Stop au mythe de la «bonne guerre»
Il est temps que les Américains intoxiqués se joignent au reste du monde et se défendent contre la lèpre de l’impérialisme, en admettant enfin que tous les conflits américains relèvent du mensonge.
L’Amérique est confrontée à un problème, mais ne vous inquiétez pas, nous pouvons arrêter à tout moment. Je parle bien sûr de l’appétit belliciste sans bornes de l’Amérique, de son incapacité à tenir un quart d’heure sans allumer un pays du tiers-monde comme un putain de pétard. Mais cela ne fait pas de nous des drogués, nous aimons simplement nous amuser et faire valser la merde de temps en temps pour nous défouler après une longue journée. Nous avons quitté l’Afghanistan après une vingtaine d’années, et plus ou moins quitté l’Irak. Nous pourrions même nous passer de ce pays et faire passer l’Amérique en premier si nous le voulions.
Mais auparavant, envoyons encore quelques bombes supplémentaires en Ukraine. Et peut-être une dernière attaque de drone en Somalie, en souvenir du bon vieux temps. Et juste une petite invasion rapide en Haïti et un autre exercice de navigation dans la mer de Chine méridionale, quelques sanctions supplémentaires contre la Corée du Nord, 2 ou 3 membres supplémentaires de l’OTAN et une autre base à Okinawa, un bourbier express au Yémen, quelques enfants soldats de plus au Rojava et un putain d’holocauste en Terre Sainte, et puis allez au diable, faisons la Troisième Guerre mondiale !
D’accord, l’Amérique a peut-être une toute petite addiction. Reconnaissons-le, nous sommes des grands drogués de la guerre, des Sid et des Nancy de première, qui sucent Raytheon derrière le silo à missiles pour une dernière dose. Mais tant que nous vivons cet instant de lucidité, pourquoi ne pas tout mettre sur la table dès maintenant. Nous sommes peut-être un empire de démons qui raffolent des crimes de guerre comme un bébé des seins de sa mère, mais cette situation est loin d’être nouvelle, et nous sommes tous contaminés. Même le plus pacifiste des pacifistes de ce pays semble considérer l’appétit de destruction de l’Amérique comme une aberration dans une histoire nationale par ailleurs bien stoïque, et tous les soi-disant non-interventionnistes semblent faire une place dans leur cœur à au moins une exception qui confirme la règle. Cette bonne guerre, vous savez, celle où nous avons joué les gentils pour de vrai et sauvé la situation, juste une fois.
Mais tout ceci n’est que foutaise. Toutes les guerres américaines ont été truquées. Ils invoquent tous des prétextes divers, dont certaines sont très convaincants, mais tous les conflits majeurs dans lesquels ce pays s’est engagé ont été guidés par le profit et le pouvoir, et toutes les guerres que nous avons menées se sont terminées exactement de la même manière, avec des monceaux de cadavres, moins de droits civiques et une fringale grandissante d’en avoir toujours plus.
Même notre soi-disant révolution, que tant de libertaires pacifiques tiennent en si haute estime, n’était guère plus qu’une autre quête de pouvoir sanguinaire. Même moi, très franchement, je peux soutenir une bonne vieille révolution populaire en tant qu’acte d’autodéfense de la société, mais l’idée que l’on puisse faire une véritable révolution sur un territoire illégalement occupé est absurde. La révolution américaine était plutôt une mutinerie coloniale. Une bande de tueurs d’Indiens trafiquants d’esclaves en avait assez de dépendre de la Couronne et, après avoir eu vent que les Britanniques prenaient des mesures pour réduire leur commerce d’esclaves et leurs massacres d’Indiens, ils ont joué les colonels Kurtz [personnage fictif et principal antagoniste du film «Apocalypse Now» de Francis Ford Coppola de 1979] et ont déclaré que leur colonie était une nation souveraine.
«Mais qu’en est-il de la guerre de Sécession ?» lance un jeune et brillant guerrier de la justice sociale depuis le dernier rang. Certes, la lutte pour la libération des esclaves est une exception, et elle l’aurait peut-être été si ce bain de sang avait été réellement motivé par la lutte contre l’esclavage. Ne vous méprenez pas, la Confédération était un cartel raciste de salauds génocidaires qui ont fait sécession spécifiquement pour pouvoir continuer à acheter, vendre, violer et tuer des marchandises humaines. Mais l’Union n’avait rien à faire des esclaves, et elle l’a ouvertement admis à de nombreuses reprises.
Abraham Lincoln lui-même était un partisan déclaré de la suprématie de la race blanche, et lui et la quasi-totalité de ses Républicains ont soutenu de tout cœur le 13ème Amendement, adopté à la fois par le Sénat et la Chambre des représentants, qui interdisait explicitement au gouvernement fédéral d’interférer avec l’esclavage sudiste et a servi de justification au Sud pour faire sécession en invoquant des motifs constitutionnels [Le 13ème Amendement a aboli l’esclavagisme et la servitude involontaire aux États-Unis, sauf en cas de punition pour un crime. Il obtint la majorité des deux tiers requise pour amender la constitution et fut adopté par le Congrès le 6 décembre 1865]. Le Sud était peut-être motivé par l’esclavage, mais le Nord était motivé par la consolidation de son pouvoir et le renforcement du bureau exécutif. Les principaux résultats de cette boucherie, outre les millions de cadavres, ont été la suspension de l’Habeas Corpus et la transplantation des corps noirs de l’esclavage agraire de la plantation à l’esclavage industriel salarial de l’usine. Frederick Douglass lui-même a proclamé avec horreur qu’il ne voyait pas la différence, mais les industriels qui ont rempli les poches de Lincoln, eux, la voyaient bel et bien.
Et puis, bien sûr, citons nos sacro-saintes guerres mondiales, au cours desquelles l’Amérique, la puissance incontournable, a sauvé l’humanité du fascisme au nom de la paix et de la démocratie mondiales. Oui, n’en déplaise aux progressistes, ce n’est qu’une connerie impériale de plus. La Première Guerre mondiale a été un imbroglio impérial insensé d’empires désuets comme la France, l’Allemagne, la Russie et le Royaume-Uni qui se sont mutuellement renvoyé la balle à propos de leurs sphères d’influence en déclin. Au bout de trois ans environ, toutes les parties concernées étaient prêtes à en finir et à négocier un accord. C’est alors que Woodrow Wilson s’est jeté dans la mêlée pour prolonger le bain de sang et réaliser son rêve de faire de l’Amérique une superpuissance mondiale progressiste et d’utiliser ses nouveaux et massifs «pouvoirs de guerre» pour réorganiser l’économie sous l’égide d’un cartel de grandes entreprises tout en réorganisant la Constitution verrouillée par un État policier hypertrophié.
Ce diable blanc a également préparé le terrain pour la prochaine guerre mondiale en rejetant la totalité de la dette de la première sur l’Allemagne avec le traité de Versailles. Mais l’Amérique n’a-t-elle pas été attaquée à Pearl Harbor ? Techniquement, oui, mais Franklin Delano Roosevelt et ses porte-flingues ont tout fait pour garantir le succès de cette attaque, en imposant aux Japonais un embargo pétrolier dévastateur, en humiliant leur régime lorsqu’ils se sont rendus à Washington pour négocier et en plaçant la flotte américaine du Pacifique à leur porte en l’implantant sur le territoire récemment colonisé d’Hawaii. L’Allemagne n’aurait jamais déclaré la guerre aux États-Unis sans Pearl Harbor. Hitler avait déjà pratiquement perdu à Stalingrad et était en fait bien décidé à ne pas s’étendre davantage vers l’Atlantique.
Mais les États-Unis ont voulu achever ce que Wilson avait commencé. Une fois de plus, nous nous sommes lancés à la dernière minute dans un nouveau bain de sang impérial entre des géants antagonistes pour s’approprier le butin de guerre, et nous l’avons fait en lançant une campagne d’attaques terroristes choquantes destinées à faire comprendre au monde que nous étions désormais les nazis. Des villes entières ont été réduites en cendres par des attaques massives au napalm. 100 000 personnes à Tokyo, 600 000 autres à Hambourg, Dresde et Cologne. En 1945, le Japon implorait un accord de paix, mais nous leur avons tout de même largué deux bombes nucléaires, juste pour nous assurer que Staline avait bien compris le message.
Et vous trouvez que c’est une putain de bonne guerre ?
Au fil des décennies, les champs de bataille et les croque-mitaines ont changé, mais le résultat est toujours le même. Quatre millions de personnes brûlées vives en Corée, cinq millions au Viêt Nam, des dictateurs, des escadrons de la mort et des moudjahidines armés jusqu’aux dents et entraînés à la boucherie, tout cela au nom de la lutte contre les méfaits du communisme. Mais le communisme s’est effondré et nous avons engagé d’autres guerres avec ces mêmes dictateurs, escadrons de la mort et moudjahidines. La soi-disant guerre contre la terreur a engendré un nouveau champ de bataille pour 4,7 millions de cadavres supplémentaires, et l’Amérique s’en est trouvée grandie, ses entreprises se sont enrichies et son État policier s’est durci.
Ça suffit ! Assez de guerres à la con. L’Amérique doit mettre fin à cette dépendance démente avant qu’elle ne nous entraîne tous vers une congestion nucléaire. La première étape ne consiste pas seulement à admettre que nous avons un problème. La première étape consiste à détruire la mythologie toxique de la bonne guerre, et admettre que nous avons toujours eu un sacré problème, que la guerre elle-même est le problème. La seule excuse valable à la violence est l’autodéfense, et la défense ne consiste pas à détruire les biens d’autrui. Il est temps d’intervenir autrement. Il est temps que les Américains intoxiqués se joignent au reste du monde pour se défendre contre la lèpre de l’impérialisme américain. Et tout cela ne pourra se faire qu’en admettant enfin que tous les conflits américains relèvent du mensonge.
Photo d'illustration: Image by Museums Victoria
Traduction : Spirit of Free Speech
- Source : CounterPunch (Etats-Unis)