Libération est mort. Paix à son âme
Libération vieillit mal. Corseté dans ses petites certitudes, on y applaudit les forces de l’ordre quand jeunes garçons et jeunes filles vont dire leur hargne à des politiciens pour qui le Libé des années 70 n’était pas plus charitable. Le journal de Jean-Paul Sartre est passé, comme on disait alors, de l’autre côté de la barricade.
Libération n’a plus d’humour. On y signe des unes vengeresses, on y mène des enquêtes à charge, on y pratique un journalisme de délation. On y joue les flics. On s’y comporte comme des flics. On y pense comme des flics.
Libération a perdu pied. On n’y interroge plus le réel. On s’en désintéresse, on a mieux à faire. On juge avant d’écouter. On condamne avant toute forme d’enquête. Rue Béranger, on est devenu autiste. Sourd au monde.
Libération est assis sur son petit magot. Un magot de lecteurs de plus en plus maigre. Un magot vieillissant, recroquevillé sur ses certitudes. Mais qu’il ne faut surtout pas effaroucher, encore moins bousculer. Alors, c’est écrit une fois pour toutes : la rue aujourd’hui, c’est la « haine ultra ». La messe est dite.
Libération fait peine à voir. Trente ans à le lire. Trente ans à y découvrir des papiers qui vous agacent, vous malmènent mais vous nourrissent. Et puis, plus rien. Plus besoin de dépasser le premier paragraphe, on sait déjà. On ne vous apprend rien. On vous sermonne.
En ce printemps 2013, Libération est mort. Et la jeunesse qui bat le pavé n’en aura même rien su.
- Source : Robert Ménard via Boulevard Voltaire