Valls veut interdire Dieudonné
Dieudonné pourra-t-il continuer à se produire en spectacle ? L'humoriste controversé est dans le collimateur de Manuel Valls qui étudie les moyens de faire interdire ses «réunions publiques», après de récents propos antisémites. Le ministère de l'Intérieur planche sur «toutes les voies juridiques» pour interdire ces «réunions publiques» qui «n'appartiennent plus à la dimension créative mais contribuent à accroître les risques de troubles à l'ordre public», a-t-il annoncé vendredi dans un communiqué.
Cette annonce intervient quelques jours après les déclarations de François Hollande, qui avait lui-même dénoncé lors d'un discours devant le Conseil représentatif des institutions juives de France «le sarcasme de ceux qui se prétendent humoristes et qui ne sont que des antisémites patentés». Le président de la République n'avait jamais cité explicitement l'humoriste.
Son avocat dénonce «une censure»
Dieudonné a réagi par l'intermédiaire de son avocat, Me Jacques Verdier, qui juge «totalement fallacieux» les arguments du ministère de l'Intérieur. «Cela impliquerait qu'il y aurait des risques de manifestations préalables ou postérieures à ce spectacle, or depuis des années que Dieudonné organise ses spectacles, il n'y a jamais eu le moindre incident», affirme-t-il à l'AFP. «Jamais un spectacle de Dieudonné n'a été interdit. Chaque fois qu'un arrêté est pris, on le fait suspendre», souligne-t-il, dénonçant une «censure». «Réunion publique, moi, je ne sais pas de quoi il s'agit. Ce que je sais, c'est que Dieudonné fait des spectacles», défend son conseil. «C'est, de la part des autorités, un manque de respect absolu à l'égard de tous ces gens qui viennent voir Dieudonné pour l'applaudir», ajoute-t-il.
«Là on tombe dans une dérive extrêmement préoccupante pour la liberté d'expression en France», a regretté Florian Philippot, vice-président du Front national, qui se demandait «si des deux, le plus humoriste, ce ne serait pas plutôt Manuel Valls».
De nombreux soutiens sur Twitter
Alors que de nombreux soutiens de Dieudonné volaient à son secours sur Twitter, d'autres twittos, comme l'avocat @Maitre_Eolas, très suivi dans le monde judiciaire, dénonçaient son antisémitisme tout en critiquant «l'annonce du ministre de l'intérieur de vouloir interdire ses spectacles. Oui à une sanction a posteriori, non à une censure».
Patrick Bloche, maire PS du XIe arrondissement de Paris où est situé le théâtre de Dieudonné «la Main d'Or», approuve au contraire «l'initiative de Manuel Valls pour empêcher que des spectacles qui sont plus des meetings que des spectacles déversent des torrents de haine». «Ce théâtre est une tâche dans le XIe arrondissement qui a été particulièrement marqué par la Shoah» a poursuivi l'élu. Interrogé sur la possibilité de troubles à l'ordre public, l'édile a prévenu que certaines personnes pourraient ne plus supporter très longtemps la présence du théâtre.
Le ministère de l'Intérieur condamne « les propos racistes et antisémites»
Pour expliquer sa démarche, le ministre de l'Intérieur condamne «avec fermeté les propos racistes et antisémites» de Dieudonné M'Bala M'Bala, en rappelant notamment qu'il s'en est récemment pris au journaliste Patrick Cohen. Un récent reportage sur France 2 montrait Dieudonné s'en prendre au journaliste de France Inter, lors d'un spectacle à Paris.
La direction de Radio France a annoncé le 20 décembre qu'elle allait saisir la justice après les propos antisémites de Dieudonné visant Patrick Cohen. Dans son spectacle au théâtre parisien de la Main d'Or, Dieudonné lance notamment: «Tu vois, lui, si le vent tourne, je ne suis pas sûr qu'il ait le temps de faire sa valise». «Quand je l'entends parler, Patrick Cohen, je me dis, tu vois, les chambres à gaz... Dommage».
«De déclaration en déclaration, comme l'ont démontré plusieurs émissions télévisées, il s'attaque de façon évidente et insupportable à la mémoire des victimes de la Shoah», ajoute le ministère de l'Intérieur, soulignant que «malgré une condamnation pour diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale», Dieudonné «ne semble plus s'embarrasser de la moindre limite».
Plusieurs fois condamné, Dieudonné a écopé fin novembre en appel de 28000 euros d'amende pour diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale pour des propos et une chanson dans deux vidéos diffusées sur internet. Dans l'une des vidéos incriminées, il transformait la chanson d'Annie Cordy «Chaud cacao» en «Shoah nanas».
Plus récemment, devant le tribunal correctionnel de Paris, le ministère public a requis contre lui 200 jours amende à 100 euros pour des propos tenus dans un enregistrement vidéo diffusé sur internet en avril 2010, dans laquelle il reprenait l'expression «Shoah-nanas».
- Source : Le Parisien