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Lundi, 25 Nov. 2024

Les BRICS : Après sa montée en puissance en 2023, quels seront ses défis en 2024 ?

Auteur : Sputnik (Russie) | Editeur : Walt | Jeudi, 28 Déc. 2023 - 13h52

L’expansion, les discussions sur une éventuelle création d’une monnaie commune, l’arrivée de Dilma Rousseff à la tête de la banque des BRICS, cette année a été riche en événements pour le groupe. Les experts interviewés par Sputnik reviennent sur ces moments importants et se penchent sur les défis à relever en 2024.

En 2023, les demandes d’adhésion au groupe ont dépassé la vingtaine de pays. Cet intérêt fort des États du Sud global couronne l’année qui s’achève, estime Marco Fernandes, professeur d’histoire et chercheur à l’Institut tricontinental.

«Il n’y a jamais eu autant de mouvement mondial comme celui qui existe actuellement autour des BRICS. En effet, la liste des pays cherchant à rejoindre le groupe comprenait également la Grèce, qui ne fait vraiment pas partie du Sud global. Et nous avons même vu la requête du président français [Emmanuel] Macron, qui a demandé à participer à la dernière réunion des BRICS, ce qui a manifestement fait l’objet d’un veto», a-t-il souligné.

Fernandes a cité l’élargissement historique du groupe en tant que deuxième événement le plus important de cette année. Pour rappel, lors du sommet de Johannesburg en août dernier, six pays ont été invités à rejoindre la famille des BRICS. Dans ce contexte, le chercheur a mis en avant les efforts du diplomate sud-africain Anil Sooklal, qui a été nommé sherpa du sommet à Johannesburg.

«Imaginez le travail que les sherpas sud-africains ont dû accomplir cette année pour assurer toute cette coordination, pour dialoguer avec plus de 20 pays candidats et pour mener à bien tout le processus d’élection des six nouveaux membres», a indiqué l’expert.

Une expansion très prometteuse

À partir du 1er janvier, les BRICS initialement composés du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud vont accueillir l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran.

Les nouveaux membres apporteront de nombreux avantages au groupe, a noté Laerte Apolinario, professeure des relations internationales à l’Université catholique pontificale de São Paulo.

Elle donne en guise d’exemple l’Éthiopie, un pays qui se trouve dans une région stratégique et qui est apte à jouer un rôle de liaison entre l’Afrique et le Moyen-Orient.

Vu que le pays a enregistré un taux de croissance supérieur à la moyenne des économies émergentes ces dernières années, l’aspect économique de cette adhésion est aussi à prendre en compte, selon l’universitaire.

«L’Éthiopie est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, avec une population de plus de 120 millions d’habitants. Cette population est principalement composée de jeunes, ce qui signifie que le pays a de bonnes perspectives de croissance à l’avenir, en particulier en termes de dividende démographique», a-t-elle spécifié.

L’adhésion de l’Iran, sous le coup des sanctions occidentales et qui cherche à diversifier ses contacts et ses alliances à l’international est un autre événement clé pour Mme Apolinario.

«Nous observons que ces dernières années, l’Iran a tenté de se rapprocher de la Chine, qui est aujourd’hui son premier partenaire commercial, totalisant plus de la moitié de ses exportations et un tiers de ses importations, ainsi que d’autres pays comme l’Inde et la Russie», a-t-elle déclaré.

L’experte a tenu à mettre en valeur l’entrée des Émirats arabes unis, un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz naturel à l’échelle mondiale.

«Nous parlons d’un pays qui fait déjà partie de la Banque des BRICS et qui a donc déjà participé aux mécanismes des BRICS au cours des dernières années. La contribution des Émirats arabes unis serait précisément celle d’un pays capable d’injecter des liquidités dans la banque, mais aussi de jouer un rôle plus important dans le système financier international», a-t-elle expliqué.

Le rétropédalage de Buenos Aires

L’Argentine était censée, elle aussi, intégrer le groupe à partir du 1er janvier. Cependant, le nouveau président Javier Milei a exprimé quelques réserves quant à cette décision.

Marco Fernandes s’est dit regretter ce revirement. Il a rappelé que le Brésil a soutenu l’entrée de son voisin dans le groupe dès le début et a tout mis en œuvre pour qu’elle se concrétise.

«Si l’Argentine n’adhère pas, ce que j’ai entendu de sources internes aux BRICS, c’est qu’il n’y aura pas de remplacement immédiat pour l’Argentine. Ce serait une très mauvaise chose, car l’Amérique latine perdrait une place qu’elle a gagnée au prix d’un travail diplomatique considérable», a dit l’universitaire.

Banque des BRICS : une nouvelle présidente

Depuis mars 2023, la Nouvelle Banque de développement, aussi connue comme la Banque des BRICS, est dirigée par Dilma Rousseff, ancienne cheffe d’État brésilienne.

La nomination de Rousseff à ce poste donne du poids à l’Amérique du Sud, au Brésil et au président actuel Lula, estime le chercheur Marco Fernandes.

Ensuite, l’expert souligne que l’institution financière du groupe aurait vocation à contrebalancer la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, tous deux issus du système de Bretton Woods et représentant les intérêts des pays du Nord.

«La Banque des BRICS doit guider les débats publics sur les principales questions stratégiques du monde, tout comme le fait, par exemple, la Banque mondiale. Combien de fois ouvrons-nous la presse et lisons : «Selon le rapport de la Banque mondiale, l’inflation de l’année prochaine sera de…» ? Il en va de même pour le FMI», a-t-il estimé.

De toutes les mesures lancées par la nouvelle dirigeante, le chercheur salue surtout le recommencement de la mobilisation de capitaux.

«Avant l’arrivée de Dilma, [la banque] n’avait pas levé de fonds depuis plus d’un an. Si une banque n’est pas bien financée, elle ne peut pas faire grand-chose. Ainsi, elle sera en mesure de garantir le meilleur financement pour les projets d’infrastructure dans le Sud», a détaillé l’analyste.

Il a signalé que la banque des BRICS a levé l’équivalent de 6 milliards de dollars cette année, et que ce montant pourrait même atteindre 7,5 milliards de dollars dans les prochains jours.

«Si l’on considère que la banque a levé l’équivalent de 33 milliards de dollars en huit ans, cela représente une moyenne d’environ 4 milliards de dollars par an. Si elle atteint 7,5 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, cela représentera presque le double du montant moyen de financement qu’elle fournissait», a expliqué Fernandes.

Les objectifs 2024

La plupart des fonds attirés par la Banque actuellement sont exprimés en dollars, a rappelé l’enseignant. Pour lui, le principal défi en 2024 sera donc de faire avancer les discussions sur la dédollarisation.

«Sur ces 33 milliards de dollars, seul l’équivalent de 5 milliards de dollars, plus ou moins, a été levé en yuan, la monnaie chinoise. Le reste était principalement en dollars et une partie en euros. Or, c’est un problème, justement parce que les pays du Sud, lorsqu’ils empruntent en dollars, restent sujets aux fluctuations des taux de change et à la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine», a expliqué le chercheur.

Pour en sortir, il faudrait collecter des fonds en monnaies nationales.

«L’objectif de la banque des BRICS d’ici 2026 est de lever jusqu’à 30% en monnaies locales», a précisé Marco Fernandes.

Pour lui, un autre grand débat au sein des BRICS se portera l’année prochaine sur une monnaie commune. Elle servira de référence dans les réserves entre les membres du groupe mais ne sera pas en circulation, a-t-il indiqué.

Un bon moment pour la présidence de la Russie

En 2024, c’est le Brésil qui devait assumer la présidence tournante des BRICS. Toutefois, le président Luiz Inacio Lula da Silva a demandé au groupe de le libérer de cette fonction, car en 2024, son pays sera également à la tête du G20. Pour lui éviter un cumul de responsabilités très complexe, il a été décidé d’avancer l’entrée de la Russie à la présidence des BRICS.

Cette décision est a été saluée par Marco Fernandes, car elle intervient au moment où la Russie est en train de chercher une alternative au dollar. De plus, Moscou, de concert avec Pékin, essaie de construire un monde multipolaire, libre des diktats de Washington et à l’écoute des besoins du Sud global.

«Je pense que rien ne pouvait être mieux pour les BRICS, en cette année de consolidation de l’expansion et d’avancement des discussions sur les alternatives au dollar, que de voir la Russie prendre la présidence à ce moment-là», a conclu le chercheur.

Pour rappel, le prochain sommet des BRICS se déroulera dans la ville russe de Kazan.


- Source : Sputnik (Russie)

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