Ukraine : qui sont les partisans de l'EuroMaïdan ?
Beaucoup considèrent les émeutes et les occupations de bâtiments officielles dans la capitale ukrainienne comme une bataille pour le choix européen.
Après la mort vendredi dernier d’un policier à Kiev, un autre membre des forces de l’ordre a été tué ce mercredi. Cet acte a été revendiqué par une sorte d’armée d’insurgés, un groupe clandestin né sur la vague de l’EuroMaïdan.
Des écussons avec des symboles néonazis, des bandeaux jaunes… ce sont les nationalistes radicaux qui se sont surtout fait remarquer lors des affrontements avec la police à Kiev. Aujourd’hui, de nombreux groupuscules clandestins de combattants radicaux sévissent à Kiev. Ils ont chacun leurs buts. Fin 2013, des organisations nationalistes se sont rassemblées sous le nom de Praviy Sektor et ont participé de façon coordonnée aux affrontements avec les forces spéciales antiémeutes Berkout du 30 novembre et l’attaque de l’administration présidentielle du 1er décembre 2013. Ce groupement rassemble des organisations telles que Trizoub, Patriotes d’Ukraine, Beli Molot, l’Assemblée sociale-nationale, UNA-UNSO et autres. La majorité d’entre elles ont mauvaise réputation au sein des organes de maintien de l’ordre. Leurs membres sont impliqués dans des attentats, leurs préparations, etc. Aucune de ces organisations n’a de poids réel. Leur tentative d’entrer au parlement en bloc a été un échec. Avant le Maïdan, elles visaient l’électorat local. Quelques-unes étaient même représentées dans les conseils municipaux et régionaux dans l’ouest de l’Ukraine. Pour l’expert politique Anatoli Loutsenko, le Maïdan leur a donné une chance d’élargir leur électorat.
« Toutes ces organisations, avant de se transformer en Praviy Sektor, avaient une faible influence sur la politique ukrainienne. Elles étaient locales. Elles se visaient plutôt l’électorat des régions ouest de l’Ukraine. Elles se sont justement rassemblées à l’intérieur de Praviy Sektor pour unir leurs bases électorales. Elles étaient peu connues, même chez les experts. Il n’y avait en quelque sorte que des bruits concernant Trizoub et UNA-UNSO. Ce sont de vieilles organisations qui sont nées dans les années 1990. »
Un seul élément unit ces partis et ces groupements à moitié criminels, c’est l’orientation clairement néonazie. Vladimir Kornilov, politologue, historien et journaliste ukrainien, directeur de l’Institut ukrainien des pays de la CEI, suit de près toutes les structures qui sont apparues en Ukraine. Pour lui, la majorité de ces « ultras » sont liés au parti parlementaire ultranationaliste Svoboda.
« Le spectre de l’EuroMaïdan s’est constitué dès les premières heures. Il est composé de représentants de toute une série de petites organisations auparavant regroupées au sein de l’Assemblée social-nationale. Le recoupement avec les social-nationaux n’est pas fortuit. Leurs membres arborent partout les mêmes tridents que ceux des néonazis européens. Ils sont très étroitement liées au parti Svoboda, qui siège actuellement au parlement et qui s’est longtemps appelé le Parti social-national ukrainien. Ils sont apparus dès les premières heures, en rang, avec des bandeaux de l’Assemblée social-nationale, les bandeaux jaunes que portaient les collaborateurs ukrainiens pendant la guerre, et ils forment la garde prétorienne de l’EuroMaïdan. »
Il est évident que les radicaux ne sont pas unis. Ainsi, mardi à Lvov, les combattants de Svoboda ont pris d’assaut un bâtiment déjà pris par les militants de l’EuroMaïdan. Le fait est qu’un des étages était occupé par des partisans de Bandera. Il est étonnant qu’avec la symbolique rouge et noire nazie ils aient des slogans anarchistes, antigouvernementaux, anticapitalistes.
Vladimir Kornilov indique un autre élément intéressant. Les combattants se coordonnent grâce aux réseaux sociaux russes.
« Chaque localité se crée sa petite structure de trois-quatre personnes. À Kherson, par exemple, deux étudiants qui avaient égorgé un policier ont été arrêtés. Il s’agissait de militants de l’EuroMaïdan. Ils ont créé une organisation qu’ils ont appelée Novaïa Rus. Ils ont d’ailleurs la même symbolique que les néonazis : 1488, croix gammées, slogans « Heil Hitler». Et ils se coordonnent tous grâce aux réseaux sociaux, principalement russes, à mon plus grand étonnement. Il est ainsi possible de retrouver Praviy Sektor ou le groupe S -14, qui a une forte influence au sein de Praviy Sektor. Beaucoup de représentants de ces petites organisations se rassemblent dans des stades, car la majorité d’entre eux sont des supporters de football. Nous pouvons constater sur l’EuroMaïdan qu’une grande partie de Praviy Sektor est en fait composée de supporters du Dynamo Kiev, et aussi d’amateurs de football de Lvov. »
Pour l’expert, l’organisation la plus visible chez les radicaux ukrainiens est l’organisation nationaliste Patriotes d’Ukraine. A l’époque de Viktor Iouchtchenko, elle était soutenue par l’État qui la finançait largement. Ses combattants recevaient une formation dans différentes régions d’Ukraine et étaient bien équipés.
« Patriotes d’Ukraine est l’organisation la plus structurée de cette alliance. Elle était officiellement la branche armée du parti Svoboda, une sorte de régiment du LSDSP (Parti social-démocrate du travail letton) de notre époque. Ils ont utilisé la structure de leurs prédécesseurs idéologiques. Il y a eu un procès contre les terroristes qui avaient fomenté un attentat pour le jour de l’Indépendance ukrainienne en 2011. Ils ont récemment provoqué une altercation entre des manifestants de l’EuroMaïdan et un juge. Ces personnes font partie des conseils locaux ou sont des assistants des députés de Svoboda. Ils portent des t-shirts de l’Assemblée social-nationale avec des croix gammées. Et le parti Svoboda est au parlement. Il paraît que, avant Viktor Ianoukovitch, le service de sécurité de l’Ukraine avait des contrats avec les Patriotes d’Ukraine. Cela se voyait par leurs équipements. Personne n’était aussi bien équipé. Patriotes d’Ukraine est un réseau arborescent. Le plus étonnant est que leur centre se trouve à l’est de l’Ukraine, dans la ville de Kharkov, où l’on parle russe. Et beaucoup s’étonnent que l’organisation ultranazie ukrainienne soit principalement composée de nationalistes ukrainiens russophones. »
Pour Vladimir Kornilov, le milieu des affaires finance souvent ce genre de groupes armés.
« Il y a derrières de nombreuses organisations de ce type des hommes d’affaires privés, qui doivent assurer des prises de contrôles illégales, ce qui est une méthode d’implantation très populaire en Ukraine. Ils les engagent ponctuellement pour se battre, que ce soit avec la police ou avec leurs concurrents. »
Suite au meurtre d’un policier à Kiev, l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), qui a revendiqué cet acte, a commencé à faire parler d’elle. Rien n’est pourtant sûr pour le moment. Mercredi, un autre membre des forces de l’ordre a été abattu
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- Source : La Voix de la Russie