont changé. Pas le traitement de la vigne.


- Source : Marie Delarue

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