Qu’est-ce que le transhumanisme ? par Lucien Cerise
Dans la culture populaire, le terme de « transhumanisme » est associé à des images de science-fiction comme le clonage, le mutant génétique, le cyborg, mi-homme/mi-robot, et toutes sortes d’utopies futuristes. Or, il semble bien que la réalité soit en train de dépasser la fiction. Des phénomènes de société ayant émergé récemment, comme la théorie du genre, le « mariage homo », la PMA et la GPA, l’antispécisme, s’inscrivent effectivement dans une logique transhumaniste.
Il est possible de définir le transhumanisme en quelques mots comme le projet de modifier la nature humaine durablement au point d’en sortir définitivement. Il s’agit d’aller « après » l’humain, de sorte à périmer l’espèce humaine, la rendre dépassée, obsolète. En ce sens, le vocable de « transhumain » est synonyme de « post-humain », mais le premier semble avoir gagné la compétition pour s’imposer dans l’usage courant. Une masse documentaire importante sur le sujet est accessible sur l’Internet ou dans des ouvrages grand public que l’on peut se procurer en librairies.
Cette introduction se limitera à mettre en évidence la stratégie par étapes qui anime le transhumanisme et qui va s’imposer dans les années à venir, sur le modèle de la théorie de la confusion des genres ou du lobby LGBT, qui ont incubé pendant une quarantaine d’années discrètement et tissé leurs réseaux d’influence patiemment avant de se révéler ces derniers mois dans ce qu’il faut bien appeler une explosion de haine antihumaine coordonnée au niveau international. Ainsi, après un résumé de l’arrière-fond théorique et historique du projet transhumaniste, nous décrirons de quoi il retourne en pratique, soit les réseaux de pouvoir bien concrets et installés qui le soutiennent aujourd’hui.
Le sociologue américain Vance Packard (1914-1996) publiait en 1977 l’un de ses ouvrages majeurs, intitulé The People Shapers, traduit en français l’année suivante par L’Homme remodelé. Cet auteur s’était fait connaître dès 1957 avec ce qui reste son ouvrage le plus célèbre, La Persuasion clandestine, dans lequel il analysait les techniques de manipulation subliminale appliquées dans le marketing.
Vingt ans plus tard, sa perspective s’était donc élargie à un propos politique général, consistant dans la critique d’une approche scientiste de la question politique. À la fin des années 1970, la cybernétique et ses applications sociales avaient eu le temps de diffuser certaines idées, notamment que la société ou l’être humain sont des mécanismes comme les autres, justiciables d’une ingénierie permettant de les remodeler pour mieux les contrôler ou les améliorer selon un dessein précis. Vance Packard intitule ainsi son avant-propos : « La malléabilité de l’homme : une idée nouvelle. » Puis il met en exergue une citation de Skinner : « De ce que l’Homme peut faire de l’Homme, nous n’avons encore rien vu », qu’il commente ainsi :
« Cette déclaration fracassante de Skinner relève de l’ambition autant que de la réalité. Mais il est vrai que des tentatives acharnées sont faites actuellement pour remodeler les individus et leur comportement. Leurs implications vont loin, et sont souvent inquiétantes. Des “ingénieurs de l’Homme” sont au travail dans toute une série de domaines. (…) Les psychologues du comportement comptent dans leurs rangs une armée de fougueux révolutionnaires. Le plus célèbre des behavioristes, B. F. Skinner, de l’université Harvard, a appelé de ses vœux une “technologie du comportement” parce que “nous avons besoin de réaliser de grands changements dans le comportement humain”. Quelques années auparavant, un groupe de ses disciples, essayant de décrire ce qu’est l’ingénierie du comportement, expliquait : “Nous pouvons mettre en place des techniques capables de produire en masse des êtres humains supérieurs… Nous disposons d’une technologie suffisante pour obtenir le type de comportement que nous désirons. »
Nous sommes ici dans un constructivisme intégral. L’une des constantes de l’ingénierie sociale, dont le transhumanisme est un volet, est de considérer l’existence entière comme une construction. Tout ce qui est donné, tout ce qui est naturel, peut être déconstruit et reconstruit selon un nouveau plan. Pour le transhumanisme, tout peut donc être transformé et artificialisé sans dommages fondamentaux, bien au contraire, car cela doit permettre de se « libérer » d’une nature humaine jugée encombrante ou trop limitée.
Ce schéma général de déconstruction-reconstruction de tous les aspects de la vie, Jean Baudrillard l’appelait le « crime parfait » pour dénoncer le fait que cela aboutirait en fait à un simulacre technologique du monde réel. Une illustration saisissante nous en est fournie dans la série de films Matrix, où le monde réel est détruit et réduit à un désert, et entièrement reproduit de manière virtuelle et sous contrôle dans un monde informatique simulé. Dans cette théologie constructiviste, l’univers entier est un édifice, un bâtiment, un « temple à reconstruire », où la place de « grand architecte » divin doit être occupée par l’Initié dès lors qu’il maîtrise les règles démiurgiques de la démolition contrôlée et de la reconstruction artefactuelle (destruction créatrice, « dissoudre et coaguler », Ordo ab chao, etc.).
Cette filiation illuministe et cabaliste du transhumanisme a façonné le visage d’une modernité largement placée sous le règne de la quantité et du nombre. Or, de l’imaginaire artistique aux sciences exactes, l’artificialisation du vivant et sa réduction au quantitatif ne visent pas franchement à son émancipation mais bien plutôt à sa simplification, de sorte à en faciliter la gestion rationnelle, numérique, industrielle et standardisée.
Pour fabriquer le consentement à cet appauvrissement de l’existence et de la biodiversité, ainsi qu’aux pathologies physiques et mentales qui en résultent, des sommes colossales sont investies dans tous les domaines de la société pour y impulser des tendances sociétales technophiles et humanophobes.
Parmi les agents de conformité, passés et présents, on relève des initiatives comme les conférences Macy entre 1946 et 1953, le rapport Meadows du club de Rome en 1972 (point de départ médiatique de l’idée de décroissance démographique contrôlée), l’Association transhumaniste mondiale créée en 1998 (dont la branche française « Technoprog ! » a tenu son premier colloque à Paris en janvier 2011), des essayistes prévisionnistes tels que Jacques Attali, Timothy Leary, Douglas Rushkoff, Ray Kurzweil (informaticien ayant fixé la date de péremption de l’humain à 2045, quand la « singularité technologique » de l’intelligence artificielle aura dépassé celle de l’Homme), des médias spécialisés comme Wired Magazine ou LaSpirale.org (le webzine francophone pour les « mutants digitaux »).
Ces initiatives sont chargées de diffuser des mèmes viraux tels que l’Humain 2.0 augmenté par la technologie, le piratage de l’esprit et du corps (bio-hacking, body-hacking, extropianisme), l’eugénisme par le clonage reproductif, la Procréation médicalement assistée (PMA), la Gestation pour autrui (GPA), l’utérus artificiel (ectogenèse), la banalisation de l’avortement et de l’euthanasie, les Organismes génétiquement modifiés (OGM) végétaux, puis les « chimères », c’est-à-dire le métissage génétique entre humains et animaux, et enfin les hybrides humain/animal/machine mis en scène par des artistes comme Matthew Barney et Enki Bilal (« Mécanhumanimal »).
Les dessins d’Enki Bilal, une illustration artistique de l’hybridation.
Le transhumanisme n’est pas une émergence spontanée, naturelle. Il s’agit d’un projet politique arbitraire soutenu par des « minorités agissantes » et des réseaux de pouvoir dont il faut décrypter la logique pour comprendre non pas à quoi elle sert, mais à qui elle sert.
En pratique, la montée en puissance du transhumanisme ces dernières années, notamment par le biais du lobbying LGBT, a révélé son vrai visage : il s’agit en fait d’une humanophobie. Nous trouvons là un cas d’école de « hameçonnage » : sous prétexte de défendre positivement quelque chose, on attaque en réalité autre chose. Sur le même modèle, le féminisme est en réalité anti-hommes, la théorie du genre est anti-hommes ET anti-femmes, le lobby homo est hétérophobe, la protection des minorités consiste à attaquer la majorité, etc. Le transhumanisme n’aura donc évidemment jamais aucune réalisation positive, pas plus que le féminisme, la confusion des genres, le LGBT ou la protection des minorités.
Ces diverses idéologies ne sont pas là pour ça, mais seulement pour attaquer l’Humain sous couvert de projets positifs. La haine de l’espèce humaine véhiculée par le transhumanisme est largement perceptible dans les mouvements politiques qui l’ont portée au siècle dernier. Le mythe du Nouvel Homme, régénéré par la science et la technique, a irrigué tout le fonds idéologique eugéniste des totalitarismes du XXe siècle, communisme, fascisme, nazisme, capitalisme, ainsi que leur esthétique futuriste. Seul le quatrième de ces totalitarismes a survécu, dans la mesure où c’est lui qui tirait les ficelles des autres depuis le début et où ils dérivent tous des mêmes réseaux de pouvoir, contrôlés par les mêmes personnes versées dans l’illuminisme et le progressisme scientiste, dont la figure la plus représentative est évidemment Aldous Huxley et son Meilleur des mondes.
De nos jours, le mouvement transhumaniste est transnational et dispose de soutiens puissants. Loin d’être groupusculaire et confiné à la culture geek, il est en train de se constituer comme un authentique lobby politico-économique aux ramifications tentaculaires. On le voit commencer à construire des passerelles avec les groupes de pression déjà en place et hégémoniques, pro-israélien (pinkwashing), LGBT, pharmaceutique, ainsi qu’avec le complexe militaro-industriel, notamment dans le domaine des NBIC, acronyme pour les disciplines convergentes que sont les nano et biotechnologies, l’intelligence artificielle et les sciences cognitives (voir la Recherche & Développement militaire, DARPA, Pentagone, pour mettre au point de nouvelles armes et le « soldat du futur »).
L’objectif de ces réseaux d’influence étant toujours de se liguer contre leur ennemi commun, l’être humain, ils ajoutent leurs forces afin de se donner les moyens d’exercer une véritable terreur intellectuelle et de dicter leurs caprices aux institutions juridiques. Nul doute que nous verrons apparaître un de ces jours des lois antihumaines avançant masquées sous le prétexte moral de lutter contre la « transhumanophobie » et pour l’égalité humain/transhumain. Annonçant ce déferlement de haine antihumaine (dont le délit imaginaire d’homophobie crée par Sarkozy en 2004 ne fut que le prélude), des réflexions sont déjà en cours sur un nouveau statut juridique des animaux ou sur le Droit des robots.
Des avocats et des juristes comme Alain Bensoussan et Anthony Bem posent ainsi sérieusement la question : « Quel statut juridique pour les robots ? [1] » Le remplacement des humains par les robots pour effectuer des tâches mécaniques simples est en cours depuis longtemps, mais la Commission européenne a franchi un pas supplémentaire avec le projet PETROBOT qui prévoit de confier à des robots des tâches de contrôle de sécurité réclamant une véritable expertise :
« (…) le but est d’élaborer des robots pouvant se substituer aux êtres humains pour l’inspection des cuves à pression et des réservoirs de stockage largement utilisés dans l’industrie du pétrole, du gaz et de la pétrochimie [2]. »
Perspective de chômeurs humains en plus, mais puisque la rhétorique antihumaine consiste à inverser systématiquement les rapports de force, ce sont les humains qui seront accusés d’opprimer les robots depuis la nuit des temps. Bientôt des associations « SOS robots battus »…
La discrimination positive des robots pour leur accorder plus de droits qu’aux humains se fera sur le modèle juridique et sociétal éprouvé et testé de la discrimination positive des prétendues « minorités » : préférence aux étrangers sur les nationaux dans le cadre de l’antiracisme, préférence aux animaux sur les humains dans le cadre de l’antispécisme, préférence aux handicapés sur les valides dans le cadre de l’antidiscrimination des handicapés, etc. Sous couvert de protéger les minorités, il s’agit en fait de leur accorder plus de droits qu’à la majorité, donc de reconstituer un véritable régime de privilèges, donc une oligarchie des minorités qui serait moralement justifiée par la lutte contre les discriminations. Ces nouvelles lois antihumaines ne seront pas populaires et les votes parlementaires pour les faire passer seront truqués, comme pour le « mariage homo ». Ces lois resteront donc des projets de lois, non-votées donc illégales, mais seront appliquées quand même par la force, ce qui nous fera entrer dans un véritable fascisme des minorités.
La fusion de tous les groupes de pression antihumains dans un seul front commun se fera sous la houlette de textes tels que Manifeste Cyborg – Science, technologie et féminisme socialiste à la fin du XXème siècle, de Donna Haraway, ou d’initiatives comme le colloque international intitulé The Israeli Presidential Conference – Facing Tomorrow, qui se tient depuis 2008 à Jérusalem. La liste des intervenants comporte Sergueï Brin (2008), Ray Kurzweil (2009), Jacques Attali (2008, 2009, 2012), et l’édition de 2013 fut titrée « The Human factor ». Sergueï Brin est l’un des deux cofondateurs avec Larry Page de Google, où ils occupent maintenant respectivement les fonctions de directeur technique et de PDG. Ils ont recruté en 2001 Éric Schmidt, aujourd’hui président exécutif, qui fut invité à la conférence du groupe de Bilderberg de 2013. Ces trois hommes, convertis au transhumanisme, ont embauché en 2012 Ray Kurzweil, le pape de cette nouvelle religion, pour travailler à renforcer encore les capacités du célèbre moteur de recherche et de son extension « Google Zeitgeist », cerveau informatique qui révèle les grandes tendances de l’état d’esprit mondial à partir des milliards de mots-clés tapés chaque année.
L’informatisation de la société, pour citer le célèbre rapport d’Alain Minc et Simon Nora de 1978, ne cesse d’avancer. Le puçage électronique du bétail humain pour assurer sa traçabilité complète au moyen de composants RFID (ou autres) se met en place lentement mais sûrement. La chasse à l’Homme est ouverte et le piège risque de se refermer sur nous. Une prise de conscience collective, accompagnée de réactions militantes de mêmes ampleurs que la Manif pour tous ou que les Journées de retrait de l’école (JRE) lancées par Farida Belghoul, est donc nécessaire.
Il devient urgent de réfléchir à la constitution d’un front général de défense de l’humain, fédération d’organisations qui rassemblerait des humains de toutes origines et obédiences pour défendre notre nature humaine commune contre toutes les tentatives de l’exterminer ou de la réduire en esclavage.
- Source : Scriptoblog