Dieudonné à une journaliste au Cameroun: " Je suis venu communier avec mes ancêtres "
L’humoriste le plus controversé de la France en court séjour au Cameroun nous a accordé un entretien exclusif où il revient sur son actualité brûlante et ses projets.
Qui est véritablement Dieudonné ?
Je suis Dieudonné Mbala Mbala, je viens d’avoir 48 ans, le 11 février dernier. Je suis un chef de famille Mvog Atangana Mballa. Je suis un humoriste. Ca fait plus de 25 ans que je fais rire les gens en France. Je suis devenu avec le temps, humoriste le plus populaire peut-être pas par rapport aux autorités du pays qui voudrait interdire mes spectacles, mais par rapport au peuple qui vient voir massivement mes spectacles puisque cette année ce sont les zéniths remplis entre 5000 et 7000 personnes qui viennent m’applaudir.
J’ai bénéficié d’une promotion exceptionnelle avec la mobilisation de tout le gouvernement, Manuel Valls en première ligne, et aussi Jean Marc Ayrault et le Président lui- même François Hollande, qui lors de son dernier discours a précisé qu’il fallait tout faire pour interdire les spectacles de ce monsieur Mbala Mbala. Voilà qui est Dieudonné Mbala Mbala, un humoriste qui essaye de faire son travail le mieux possible. Je me suis aperçu qu’on pouvait rire de tout et, notamment en France, les humoristes ne s’étaient pas privé de rire des africains depuis longtemps. C’était un sujet particulièrement utilisé, crêpé on va dire. Et moi, ils m’ont dit que je n’avais pas le droit, moi, humoriste franco camerounais. C’est comme ça qu’ils m’appellent maintenant ! Alors que je fais juste mon travail honnêtement. Je n’ai jamais incité à la haine envers qui que ce soit mais simplement à voir, à rire, comme on rit de moi.
Qu’est qui justifie votre présence au Cameroun en ce moment ?
Oh je viens régulièrement au Cameroun. J’ai enterré mon père il y a quelques années déjà. J’y venais déjà. J’ai toujours eu l’impression de venir au Cameroun. Ça me fait du bien de venir me recueillir sur sa tombe et de me ressourcer. Quand on vieillit, c’est quelque chose qui devient plus naturel. Vous savez quand on est jeune on a beaucoup de choses à faire, se construire une vie, un avenir professionnel mais quand on vieillit, on est déjà installé et les choses les plus essentielles c’est ça ! Pour ceux qui connaissaient mon père, je lui ressemble beaucoup.
Est-ce vraiment la seule raison pour laquelle vous êtes au Cameroun aujourd’hui, vous recueillir sur la tombe de votre père ? Au vue de votre actualité controversée…
(Large sourire). Oui ’avais besoin de venir parler aux anciens, de voir ma famille, de les rassurer, de leur dire que tout va bien et puis, d’aller chercher la force. Eh bien, je suis allé au bord du Nyong dans un endroit que ma famille que connait bien et je me suis ressourcé, j’ai communiqué avec les anciens. Après chacun voit ce qu’il a envie de voir. Les esprits très rationnels vous diront qu’ils ne savent pas ce que c’est que de se recueillir sur une tombe, mais chez nous, on dirait plutôt aller écouter et prendre la force chez les ancêtres. J’aime bien cette définition. J’ai besoin de cette grande force pour affronter tout le gouvernement français. Nous sommes des seigneurs de la forêt. Pour certaines personnes ça ne veut pas dire grand-chose mais pour ceux qui le savent, ils comprennent ce que je suis en train de faire. C’est notre nature. J’ai grandi comme ça. Mon père m’a toujours appris à ne pas baisser le regard.
Et si on parlait de la quenelle qui fait votre actualité en ce moment, que signifie concrètement ce geste?
La quenelle c’est un geste d’émancipation. C’est un geste très important parce qu’au départ c’était un geste très potache, un sketch et puis avec le temps on l’a vu avec la quenelle de Nicolas Anelka, les footballeurs, les sportifs de haut niveau qui ont fait ça après avoir marqué un but ou après avoir réalisé un geste technique exceptionnel ! C’est une façon de dire à cette société occidentale…c’est terminé. C’est un geste encore une fois de fierté de petites gens. Evidemment beaucoup d’Africains se reconnaissaient là-dedans mais aussi les petits Français qui subissent le système. On s’aperçoit qu’il y a ceux qui dirigent et ceux qui subissent et c’est pareil dans les pays du monde entier. Et donc, il y a cette fraternité et cette solidarité du petit qui fait ce geste. C’est comme ça que moi je vois la quenelle.
Qu’est ce qui a donc pu emmener les politiciens français à voir en la quenelle un geste antisémite ?
Simplement parce que la France est dirigée par un lobby sioniste et que ses dirigeants ont besoin de fabriquer de l’antisémitisme maintenant. Ils savent très bien que Dieudonné Mbala Mbala n’est pas antisémite mais ce n’est pas le problème. L’antisémitisme est un business qui permet de renforcer la politique de l’Etat d’Israël. Vous savez Israël s’est fabriqué grâce à l’antisémitisme. On a dit à partir du moment où il y a eu cette guerre et les atrocités de la guerre qui ont existé, eh bien, on va créer un Etat. Tout est basé sur la culpabilité du monde entier envers la communauté juive. Mais cette communauté qui doit aussi accepter son histoire, qui a gagné beaucoup d’argent sur le commerce triangulaire des esclaves, ne peut pas imposer sa souffrance. On peut à la limite partager une souffrance. Ce serait une souffrance universelle, mais sans hiérarchisation et sans compétition.
Quelles sont, à ce jour, les conséquences de la contre publicité du gouvernement sur ton travail et ta personne ?
Je dirais qu’en toute chose il y a le côté positif et le côté négatif. Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus de monde dans les salles. J’ai une notoriété internationale et même aux Etats-Unis, les gens connaissent les pensées. Le côté négatif c’est six perquisitions, deux gardes à vue, interdictions de spectacle, contrôles fiscaux, conseils d’Etat et tout ça, pour les sketchs de blague
Lors d’une des perquisitions justement, la police a retrouvé dans votre appartement 650.000 euros et 15.000 dollars. Pourquoi garder autant d’argent liquide chez soi et pas dans une banque ?
En fait c’est l’argent de la société. Il faut savoir que ça peut paraitre une somme phénoménale pour beaucoup de gens notamment ici au Cameroun, mais ça représente environ deux jours de travail lorsqu’on fait le zénith en France. Et comme nous avons changé de banque, eh bien on ne pouvait plus déposer d’espèces. Et c’est La raison pour laquelle on avait gardé cet argent. Mais bon… On va le récupérer puisque c’est l’argent de la société. Et du moment où les choses sont déclarées… tout le problème serait d’avoir de l’argent qui viendrait d’autres activités, mais là c’est de l’argent qu’on a gagné en travaillant.
Qu’est-ce que vous ressentez aujourd’hui lorsque les personnes qui vous appelaient hier en France, « l’humoriste français Dieudonné » vous qualifient maintenant de « l’humoriste franco-camerounais Mbala Mbala » pour vous désigner ?
Dans mon travail, j’ai été toujours été très critique sur cette presse et sur ces gens. J’ai toujours ressenti de toute façon un traitement très différent que vous soyez français de souche ou français de branche comme ils le disent. Donc, j’ai toujours eu ce sentiment. Je sais qu’il y a des français qui se reconnaissent beaucoup en moi, dans ma combattivité et c’est quelque chose qui transcende toutes les frontières, toutes les ethnies, toutes les religions. Je suis attaché à la France évidemment mais je viendrai me faire enterrer au Cameroun parce que c’est la terre de mes ancêtres. Je pense que l’Africain fait peur. Je suis Camerounais parce que c’est là où je finirais mes jours.
Vous arborez désormais une tenue traditionnelle de la région des grassfields du Cameroun pour vous produire en spectacle. Qu’est ce qui justifie ce changement subit ? Une prise de conscience de vos origines camerounaises ? La peur de l’exclusion de la société française ?
Ils m’ont interdit de travailler donc j’ai dit : Et comme ça, vous allez me laisser faire? Qu’est qu’il faut ? Et cette tenue est celle que j’avais à ma disposition et qui était la plus en harmonie avec le sujet et le spectacle que je joue. Vous savez, "Asu Zoa" c’est le titre du spectacle, ça signifie la face de l’éléphant en ewondo. C’est pour nous un personnage très important. L’ "Asu Zoa" c’était mon père. C’est l’esprit des anciens qui vient et qui parle. Donc, évidemment, je devais me trouver quelque chose et je l’ai fait.
Les journaux français ont révélé que vous aviez une entreprise au Cameroun dirigée par votre petit frère. Peut-on en savoir plus sur les activités de cette entreprise ?
Alors, là- dessus je ne peux pas en parler parce que c’est à eux de le faire. J’ai aidé la famille à lancer quelque chose mais je préfère que ce soit eux qui en parlent. Et puis, c’est une activité dans laquelle je n’interviens pas et il faut donc qu’elle se déroule en dehors de ma propre aura pour éviter qu’ils aient à subir les mêmes choses que moi. Par contre j’ai un projet pour le Cameroun. Je reviendrai pour faire un film certainement en 2014. Je vais revenir pour le préparer, faire des castings avec seulement des comédiens camerounais. Je suis en train de finir le scenario. Je ne peux pas en dire plus. Je ne peux pas donner de titre car à partir du moment où on a le titre, on a quasiment tout. Il faut vraiment que ce soit une surprise. C’est un projet moyen, mais pour le Cameroun c’est un énorme projet
- Source : Mireille Tchiako