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Vendredi, 29 Nov. 2024

Antisémitisme et antisionisme : Les nouvelles frontières de la pensée en France dictées par Israël

Auteur : Mohamed El Bachir | Editeur : Walt | Mardi, 13 Août 2024 - 18h25

Quand l'influence du sionisme sur la politique étrangère française souligne la complicité de l'État avec l'impérialisme israélo-américain. Mohamed El Bachir examine les conséquences du sionisme politique, mettant en lumière le déracinement du peuple palestinien. Il critique la confusion entre l'antisémitisme et l'antisionisme, offrant ainsi une perspective éclairante sur les enjeux actuels de la politique au Moyen-Orient.

« Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens. Nous dansons entre deux martyrs et pour le lilas entre eux, nous dressons un minaret ou un palmier ». Mahmoud Darwich, « La terre nous est étroite et autres poèmes » (1). Poésie/ Galimard. Page 227.

L’État français sous tutelle du sionisme

Le 20 février 2019, lors du 34ème dîner organisé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le chef de l’État français, E. Macron s’est engagé à intégrer dans les textes de référence une nouvelle « définition de l’antisémitisme élargie à l’antisionisme» tout en affirmant que : « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme ». (2)

Un an avant, le 7 mars 2018, dans les mêmes circonstances, E. Macron avait déjà souligné l’engagement de l’État français contre l’antisémitisme non sans déclarer que : « la sécurité de notre allié israélien est une priorité absolue, elle n’est pas négociable, je le répète ici clairement avec la plus grande fermeté ». (3)

Au 37ème dîner, c’est le Premier ministre J. Castex qui, au nom du président retenu à Bruxelles, engagea l’État français à bafouer le Droit international en annonçant que « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif. Je n’ai jamais cessé de le dire ». (4)

Le 8 février 2012, l’ancien président N. Sarkosy avait tracé la nouvelle politique internationale de la France en déclarant « la France ne transigera pas avec la sécurité d’Israël, parce qu’Israël c’est un miracle… » (5)

Et sous la présidence de F. Hollande ? Les liens entre le parti socialiste et le sionisme politique rendent tout commentaire superfétatoire !

De toute évidence, les différents dirigeants cités n’ont pas tenu compte de l’avertissement énoncé en 2003 par le président Chirac en des termes sans équivoque :

« il y a dix ans, je fêtais avec vous le demi-siècle du CRIF, et tous, nous étions alors animés d’un formidable espoir. C’était au lendemain des accords d’Oslo. Aujourd’hui, l’espérance a laissé la place au désarroi. Et il est difficile, dix ans après, de parler de cette cruelle impasse dans laquelle chacun s’est peu à peu tragiquement enfermé ». (6)

Au contraire, l’État français a relégué la question palestinienne au second plan en se soumettant à l’impérialisme israélo-états-unien. Soumission jusqu’au point de devenir, aujourd’hui, complice de l’État d’Israël. E. Macron télégraphiste de B. Netanyahou ? Par exemple, en envoyant l’ancien ministre des Affaires étrangères, J.Y. Le Drian secondé par le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), Bernard Emié, pour faire pression sur le gouvernement libanais. Leur mission ? Créer une zone tampon au sud du Liban entre la ligne du Litani et la ligne bleue. Démilitariser le sud du Liban afin de rassurer les habitants israéliens des colonies limitrophes du Liban… Et jouer le gendarme d’Israël dans la mer Rouge au côté de l’impérialisme états-unien.

Le « miracle Israël » : coloniser la terre et expulser l’autochtone

Afin qu’Israël soit l’éternelle victime, il est nécessaire de commencer par introduire dans le langage et puis dans la loi de nouveaux «concepts». Entre autres, antisémitisme et antisionisme doivent traduire la même signification, à savoir, le rejet du juif… Il va de soi que la population européenne et française, en particulier, est malléable sur cette question au regard de ce qu’a subi la population juive en Europe. Pogroms… camps de concentration, chambres à gaz sous le nazisme avec la collaboration de Vichy… La Chambre des représentants des États-Unis, début décembre 2023, a franchi le pas en approuvant une résolution établissant que l’antisionisme est de l’antisémitisme…

Pourtant, quelques définitions suffisent pour lever toute ambiguïté :

  • Antisémitisme : racisme envers le sémite réduit à racisme envers le juif.
  • Sionisme politique : « le sionisme politique aspire à la création, en Palestine, pour le peuple juif d’un foyer garanti par le droit public… » (7) (Congrès de Bâle : 1897).

Une aspiration devenue réalité à partir de la déclaration du ministre des Affaires étrangères de l’Angleterre, puissance occupante de la Palestine. Que propose la déclaration du ministre Lord Balfour (1917) ?

« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement d’un foyer national pour les Juifs et fera tous les efforts possibles en vue de faciliter la réalisation de cet objectif, étant bien entendu que rien ne sera entrepris qui puisse causer un préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives existant en Palestine ou aux droits et au statut politiques dont jouissent les juifs dans n’importe quel autre pays ».[7]

« Le miracle » sioniste : l’enfer pour le peuple palestinien

Cette déclaration contient en elle une contradiction pour ne pas dire une aberration puisque la population autochtone concernée et à qui on ne veut pas causer de préjudice, n’a pas été consultée. Bref, le sionisme politique n’est rien d’autre qu’un colonialisme dont la particularité par rapport à l’apartheid et aux colonialismes classiques est la suivante : coloniser la terre en déracinant l’autochtone. Arthur Koestler, sioniste de la première heure et compagnon de l’extrémiste sioniste Vladimir Jabotinsky, définit la déclaration Balfour dans son livre «Analyse d’un miracle» comme étant « un document par lequel une première nation promettait solennellement à une deuxième nation le pays d’une troisième nation ». (8)

Les conséquences sont évidentes. Les puissances coloniales aidèrent le mouvement sioniste pour organiser l’immigration des juifs d’Europe et leur implantation en Palestine. Ce qui entraîna, évidemment, des révoltes de la population palestinienne à majorité paysanne avec son point culminant : le soulèvement de 1936-1939 sous le commandement de Hajj Amin et Azzedine Kassem. Elle fut réprimée dans le sang par l’armée britannique avec l’aide des forces militaires sionistes dont la milice Haganah. Hajj Amin fut exilé par la puissance mandataire. A. Kassem fut assassiné durant le soulèvement palestinien. Et aujourd’hui, l’une des forces de la Résistance palestinienne à Gaza porte le nom de Azzedine Kassem…

En Cisjordanie, à Gaza, le sionisme continue son œuvre de déracinement et d’effacement d’un peuple de sa terre… Avec cynisme mais avec lucidité, A. Koestler décrit Israël comme « un phénomène historique aberrant. C’est une espèce de monstre à la Frankestein, conçu sur bleus d’architectes et couvé dans les laboratoires de la diplomatie…Il existe en fin de compte grâce à un fait accompli dont la population indigène est la victime ».[8]

Un monstre à la Frankenstein que l’impérialisme occidental, les Monarchies du Golfe et les États signataires des Accords d’Abraham alimentent. Convergence stratégique : l’Iran et la résistance arabe dont le Hezbollah est le fer de lance sont en ligne de mire (9)… Et l’avènement du royaume d’Israël ne peut advenir sans l’effacement politique du peuple palestinien. Au Moyen-Orient, le passé est toujours présent…

Notes:

  1. Mahmoud Darwich, «La terre nous est étroite et autres poèmes». Poèsie/ Galimard. Page 227.
  2. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/02/20/antisemitisme-plus-jamais-ca
  3. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/03/07/conseil-representatif-des-institutions-juives-de-france
  4. https://www.gouvernement.fr/discours-de-jean-castex-au-36eme-diner-du-conseil-representatif-des-institutions-juives-de-france
  5. https://www.elysee.fr/2012/02/08/declaration-de-m-nicolas-sarkozy-president-de-la-republique-notamment-sur-les-relations-franco-israeliennes-a-paris-le-8-fevrier-2012
  6. https://www.elysee.fr/2003/05/22/discours-de-m-jacques-chirac-president-de-la-republique-sur-la-memoire-de-la-shoah-la-lutte-contre-lantisemitisme-la-defense-de-la-cohesion-nationale-et-la-recherche-de-la-paix-au-proche-orient-paris-le-22-mai-2003
  7. Yohanan Manor : « Naissance du sionisme politique ». Collection Archives dirigée par Pierre Nora et Jacques Revel. Edition Galimard Julliard. Pages 112, 106, 26, 224
  8. Arthur Koestler : « Analyse d’un miracle ». Circé poche. Pages 31, 51-52
  9. https://www.legrandsoir.info/l-iran-et-la-resistance-libanaise-en-ligne-de-mire

Photo d'illustration: Le président de la République au cours du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), au soir du mercredi 20 février 2019

***

B. Netanyahou : démocrate en Occident, terroriste au Proche-Orient

par Mohamed El Bachir

«Un monde qui s’achète et se vend, grimpe ou chute au grès des taux du dollar
Et de l’once d’or qui grimpent ou chutent au grès de la variation du prix du sang oriental.
Non… Beyrouth est la boussole du combattant».

– Mahmud Darwich : poème : la quassida de Beyrouth. Poésie Gallimard, p.178-197

Je n’ai comme arme que ma modeste parole pour dénoncer l’injustice. Ici et ailleurs. Mais face à l’imposture habillée de cynisme et de perversion des puissants, cette parole a été étouffée par la colère. Impuissant, je ne peux regarder les images de Gaza. Je ne lis plus les témoignages de ceux et elles qui agissent avec humanité à Gaza pour apporter secours. Vieux, il ne me reste plus que la colère tout en ressassant ce qui était prévisible.

Et je persiste : ce que vit le peuple palestinien est inscrit dans la nature même du sionisme politique.      

Dommage collatéral d’un État qui ne fait que se défendre face aux terrorisme ? Génocide ? Crime de guerre ? Crime contre l’humanité ?

Seul l’Occident civilisé a le pouvoir de décider. Cependant, concernant le massacre de civils du 7 octobre 2023, il a jugé l’évènement sans aucune hésitation et sans aucune preuve, tout en faisant abstraction de la cause historique. D’une seule voix, il a martelé : génocide !

Comme il est le porteur de la Loi, il a le pouvoir d’ignorer qu’il porte une lourde responsabilité. Celle, par exemple, d’ignorer ses propres résolutions tout en dotant l’Entité sioniste du statut d’État au-dessus des lois. Un statut qui lui permet de faire du peuple palestinien, les peaux rouges du XXIe siècle. L’impérialisme israélo-occidentales masque cet état de fait en jouant les mêmes comédies diplomatiques de faiseur de paix tout en nourrissant les conditions d’une guerre régionale d’une plus grande ampleur. Quand et comment sera t-elle déclenchée telle est la question.

Toujours guidé par la colère, j’ai replongé dans un article écrit le 19 janvier 2009. Que changer dans le contenu ? Les dates, l’ampleur du massacre !

Mais la réalité du peuple palestinien d’aujourd’hui est dans la continuité de l’analyse présentée dans le dit article :

Palestine : chronique d’un crime de guerre

19 janvier 2009 

par Mohamed El Bachir

Une fois l’entreprise israélienne de destruction de la bande de Gaza terminée, une fois le décompte macabre du massacre de la population palestinienne achevé, la communauté internationale avec à sa tête l’Union européenne et les États-Unis, rivaliseront en bonnes intentions en faveur du peuple palestinien. De nouveau, la communauté internationale viendra au chevet d’une population palestinienne meurtrie et rédigera des rapports sur la situation matérielle et psychologique des enfants palestiniens. À coup de millions d’euros, les puissances occidentales, se donneront bonne conscience, feignant d’oublier leurs méfaits de la veille. En effet, puni d’avoir choisi démocratiquement le Hamas, le peuple palestinien a été soumis à un blocus économique et financier dont les conséquences dramatiques ont été, maintes fois signalées par les organisations humanitaires internationales. Raison invoquée pour justifier cette punition : le gouvernement d’union nationale palestinien, constitué au lendemain des élections, ne peut-être reconnu, car la composante Hamas est inscrite dans la liste des organisations terroristes et ne reconnaît pas l’État d’Israël. Piètre argument quand on sait que ces mêmes puissances ont exigé de l’Autorité palestinienne la tenue de ces élections en 2006, suite à l’élection en 2005 du président de l’Autorité nationale, Mahmoud Abbas. Une hypocrisie aux conséquences tragiques quand on sait que dans le programme gouvernementale de l’Union nationale palestinienne, la revendication d’un État Souverain palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale reconnaissait, de facto, l’existence de l’État d’Israël. Les puissances occidentales ont préféré emboîter le pas à l’État d’Israël et créer ainsi les conditions d’une confrontation inter-palestinienne. De nouveau, le peuple palestinien assistera à un ballet diplomatique animé par les plus puissants de ce monde avec la même litanie «droit pour Israël de vivre en sécurité». Poser le problème ainsi revient à considérer que le corollaire «Sécurité» n’est pas une conséquence du théorème «Justice». La stérile controverse autour de l’interruption de la trêve relève de la mauvaise foi dans la mesure où durant la même période, l’État d’Israël continuait sa politique d’assassinats «ciblés» en Cisjordanie et à Gaza tout en consolidant la colonisation. Quand bien même la sécurité du peuple israélien est mise en danger par des roquettes, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’est rien d’autre que le corollaire d’une injustice qui se nomme occupation, colonisation et blocus.

Il est évident qu’en posant comme condition préalable, la résolution de l’équation «sécurité = paix durable», l’État d’Israël aidée par les puissances occidentales a aiguisé les contradictions du mouvement de libération nationale palestinien conduisant la société palestinienne à une nouvelle tragédie. Au delà des destructions et des massacres, cette tragédie nourrit les conditions d’une potentielle fragmentation géographique, sociale et politique du peuple palestinien. Une à Gaza, liée à l’Égypte et contrôlée par elle, l’autre tournée vers la Jordanie. Vieux rêve des stratèges et idéologues israéliens qui devient une hypothèse de plus en plus plausible. La présence des chefs d’États européens à Jérusalem, le lendemain même du cessez le feu, légitime Israël dans sa posture d’État au-dessus des lois et reconnait implicitement Jérusalem comme capitale de cet État. Ce qui marginalise encore plus la voix du peuple palestinien sur la scène internationale, déjà fragilisée par les enjeux régionaux et les divisions arabes .

Pour comprendre l’évolution et la crise du mouvement de libération palestinien, un bref retour dans le passé est nécessaire.

D’Oslo à Annapolis : le marché de dupes

Deux évènements d’importance ont mis fin au processus de paix d’Oslo et déclenché la deuxième Intifada. En juin 2000, le refus de Y. Arafat de signer le Plan de Ehud Barak, actant le fait accompli colonial en Cisjordanie, suivi, le 28 septembre 2000, par la provocation de A. Sharon sur l’esplanade des Mosquées.

Libre de toute obligation Internationale, l’État d’Israël a trouvé dans les attentats ciblant des civils israéliens l’alibi pour mettre fin au processus d’Oslo et inverser la question coloniale : la liberté de l’occupé est subordonnée à la sécurité de l’occupant. Cette inversion a légitimé l’opération «Rempart» et la répression du soulèvement palestinien en Cisjordanie. L’objectif poursuivi est double : destruction des infrastructures de l’Autorité et vider la principale composante de l’OLP de ces forces vives en assassinant et en emprisonnant de nombreux cadres et militants du Fath dont Marwan Barghouti, potentiel successeur de Y. Arafat. Le quasi-emprisonnement de Y. Arafat, considéré comme un obstacle à la paix par l’État d’Israël, a clos l’épisode «processus d’Oslo».

Mais il faut remonter aux accords d’Oslo ou Accord de Jéricho-Gaza (13 septembre 1993) et du processus de négociation pour déceler les causes de la tragédie que vient de vivre le peuple palstinien.

L’OLP reconnaît l’existence d’Israël sur 78% de la Palestine historique, en échange de quoi, engagement est pris par les deux parties de «mettre fin à des décennies d’affrontement et de conflit, de reconnaître leurs droits légitimes et politiques mutuels… Pour y parvenir, elles s’engagent dans le cadre du processus de paix à «établir une autorité palestinienne intérimaire autonome, le Conseil élu (le «Conseil»), pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans… Il est entendu que les arrangements intérimaires font partie intégrante de l’ensemble du processus de paix et que les négociations sur le statut permanent aboutiront à l’application des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité».

Cependant, durant la période intérimaire, l’Autorité palestinienne élue n’a pas droit aux chapitres «Jérusalem, les réfugiés, les implantations, les frontières…. Ce point est capital puisqu’il laisse à l’État d’Israël toute latitude pour continuer sa politique de colonisation telle qu’elle a été définie au lendemain de la guerre de juin 1967. Politique qui s’était accentuée à partir de 1977 avec l’arrivée de la droite au pouvoir. C’est ce qui a servi de cadre «légal» à l’État d’Israël pour organiser la séparation physique et géographique des palestiniens entre eux et d’avec les colons. Les timides protestations de la Communauté internationale ne l’ont nullement dissuadé. En revanche, conformément aux accords d’Oslo, toute résistance palestinienne à cette politique était illégale puisque la responsabilité de la sécurité dans les territoires concernés incombait à l’Autorité. C’est ainsi que, durant la même période, l’État d’Israël a consolidé les implantations au nom de la «croissance naturelle» des colonies. En effet, le nombre de colons est passé de 124 000 en 1993 à 400 000 en 2008. La construction des «routes de contournement» assure la continuité géographique des blocs de colonies avec l’État d’Israël et préfigure l’annexion et le morcellement de la Cisjordanie. En terme de superficie, les blocs de colonies en Cisjordanie contrôlent 42% de ce territoire. Le désengagement de la bande de Gaza en 2005 et le démantèlement des 21 colonies décidés par A. Sharon, sans négociation avec l’Autorité palestinienne avait un prix : l’annexion de 42% des terres fertiles de Cisjordanie. Enfin, la construction du mur consacre cette séparation physique et géographique et dessine les nouvelles frontières de l’État d’Israël.

En acceptant comme seules compétences, l’éducation, la culture, la santé et la sécurité civile, les négociateurs palestiniens permirent, involontairement, à l’État d’Israël de se débarrasser de la gestion sociale d’une population occupée tout en conservant le pouvoir de reconfigurer son territoire. Contrairement à ce qu’affirment les commentateurs politiques, l’assassinat de Yitzhak Rabin en 1995 par un extrémiste israélien n’a pas desservi le processus d’Oslo mais plutôt dévoilé les dessous des accords et accéléré le plan d’annexion. Comme d’ailleurs, la disparition de Y. Arafat et l’affaiblissement du Fath ont mis en lumière les contradictions du mouvement de libération nationale. Pris en main par un groupe restreint autour de Mahmoud Abbas, l’OLP et le Fath se sont transformés en un appareil administratif et gestionnaire social au service d’une Autorité sous contrôle dont la modération n’est nullement payée en retour par l’occupant. Cette contradiction s’aggrava avec la mise en place de la «Feuille de route» puis de la Conférence d’Annapolis puisque la condition préalable à la création d’un État palestinien est dorénavant assujettie à la sacro-sainte sécurité de l’État d’Israël.

En acceptant les conditions de la Feuille de route puis de la Conférence d’Annapolis, l’Autorité a donné l’image d’un appareil de collaboration et a semé les germes d’une confrontation inter-palestinienne. Ainsi la voie est ouverte pour le Hamas de tirer un profit politique et d’apparaître comme la seule avant-garde de la résistance du peuple palestinien. Il va de soi que la prise du pouvoir à Gaza par le Hamas est une erreur stratégique à double titre. Elle a accentué les divisions au sein du mouvement de libération nationale tout en donnant l’illusion que la bande de Gaza est libérée. Ce mouvement nationaliste, religieux (encouragé par Israël, début 1980, pour concurrencer le mouvement laïque incarné par l’OLP), a joué ainsi le jeu de l’occupant. Il est tombé dans le même piège que l’Autorité en exerçant un pouvoir «sans pouvoir» dans une véritable prison à ciel ouvert, tout en reléguant au second plan le fait colonial au profit de la «sécurité» du colonisateur.

Unité du Mouvement de libération nationale : dissoudre l’Autorité

De ces constats et des expériences des 15 dernières années, l’unité du mouvement de libération doit être de nouveau au centre des préoccupations de toutes les forces politiques palestiniennes afin que le peuple ait un Porte parole indépendant de l’Autorité et des pays arabes de la région. Unité dont l’objectif stratégique est la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale. Ce qui implique le démantèlement des colonies de Cisjordanie et la reconnaissance par Israël du droit au retour des réfugiés… Ou alors un État bi-national. Tout en n’excluant pas le principe de la résistance armée, d’autres modes d’actions non armées de masse doit être privilégiées. Un tel choix a l’avantage d’associer certaines organisations de solidarité israéliennes. Il peut aboutir à la dissolution de l’Autorité laissant ainsi à la puissance occupante la charge sociale de la population occupée.

À chacun son rôle, une puissance coloniale colonise. Un mouvement de libération nationale libère. Quant au droit des peuples à disposer d’eux mêmes, c’est à la communauté internationale de le garantir.

RI


- Source : Le Média en 4-4-2

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