Lutte contre la quenelle et stratégie politicienne en France
L’inanité de l’argutie juridique utilisée par le pouvoir pour interdire les spectacles de l’humoriste Dieudonné est avérée [1]. La question que cela pose, et à laquelle il faut répondre, est celle des raisons politiques de cet acharnement soudainement ultra-médiatisé du système. En d’autres termes, pourquoi la stratégie de l’édredon, soit le silence politico-médiatique imposé autour de Dieudonné ou encore d’Alain Soral, qui a prévalu pendant des années, a-t-elle subitement été abandonnée ?
À première vue bien sûr, le succès populaire grandissant de la « quenelle » (comme des vidéos mensuelles du président d’Égalité & Réconciliation), dont l’importance n’a d’égale que l’influence du lobby sioniste sur les pouvoirs publics français, rendait cette stratégie mondaine (le mépris) difficilement tenable. Pourtant, il semble qu’une explication plus politicienne qu’idéologique soit également à l’œuvre dans cette affaire.
Le « combat » mené par le système contre le nouvel axe du mal que constitue désormais toute critique pertinente du système de domination, pourrait bien être, entre autres choses, une réaction à la dédiabolisation du Front national menée d’une main de fer par Marine Le Pen depuis qu’elle a pris les rennes du parti.
Élue pour « dégager » Sarkozy, qui avait fini par susciter un ras le bol généralisé, y compris au sein de son propre électorat, la « gauche », après à peine un an et demi de gouvernance, présente un bilan catastrophique et bat des records d’impopularité. Dans ce contexte, les chances s’amenuisent pour le système UMPS de pouvoir faire avaler aux Français une nouvelle dose d’« alternance » aux présidentielles de 2017, alternance « gauche-droite » devenue l’alpha et l’oméga de nos sociétés du marché roi et de la dette. Déjà tous les indicateurs sont au rouge concernant le vote frontiste aux élections municipales et européennes à venir. L’hypothèse d’un « 21 avril à l’envers » [2] en 2017 se fait de plus en plus pressante. Et constitue d’ailleurs une occasion fort alléchante pour un Parti socialiste totalement décrédibilisé d’être reconduit dans un contexte de crise sociale et de grogne populaire généralisée.
Chat échaudé craint l’eau froide et la classe politique française, ayant été prise de court en 2002, tente aujourd’hui d’anticiper en préparant le terrain d’une campagne d’entre-deux-tours sur le thème des champions de l’antifascisme et de la lutte contre l’extrême droite et l’antisémitisme. Manuel Valls, dont les ambitions présidentielles ne sont un secret pour personne et idéalement installé place Beauvau, sort donc naturellement du bois [3]. On conçoit bien alors quelle pourrait être la teneur de la campagne d’entre-deux-tours des présidentielles d’un candidat socialiste face à Madame Le Pen, sur le mode : « Voyez comme nous avions raison de lutter sans merci contre l’extrême droite, car voici que le FN est à nouveau au second tour des présidentielles. » Et de se gausser d’avoir fait taire Dieudonné et désigné Alain Soral comme l’ennemi public n°1.
Cette perspective pour 2017 est en tout cas le pari que semble avoir pris l’inénarrable catalan « éternellement lié à Israël ». Si la tactique politicienne n’explique évidemment pas tout, il est pourtant difficile de comprendre sans cela une attitude du ministre qui pourrait bien s’avérer totalement contre-productive sur le plan de l’opinion pour la majorité. Car dans la France des plans sociaux et de son corolaire l’explosion de la délinquance, il n’est pas sûr que les « veaux » de Français apprécient particulièrement que le ministre de l’Intérieur emploie tous son temps à lutter contre… l’humour et les quenelles [4] ! La loi sur le mariage dit « pour tous » ayant déjà largement semé le doute chez les Français quant à l’ordre des priorités du gouvernement Ayrault, tant la détermination était grande sur de tels sujets quitte à faire du passage en force une méthode revendiquée. Et pourtant, se présenter en rempart de l’extrême droite pourrait bien être la seule chance de maintien du Parti socialiste à l’issue du quinquennat. Sans une nouvelle démonstration de « théâtre » antifasciste, il est à peu près certain que le mécontentement populaire généralisé renversera la majorité.
À cet égard, il faut noter que l’outrance du ministre de l’Intérieur et le caractère juridiquement abracadabrantesque de sa démarche est à la mesure des difficultés que pourrait rencontrer un « candidat républicain » confronté au second tour à madame Le Pen. La tâche pourrait en effet s’avérer plus délicate qu’elle ne l’avait été en 2002 pour « Supermenteur » et son score de république bananière. Le bon peuple français, aussi docile et soumis qu’il puisse être, aura certainement gardé un goût amer d’avoir élu Chirac pour sauver la démocratie et de s’être vu voler son vote 3 ans plus tard, lorsqu’il s’est opposé à la Constitution européenne, celle-ci ayant finalement été adoptée via le traité de Lisbonne et la voie parlementaire.
C’est donc avec plusieurs coups d’avance que joue certainement notre intelligentsia républicaine dans la course au pouvoir, aux places et à l’hégémonie. Cette explication ne contredisant pas celle des motivations idéologiques via les lobbies, ces derniers ayant de toute façon tout intérêt à ce que les partis politiques qu’ils influencent se maintiennent ad vitam æternam au pouvoir.
Deux inconnues subsistent cependant. Tout d’abord, il est difficile de savoir à quel point la démarche de Valls était le reflet d’une ambition individuelle ou au contraire, en conformité avec les souhaits de son milieu politique. Le fait qu’il mène une action en accord avec les désidératas du CRIF dans l’affaire Dieudonné n’implique pas qu’il n’y ait aucune divergence stratégique quant à la manière d’agir au sein de la majorité en place. Tel Laurent Fabius dans l’affaire syrienne et lors des négociations sur le nucléaire iranien de novembre dernier, « Manu » pourrait être allé trop loin, y compris pour certains de ses congénères et pourrait connaître un retour de bâton après avoir « fait le boulot ». Enfin, il n’est pas certain que la politique antisociale, antipeuple et antinationale des Hollande-Fabius-Valls-Taubira et consorts pourra tenir jusqu’en 2017.
Si c’était cependant le cas et dans l’hypothèse d’une confrontation PS-FN aux prochaines présidentielles, cela rendrait rétrospectivement lisible l’acharnement du pourvoir face à Dieudonné. Car les masques tombent et l’ennemi est clairement désigné, les personnalités transcourants émancipées des catégories du Système ayant un large succès tant chez les trentenaires de gauche qu’auprès de la population française d’origine immigrée. Or, c’est bien le nouveau Front national tendance Phillipot qui devrait recueillir les fruits de la conscientisation apportée notamment par les sketches de l’humoriste Dieudonné et les analyses d’Alain Soral chez les populations habituées jusque-là à voter mécaniquement « socialiste ». Quoi que l’on pense du nouveau Front mariniste, il faut comprendre que sa victoire à une élection nationale constituerait un cataclysme pour le système en place depuis 1969 et pour les lobbies qui les soutiennent. Cette éventualité est en effet un cauchemar pour la classe médiatico-politique en place, tant elle l’obligerait à se découvrir et à faire fi des dernières règles de l’État de droit encore en place. Face à cette épée de Damoclès, les pseudo-distinctions droite/gauche s’effacent immédiatement [5].
Gageons enfin qu’un Système aux abois, incapable de régler quoi que ce soit à la crise que traversent la France et les nations européennes, sera prêt à tout pour conserver son pouvoir. À ce titre, la guerre déclarée à tous ceux qui lui résistent authentiquement est, n’en doutons pas, une guerre à mort, dans laquelle tous les coups sont permis. Il est alors nécessaire de redoubler d’attention et de se préparer aux pires coups tordus et manipulations dont nos « élites démocratiques » ont montré qu’elles étaient capables. La pleine compréhension des motivations et des stratégies du Système semble donc plus que jamais vitale.
- Source : Egalité & Réconciliation