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Délit d'opinion: Un procès verbal pour le port du sweat-shirt de la Manif pour tous

Auteur : Le Figaro | Editeur : Stan | Samedi, 06 Avr. 2013 - 12h50

Deux gardiens du parc du Luxembourg ont demandé à un père de famille d'enlever le sweat-shirt qu'il portait, symbole de la Manif pour tous. Incompréhension, refus d'obtempérer et procès-verbal…

Entre le fou rire et la consternation. C'est l'état dans lequel oscille Franck Talleu, un père de famille de l'Aisne, depuis le 1er avril. «Personne ne me croit, mais c'est authentique!», rit-il. Le lundi de Pâques, alors qu'il vient d'arriver avec son épouse et ses six enfants pour un pique-nique dans les jardins du Luxembourg, à Paris, deux gardiens du parc l'interpellent. Ils lui demandent de «couvrir» ou bien d'«enlever» immédiatement son sweat-shirt.

«Port d'une tenue contraire aux bonnes mœurs»

Le vêtement, sans inscription ou slogan, affiche le dessin d'un homme et d'une femme se tenant la main avec leurs deux enfants. Ce symbole de la Manif pour tous est souvent porté par les personnes qui s'opposent au mariage homosexuel. Ce sont les enfants de Franck Talleu qui lui ont offert. «Port d'une tenue contraire aux bonnes mœurs», déclame impérieux et solennel un des deux gardiens du parc. On pouffe, on se dit que, finalement, l'autorité publique a le sens de la blague, que ces agents ont bien le droit de se détendre, eux aussi, le 1er avril. Mais on répète sans rire qu'il faut s'exécuter. Maintenant. À la question «pourquoi?», le gardien répond que «cela peut choquer». Incompréhension, discussion, refus d'obtempérer. «Le ton est un peu monté, mais dans les limites du très raisonnable, je ne comprenais pas le délit, je voulais des précisions», explique Franck Talleu. Direction le poste, où le bon père de famille va passer une heure pour répondre de cette infraction intolérable qui lui vaudra, à la fin, un procès-verbal. Cas n° A, montant d'amende non précisé, il fera «l'objet de poursuites du ministère public», indique le verso du PV.

Le PV pour «organisation d'une manifestation ludique dans le jardin du Luxembourg sans autorisation spéciale».  

Le chef du poste qui est là propose de requalifier le délit qui, dans un violent éclair de lucidité, lui apparaît soudain un peu faible. Il pourrait surtout ne pas tenir la route et, dans un grand malheur, laisser passer l'impudent à travers les gouttes de la justice. C'est donc ce qui est inscrit sur l'amende. «Rapport fourni», est-il précisé. Franck ignorait qu'il fallait une autorisation pour discuter avec d'autres familles, rencontrées récemment sur les réseaux sociaux. Mais nul n'est censé ignorer la loi. «C'est vrai, avoue Franck, nous avions apporté des œufs en chocolat pour les cacher et amuser les enfants. Mais nous n'en avons même pas eu le temps, nous avons été tout de suite approchés par les agents.» Franck Talleu conteste l'amende en signant son désaccord au verso. Il n'empêche, le gardien, qui jouit d'une compétence judiciaire, aura eu gain de cause: le père de famille ressort sans son sweat-shirt sur le dos. «C'était la condition pour me libérer, s'amuse-t-il. J'avais mes enfants qui m'attendaient dehors depuis une heure, je l'ai donc retiré.»

Si les enfants les plus grands ont ri et demandé à leur père «s'il n'avait pas été torturé», le petit dernier de 6 ans, «à qui l'on apprend le respect de l'autorité», n'a pas compris, raconte Franck Talleu. Pour ce dernier, passé cette «énorme farce», c'est «le sentiment d'exaspération qui grandit» face à «l'entrave de plus en plus marquée à la liberté d'expression».

«Une entrave de plus en plus marquée à la liberté d'expression»

Et ce sera quoi demain?, interroge Franck. «Si le seul dessin d'une famille sur un tee-shirt est contraire aux bonnes mœurs, quid d'un couple dans la rue qui se baladera par la main avec ses enfants? Il se fera verbaliser?» Aussi veut-il avertir les autres en conservant son humour: «Chers pères de famille, une nouvelle résistance s'annonce: ce n'est pas celle des combats interminables dans des tranchées pour garder quelques mètres d'une patrie à transmettre aux enfants, ce n'est plus celle des maquis dont on ne revient que quelques nuits noires pour embrasser nos bien-aimées. Non, la résistance des mois à venir est celle des parcs et des lieux publics, en famille, au bras de madame, arborant fièrement notre joie (et nos sweats) de vivre un mariage heureux.»


- Source : Le Figaro

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