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Syrie : Le pilleur d'Alep !

Auteur : | Editeur : Admin | Mardi, 26 Févr. 2013 - 10h34

Ce serait pour des « raisons humanitaires » que le conseil de l’union européenne du 02/09/2011 ajoutait M. Farés Chehabi, citoyen syrien et Président de la chambre de commerce et d’industrie d’Alep, à la liste des personnes et entités dont il a décidé de geler tous les fonds et ressources économiques, parce que « responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie… » [1][2]. Il était classé dans la catégorie : « Apporte un soutien économique au régime syrien » !

Le plus étrange, pour qui se sent concerné par la Syrie, est de découvrir qui est cette personne [3] jugée si inhumaine pour ses concitoyens par la prestigieuse assemblée lauréate du « Prix Nobel de la paix 2012 » et, partant de là, de se demander jusques quand, pour des raisons inavouables d’hégémonie et de faillites, les instances moralisatrices internationales feront mine de ne plus savoir distinguer un « opposant démocrate » et patriote, convaincu de la nécessité du dialogue et de la solution politique proposés par le Président de son pays, d’un « rebelle armé » inféodé aux ténèbres et à l’envahisseur étranger ? Jusques quand tenteront-elles de convaincre leur opinion publique de condamner la catégorie du premier et de soutenir celle du second ? N’est-ce pas un questionnement légitime suite à l’énième décision prise, paraît-il après moult hésitations, par Bruxelles le 18/02/2003 [4] : « Léger assouplissement de l’embargo européen sur les armes en Syrie… afin de fournir un soutien non létal pour la protection des civils » ?!

Maintenant que les masques sont tombés, que le monde entier ne peut plus fermer les yeux sur la « guerre indirecte » menée contre la Syrie par une coalition internationale de pays dits civilisés et par terroristes interposés ; qu’entend Bruxelles, après les USA, par « soutien non létal » ? N’est-ce pas la mise à la disposition de ces envahisseurs « non déclarés » des moyens techniques les plus sophistiqués pour tuer encore plus de civils, détruire encore plus d’infrastructures, répandre encore plus d’obscurantisme propice au chaos constructeur de leur suprématie, dérober encore plus de trésors archéologiques d’un pays qui fut et reste le berceau de la Civilisation ?

Pour qui roule Mme Navy Pillay qui, sourde aux enquêtes émanant de ses propres services, « veut voir Assad devant le CPI » [5] ? Comment procédera la magistrate suisse, Mme Carla Del Ponte, qui déclare qu’« il est temps de saisir la justice » ; lorsqu’on sait que la pétition maquillant la vérité a été signée, à son initiative, par 54 États prétendument « Amis de la Syrie » [6] ? Et enfin, que penser des États qui ont hâte de remporter le marché syrien pour reconstruire ce qu’ils ont largement contribué à déconstruire [7] ? Accepteront-ils de comprendre que la Syrie ne manque pas de citoyens qui, lorsqu’ils s’opposent à une politique voire à une erreur de jugement de leurs autorités légitimes, ne sont pas prêts à vendre leur patrie ? [NdT].

M. Farés Chehabi, Président de la chambre de commerce et d’industrie d’Alep, a adressé un courrier demandant officiellement au ministère syrien des Affaires étrangères de soulever, à l’ONU, la question du « pillage des usines d’Alep » [8]. Il a déclaré que ce « cambriolage organisé » se poursuit, jour après jour, et que pour les Alépins, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan est le véritable « pilleur » de leur ville ! Il a sévèrement critiqué les déclarations de la dite « opposition syrienne », et a ajouté que dans ce cas précis : « celui qui défend le voleur n’est autre que son partenaire ! ».

 À Alep, les rebelles armés volent et des turcs en profitent

La citadelle de l’industrie syrienne s’est effondrée. La production s’y est arrêtée. Les industriels d’Alep qui, bien avant le déclenchement de ce qu’il est convenu d’appeler la « crise syrienne » considéraient que le rapprochement syro-turc se faisait au détriment de l’industrie locale, sont maintenant les victimes d’une campagne turque qui a systématiquement détruit leurs infrastructures industrielles. Une véritable opération de pillage à grande échelle qui finira devant les tribunaux internationaux, quelle que soit l’issue du conflit.

En effet, à peine quelques semaines après le début des violences en Syrie et la réticence de la classe moyenne, des commerçants, et des industriels de cette ville à s’engager dans le « renversement du régime », ses habitants sont devenus les cibles des « mécontents en colère » : insultes sur la voie publique, enlèvements, violences et brigandages sur les axes routiers menant vers la capitale et la côte ; puis, menaces de mort à l’encontre de nombreux industriels, incendies et vandalisme d’un maximum d’usines qui ont atteint leur apogée l’été dernier. C’est là que la grande opération de pillage a commencé, avec démontage et récupération de toutes sortes de machines et d’équipements avant expédition en Turquie ; le nord de la Syrie étant devenu le « marché obligé » de l’industrie turque !

 Les usines « Oulabi »

La série destructive des usines d’Alep, et les mensonges des médias associés, ont commencé par deux incendies provoqués du complexe industriel « Oulabi Textile » situé sur la route Alep-Damas. Le premier incendie a été présenté comme une arnaque de la part la famille Oulabi qui aurait chargé « ses chabihas » [néologisme révolutionnaire désignant les ignobles citoyens soutenant les autorités et l’Armée syrienne ! NdT] de la basse besogne pour ne pas avoir à payer le salaire des ouvriers, avec évidemment faux témoins oculaires et prétendus confidents à l’appui. Le deuxième incendie, présenté toujours comme l’œuvre des mêmes chabihas et pour les mêmes raisons, a eu lieu quelques jours plus tard alors que M. Bassam Oulabi, victime des circonstances, était encore hospitalisé en soins intensifs avant de décéder [9]. Ce deuxième incendie a fini de ravager ce qui restait du complexe et a mis au chômage 3000 ouvriers dont la grande majorité venait des zones rurales d’Edleb. Désormais captifs des milices de la prétendue « Armée Syrienne Libre » ou ASL, contre la promesse d’une plus ou moins consistante rémunération pour tout acte de violence commandité à l’encontre d’industriels et de commerçants nommément désignés, il ne restait plus qu’à les couvrir médiatiquement par le slogan prêt à l’emploi : « Le régime syrien kidnappe des innocents pour discréditer la révolution ! ».

Ces incendies avaient été précédés de l’assassinat de l’industriel Mouhammad Al-Ouess [10], du pillage de son usine familiale proche de Saraqeb [à 50 Kms au sud d’Alep], et de l’enlèvement de deux membres de sa famille. Ce fut le prélude au rapt de centaines de « nantis », et de leur parenté, devenus source de monnaie sonnante et trébuchante par l’exigence d’une rançon de plusieurs dizaines de millions au début de la crise, rendue à quelques centaines de milliers un an après. Opération lucrative à souhait, qui a vécu sa propre révolution en passant directement de petites à grandes entreprises par la « division du travail » ! En effet, il y a désormais ceux qui kidnappent « en gros » pour remettre leurs proies à des commerçants qui les répartissent « au détail » sur divers lieux de détention, avant de toucher le « pactole révolutionnaire ». Il a même fallu créer de véritables « agences » chargées de les maintenir en vie et de mener les transactions libératoires contre un certain pourcentage de la rançon fixée par les révolutionnaires kidnappeurs.

 La cellule de crise

Début 2012, suite à la multiplication des enlèvements et des menaces sérieuses mettant en danger des centaines d’industriels ou de médecins accusés de financer les chabihas ou de ne pas financer la révolution, et suite aux plaintes incessantes des citoyens d’Alep et de sa région, la cellule de crise s’est réunie avec les professionnels des secteurs économique et industriel ; lesquels ont exigé de frapper d’une « main de fer » les bandits de grand chemin et les gangs de kidnappeurs, de sorte à déplacer le cauchemar de l’axe Alep-Damas vers celui d’Alep-Turquie et ainsi couper la route internationale du nord du pays.

C’était le feu vert attendu par les autorités syriennes pour assigner à l’Armée la tâche de ramener la sécurité. Mais l’expansion de la « rébellion armée » a été plus rapide que la tentative de la contenir. L’entrée de l’Armée syrienne dans les deux localités d’Andane et de Hritane, après la fuite des bandes armées, n’a pas suffi à empêcher la dégradation de la situation sécuritaire, puisque la frontière turque était restée largement ouverte aux rebelles et aux trafics des armes dans les deux sens ! Ce qui explique l’escalade, à partir de l’été dernier, des agressions contre les manufactures et installations industrielles, la multiplication des redevances exorbitantes imposées à leurs propriétaires, les pillages et saccages des propriétés privées et publiques sur l’axe Alep-A’zaz ayant connu un important boom économique au cours des dix dernières années, notamment avec la politique d’ouverture entre la Turquie et la Syrie. C’est ainsi que les bandes armées ont pu assiéger complètement la ville d’Alep.

 La destruction des usines et le pillage des équipements industriels

C’est au mois de Ramadan qu’a commencé la destruction systématique des usines d’Alep. Des représentants de la « Chambre d’industrie d’Alep » ont révélé que le nombre d’usines pillées et/ou démolies dépasse le millier, et que les dossiers d’un grand nombre de celles-ci étaient largement documentés en préparation des poursuites judiciaires contre « l’Etat turc » responsable d’avoir permis, organisé et participé au démontage des usines et au transport de leurs équipements vers la Turquie ; le montant des pertes dépassant les 300 milliards de Livres syriennes !

En réalité, ce sont des milliers d’usines, de toute taille, qui ont été vandalisées et pillées ; leurs stocks de matières premières et de produits finis dérobés, leurs machines démontées et embarquées ouvertement vers la frontière turque. Certains équipements ont dû être découpés en « ferrailles » vendues aux fonderies turques. Les exemples ne manquent pas !

Ainsi, M. Mouhamad Bitar, dirigeant d’une usine de textile familiale située dans la cité industrielle de Sheikh Najjar, a déclaré : « Ce sont des individus armés de l’ASL qui ont volé nos équipements après avoir découpé certaines pièces mécaniques de 15 mètres de long en fragments transportés en Turquie, où ils ont été vendus au dixième de leur prix ».

Un autre industriel du textile, se présentant comme « Abou Ahmad » pour ne pas être nommément identifié, va encore plus loin : « Aujourd’hui, personne ne sait que je suis un industriel de Sheikh Najjar. Mon usine a été volée et saccagée. Avec deux de mes enfants et deux de mes anciens ouvriers, nous essayons de vendre quelques vêtements et conserves alimentaires sur les trottoirs, mais je jure que je ne vendrai jamais un seul produit turc quitte à mourir de faim… Le gouvernement d’Erdogan a arrêté un certain nombre d’avocats turcs venus en Syrie pour enquêter sur la démolition du tissu industriel d’Alep. Ils avaient pu vérifier et recueillir nombre de documents prouvant l’implication de leur gouvernement dans l’organisation du pillage et de la vente des machines et pièces détachées à certains de leurs compatriotes concessionnaires, sous la supervision d’agents du renseignement turcs ! ».

Quant à M. Ibrahim Clour, industriel spécialisé dans la fabrication de pièces de rechange pour gros véhicules, kidnappé sur l’autoroute internationale puis libéré contre une rançon, il déclare sans ambages : « Je suis de ceux qui ont perdu leur usine avec tout son contenu. Nous avons subi une invasion de nos sites industriels situés aussi bien dans les régions rurales qu’à l’intérieur de la cité. Les coups qui ont frappé l’industrie de la ville d’Alep étaient planifiés et volontairement destructeurs ; ce qui fait que notre performance est désormais rendue impossible ».

 Les conseils venus de Paris

C’est dans ces conditions que certains « hommes d’affaires » syriens réfugiés à Paris auraient contacté leurs homologues restés à Alep pour les convaincre de témoigner d’un peu plus de compréhension à l’égard des milices armées. Selon eux, cela permettrait la réouverture des usines encore susceptibles de fonctionner moyennant le financement et donc la protection des prétendus insurgés révolutionnaires. Un important industriel qui a reçu cette offre de la part d’un officier syrien dissident planqué dans la capitale française nous a déclaré : « De toutes façons, cette tentative était vouée à l’échec parce qu’il ne s’agit pas simplement de remettre en marche telle ou telle usine, mais de sécuriser les voies et convois de transport des marchandises et aussi de disposer du carburant nécessaire à leur circulation. Traiter avec les milices armées qui ont envahi nos sites industriels ne suffit pas. Il faudrait en faire autant pour satisfaire les exigences financières des dizaines d’autres milices déployées sur les autoroutes internationales, ou capables de se ramener pour nous couper la route en quelques minutes ! ».

 La haine de classe ?

Les syndicats des travailleurs syriens ne sont ni des « rouges », ni des « blancs » aux bottes des patrons et du pouvoir. La plupart des syndiqués sont des salariés de l’État alors que le syndicalisme est pratiquement absent du secteur privé qui est loin d’offrir les mêmes garanties ; puisque les travailleurs toucheraient un salaire minimum généralement inférieur et que moins de 10% seraient inscrits auprès des organismes de Sécurité sociale.

Cette absence de tradition ouvrière chez les travailleurs du secteur privé ferait que la plupart d’entre eux ne sont pas politisés ; ce qui expliquerait qu’ils n’aient pas témoigné de la volonté de protéger leurs usines, alors que des milliers d’entre eux ont répondu à l’appel du patronat pour manifester en faveur des réformes proposées par le Président Bachar Al-Assad. Par conséquent, l’attitude négative vis-à-vis de l’agression que subissait le tissu industriel régional a surtout été le fait d’une frange ouvrière non syndiquée.

À Alep, le nombre de travailleurs du secteur privé est d’environ 500 000. La plupart d’entre eux ont aujourd’hui perdu leur emploi à cause de la mainmise des bandes armées sur les zones industrielles, des transports devenus difficiles, et de la faillite de nombreux industriels…

C’est dans ce contexte que M. Farés Chehabi a proposé aux « rebelles armés syriens » sévissant toujours à Alep [parmi la multitude arrivée de tous les coins de la planète, moustache rasée, barbes de toutes les couleurs, pantalon raccourci - voir vidéo [3] -NdT] de les embaucher pour travailler à la reprise ou à la protection des usines de la région, à condition qu’ils déposent les armes et rejoignent le processus du « dialogue national » en cours à travers le pays. Il a assuré que la communauté économique d’Alep est capable de reconstruire le secteur industriel en une année seulement !


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