La Russie s'apprête à attaquer violemment le pétrodollar
La position du dollar, en tant que devise d`échange des énergies, fournit aux États-Unis de nombreux avantages injustes. Il semblerait que Moscou soit prêt à faire tomber ces avantages.
Le pétrodollar est l`un des piliers de l`économie américaine, car son existence entraîne une importante demande internationale pour le billet vert, ce qui permet aux États-Unis d`accumuler une dette énorme. Si une société japonaise veut acheter des barils de pétrole saoudien, elle doit payer en dollars même si aucune entreprise américaine n`est impliquée dans la transaction. Le dollar bénéficie d`une telle position dominante sur ce marché énergétique que même les contrats de gaz naturel de Gazprom en Europe sont libellés et réglés en dollars. Jusqu`il y a peu, une grande partie du commerce entre la Chine et l`Europe se faisait via le billet vert.
Récemment, la Chine a pris la tête des BRICS afin de remettre en question l`hégémonie du dollar, mais la guerre des sanctions entre Washington et Moscou a permis d`accélérer le projet du lancement du «pétrorouble», ayant pour but de s`émanciper du dollar pour toutes les exportations russes de pétrole et de gaz.
Le principal partisan de ce plan est Sergey Glaziev, le conseiller économique du président russe et Igor Sechin, CEO de Rosneft, la plus grosse société pétrolière russe et proche de Poutine. Ces 2 hommes n`ont cessé de prêcher pour un remplacement du dollar par le rouble. Désormais, des membres importants du gouvernement œuvrent à son implémentation.
Cela a commencé avec le ministre de l`Économie, Alexei Ulyakaev, qui a déclaré à la chaîne Russia 24 que les sociétés énergétiques russes devraient se débarrasser du dollar : «elles doivent être plus courageuses en signant des contrats en roubles et dans les devises de ses pays partenaires», a-t-il déclaré.
Le 2 mars dernier, le CEO de la banque d`État VTB Andrei Kostin, a déclaré à la presse que Gazprom, Rosneft et Rosoboronexport (société spécialisée dans la vente d`armes), peuvent commercer en roubles. «J`ai parlé avec les dirigeants de Gazprom, Rosneft et Rosoboronexport ; ils ne voient aucun inconvénient à utiliser le rouble, ils ont juste besoin d`un mécanisme pour le faire».
Avec la déclaration faite par Valentina Matviyenko, porte-parole de la chambre haute du parlement, il semble clair que tout sera fait pour mettre en place un tel mécanisme. «Certains esprits échauffés ont déjà oublié que la crise économique de 2008, dont le monde paye encore le prix aujourd`hui, a démarré avec l`effondrement de certaines institutions de crédit aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans d`autres pays. C`est pourquoi nous pensons que toute action financière hostile peut être une arme à double tranchant ; toute erreur, même minime, renverra le boomerang au visage de celui qui l`a lancé», a-t-elle déclaré.
Récemment, Rosneft a signé quelques gros contrats de vente de pétrole avec la Chine, et est sur le point de signer un énorme accord avec des sociétés indiennes. Dans le cadre de ces contrats, on ne retrouve aucune trace du dollar. Dans le même ordre d`idées, la Russie est en train de négocier un contrat d`échange «biens contre pétrole» avec l`Iran, qui permettrait à Rosneft de vendre 500.000 barils de pétrole par jour au marché : de quoi effrayer la Maison-Blanche, qui a de nouveau brandi la menace de nouvelles sanctions si la Russie devait finaliser cet accord avec l`Iran.
Comme nous l`avions déjà annoncé il y a quelques jours, les sanctions américaines ne font qu`accélérer la liquidation du statut du dollar. Les BRICS ont déjà affiché leur soutien de la Russie sur la crise ukrainienne. Que va-t-il se passer si la Chine et l`Inde prennent des décisions similaires ?
Il est encore trop tôt pour prédire ce qu`il va advenir, de telles décisions risquant de mettre à mal le dollar, alors que des pays comme la Chine et la Russie possèdent énormément d`actifs libellés en dollars. Les esprits passablement échauffés américains vont-ils se calmer en réalisant que les États-Unis n`ont pas grand-chose à gagner dans l`aventure, ou l’équipe Obama est-elle prête à se faire hara-kiri et à plonger le monde à nouveau dans une énorme crise financière pour défendre coûte que coûte les privilèges du dollar ?
- Source : Valentin Mândrasescu