Socialistes occidentaux: politique coloniale et néo-coloniale
La politique coloniale et néocoloniale des socialistes occidentaux
La visite du 1er ministre socialiste français en Algérie du 16 et 17 décembre 2013, un an après celle de François Hollande, est une occasion pour revenir sur plus d’un siècle de politique coloniale et néo-coloniale des socialistes. On pourrait dire politique internationale des socialistes, mais cela ne restiturait pas dans son intégralité la nature impérialiste de la politique internationale des socialistes des grands pays capitalistes. D'autre part, la délégation française qui s'est rendu en Algérie était composé de personnalités politiques et patronales dont la mission et selon les dires de permettre à "la France de récupérer sa première place commerciale en Algérie". Quant à cet article il a pour objet d’étudier les positions de la social-démocratie qui s’est évertuée tout au long du siècle passé à considérer les communistes comme des fous pour oser proclamer que la lutte libératrice des peuples opprimés avait un contenu révolutionnaire et pouvait contribuer puissamment à la lutte des prolétaires de la métropole contre le capitalisme.
La social-démocratie et la question coloniale
A la fin du 19e et au début du 20e siècle le capitalisme parvenu à son stade impérialiste dominait l’ensemble du monde. Les peuples d’Afrique et d’Asie étaient écrasés par une impitoyable colonisation. F. Engels dans sa correspondance avec K. Kautsky (12 septembre 1882) demandait que le prolétariat victorieux accorde l’indépendance à l’Inde, l’Algérie, l’Égypte et toutes autres possessions coloniales. Or, après sa mort les partis de la 2e Internationale notamment ceux des pays possédants des colonies oublièrent les enseignements d’Engels et prônèrent dans le meilleur des cas l’autonomie et non le droit de chaque colonie à avoir son Etat. Comme le disait fort justement Staline dans un article "Révolution et patrie" la 2e Internationale s’intéressait aux peuples asservis d’Europe (Irlandais, Hongrois, Polonais, Finlandais, Serbes), mais se souciait fort peu du sort des peuples non européens écrasés sous le joug colonial. Le léninisme avait remis les choses dans l’ordre en proclamant l’égalité entre peuples européens asservis et peuples non européens asservis par l’impérialisme. Susciter l’esprit de révolte des colonies en liaison indissoluble avec la lutte de classe du prolétariat des pays capitalistes, telle était la politique coloniale positive du léninisme. Les leaders les plus à gauche de la 2e Internationale trahirent le marxisme, l’idéal socialiste et la lutte de classes. Prenons par exemple le cas de Kautsky. Au congrès de Stuttgart de 1907, il avait pris la position la plus à gauche et combattit le colonialisme des révisionnistes avec le plus d’acharnement. Après avoir démontrer de façon juste et convaincante que toute politique coloniale n’est qu’une politique de violence et d’oppression…voilà que sa conclusion tourne le dos à son intervention lorsqu’il déclare "les pays capitalistes n’abandonneront jamais une colonie de plein gré". Cette conclusion lâche et remplie de peur le conduisit à prôner le réformisme colonial sous la forme du droit à l’autonomie en lieu et place du droit à la séparation de la colonie.
Les racines idéologiques de la politique coloniale des socialistes
La trahison du 4 août 1914, l’abandon des positions de classe, l’abandon de tout idéal socialiste conduisirent à la faillite de la 2e Internationalisme. Tous les partis socialistes qui restèrent membres de la 2e Internationale après la création de la 3e en mars 1919 sombrèrent dans le colonialisme le plus écœurant. Ces partis reconnurent que l’expansion coloniale était naturelle d’une part et d’autre part qu’un pays capitaliste développé ne devait pas renoncer à réclamer de façon plus ou moins ouverte des colonies. La racine théorique de cette position se trouve dans l’affirmation que le capitalisme étant inévitable, par conséquent, tout ce qui aide à son développement doit être accepté, soutenu et accompagner. Il y a là un attentat évident contre les enseignements internationalistes de Marx disant : "Tout peuple qui en opprime d’autres ne saurait être un peuple libre". En quoi le phénomène colonial aurait été bénéfique ? A-t-il participé au développement industriel des colonies ? Il n’existe aucun cas historique concret où l’on observe que le capitalisme a provoqué ou favoriser le développement de l’industrie en général d’une colonie prise à part ou d’un groupe de colonies. Il existe quelques cas qui montrent le développement d’une petite industrie de transformation dans quelques colonies seulement pour des buts de guerre. En raison de ce fait on ne peut dire que le colonialisme ait pû participer au développement des forces productives des colonies.
Engels avait noté le lien existant entre la domination du réformisme au sein de la classe ouvrière anglaise et le monopole industriel de l’Angleterre. Lénine avait ajouté que la colonisation permettait aux pays capitalistes de soudoyer et de corrompre le mouvement ouvrier grâce aux miettes du surporfit que la bourgeoisie tirés du pillage des colonies. Ainsi, nous avons une explication matérialiste de la base sociale du réformisme et de l’opportunisme.
La nature parasitaire du colonialisme
Naturellement, les pays impérialistes ont dissimulés leurs objectifs de rapines sous des buts humanitaires. Ils ne disaient pas : on dépouille les colonies pour en tirer le maximum de profits. Non ! Ils se vantaient "d’apporter" les droits de l’homme et la démocratie. La réalité de cette situation ce sont les persécutions et les horreurs sans noms. On peut dire que tout régime colonial était déterminé dans ses formes et son développement par les nécessités du développement économique des pays colonisateurs. Le premier colonialisme, celui de la péninsule ibérique, consistait littéralement à chercher et à voler l’or qui était considéré comme la base de la richesse. Ce colonialisme primitif, si on peut l’appeler ainsi, n’a pas été un agent du développement économique comme a pu l’être le colonialisme des pays capitalistes avancés de l’époque (France, Angleterre, Hollande, etc.). La métropole avait un monopole exclusif pour le développement économique; ceci, en raison du fait que le but du capitalisme en général, n’est pas le développement des forces productives, mais la création du profit pour chaque capitaliste, pour chaque pays capitaliste pris à part. Le développement des forces productives est directement la conséquence des conditions dans lesquelles le profit se réalise. Le capital qui entrait dans les colonies était un capital souvent hautement développé et jouissait d’une position monopoliste. Le colonialisme, outre qu’il revêtait des formes divers et variées d’oppression, reposait sur trois éléments : la méthode d’expropriation de la terre ; le système d’exploitation agraire et ; la méthode d’exploitation de la main d’œuvre.
L’expropriation de la terre a consisté à introduire la propriété privée de la terre par des moyens pacifiques et violents. Les tribus, les petits propriétaires ou fermiers étaient expropriés. En Algérie, l’administration française a introduit en 1873 la propriété privée de la terre afin de permettre aux colons de s’approprier les terres. Marx signalait pour les Indes, que les formes d’appropriation de la terre que les Anglais avaient introduites dans ce pays, se présentaient seulement comme une "caricature". Les colonisateurs cherchaient des appuis auprès des forces les plus arriérées généralement les féodaux. Un autre but de la colonisation consistait à empêcher la formation d’une classe indigène qui était capable de développer et de lutter pour l’indépendance. Parfois se produisait un processus inverse : les colonialistes provoquaient une insurrection pour réprimer le mouvement de libération. On ne peut nier que le colonialisme ait cherché à augmenter la productivité du travail. Au Congo, par exemple, les belges se sont trouvés devant une augmentation non seulement de la masse des produits, mais aussi de la productivité du travail. Se trouvant en grandes difficultés pour écouler leurs marchandises, ils diminuèrent le rôle de machines, baissèrent la productivité du travail et reprirent les méthodes primitives d’exploitation des matières premières. Cela montre que le développement des cultures donnant plus de profits se faisait sans tenir compte des besoins élémentaires des masses indigènes qui étaient toujours presque condamné à la famine et à la décadence physique permanente.
Pour augmenter le plus de profits possibles, l’exploitation de la main d’œuvre se faisait avec des méthodes d’une brutalité inouïe (travail forcé, amendes, corvées, etc.) ayant pour conséquence la destruction de tribus et de races entières. La destruction de population entière s’accompagnait de la création d’une classe de paysans sans terre, misérables, et à la paupérisation croissante "du peuple".
Cet examen rapide de la colonisation nous permet cette affirmation : elle a entravé leur développement économique et le développement national. Les social- impérialistes (socialistes en théorie et impérialistes en pratique) porte un jugement différent. Le colonialisme aurait produit une modernisation de l’état social et culturel des pays occupés, les rendant accessibles aux idées démocratiques, etc. Certes, les contrées occupées n’étaient pas évidemment fermées au progrès en général, mais dans ce domaine quel est l’apport du colonialisme ? En réalité, précisément le contraire de ce qu’on entend dans les pays capitalistes. Où était l’instruction promise ? Un pays comme l’Algérie avait 510 étudiants universitaires sur une population de 10 millions d’habitants en juillet 1962 après 132 ans de colonisation. La langue arabe était interdite d’enseignement et la langue française réservée à une "élite" algérienne, collaboratrice, dite assimilée. L’Algérie n’était pas une exception à la règle. Les colonies connaissaient le même type d’oppression culturelle. La social-démocratie s’est évertuée à estomper cela et à tromper les masses ouvrières sur "le bon" colonialisme.
Le néocolonialisme
Après que le colonialisme finit par dominer toutes les parties du monde à l’aube du 20e siècle…voilà qu’un grandiose événement, l’un des plus décisifs de l’histoire humaine, l’immortelle révolution d’Octobre, ébranle les fondations du système capitaliste mondial. Encouragés par les appels à la libération des colonies par le congrès des peuples d’Orient de Bakou de 1920 et la victoire décisive de l’URSS dans la Deuxième Guerre Mondiale, les peuples d’Asie et d’Afrique prirent de plus en plus conscience que le capitalisme colonial n’était pas invincible. Ces peuples écrasés, asservis et affamés se levèrent pour leur indépendance. Le peuple chinois derrière le parti communiste chinois de Mao Tsé Toung remporta la victoire contre l’impérialisme et ses relais locaux. Idem pour les peuples vietnamien, algérien et autres. Cependant, l’obtention de l’indépendance politique ne signifiait pas encore l’indépendance économique.
L’impérialisme avait compris que l’indépendance politique ne met pas fin en elle-même à la dépendance économique. Il reprit sous une forme améliorée ses rapports de domination sans la présence pesante de colons et des troupes militaires, sauf à de rares exceptions qui confirment la règle. Les bourgeoisies compradores ont remplacées les colons. Par intérêts de classes ces bourgeoisies refusent toutes ruptures avec la division impérialiste du travail. Tout pays retardataire dans la loi de la jungle capitaliste actuelle est voué à une nouvelle forme de colonisation. Ainsi, depuis l'ouverture du mur de Berlin et la défaite du camp socialiste qui s'ensuivie, nous voyons les pays dominés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine perdre progressivement leur indépendance politique.
Après avoir vu le contenu politique coloniale des socialistes de la 2e Internationale il nous faut conclure. Nous ne sommes pas attardés sur les guerres coloniales menées par des gouvernements socialistes depuis 1945. Etudier les racines idéologiques de la politique coloniale des socialistes est une tâche plus intéressante pour comprendre la liaison entre la trahison des principes internationalistes et l’absence d’une politique coloniale indépendante social-démocrate. La bourgeoisie a une politique coloniale simple à définir : annexer des territoires d'autrui pour spolier leurs richesses. Quant à la social-démocratie on ne peut dire qu’elle se démarque de cette voie…surtout depuis son intégration dans l’appareil d’Etat, où elle applique une politique servant les intérêts de la Bourse contre ceux des prolétaires.
- Source : Alter info