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Vendredi, 19 Avr. 2024

Ursulagate : pourquoi von der Leyen porte gravement atteinte aux intérêts financiers de l’Union

Auteur : Éric Verhaeghe | Editeur : Walt | Vendredi, 07 Oct. 2022 - 10h29

Peu à peu, une certitude se dégage : Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a gravement porté atteinte aux intérêts financiers de l'Union, en procédant à un achat massif, dans des conditions objectivement douteuses, de vaccins Pfizer à concurrence de plus de 2,4 milliards de doses... Nous récapitulons ici la présomption de faits sourcés et documentés de manière publique et indiscutable, qui permettent d'étayer cette suspicion, qui n'est pas loin d'être une accusation.

Le dossier s’étoffe et montre de manière de plus en plus indubitable qu’Ursula von der Leyen a gravement porté atteinte aux intérêts financiers de l’Union Européenne, et tout spécialement de ses contribuables, en dépensant plus de 70 milliards € pour acheter notamment des vaccins Pfizer en dehors des procédures transparentes que ce type de marché exige. Je précise d’emblée que le reproche ne porte pas sur l’urgence avec laquelle la passation des contrats a été menée (car, s’agissant d’une pandémie, on peut admettre que des procédures accélérées soient mises en oeuvre), mais sur l’opacité suspecte de la procédure elle-même. 

Je me propose de récapituler ici les éléments objectifs et incontestables de ce dossier. 

Une procédure d’achat tardive…

Premièrement, et contrairement à une légende tenace, la Commission n’a certainement pas agi dans l’urgence, mais au contraire avec retard, pour acheter des lots de vaccins contre le COVID. 

Comme le souligne la Cour des Comptes de l’Union dans son rapport ad hoc, la procédure d’achat en Europe a commencé avec retard par rapport aux autres espaces occidentaux (page 18). Le Royaume-Uni a lancé sa procédure d’achat avec la mise en place d’une task force dès le 17 avril 2020, et les Etats-Unis dès le 15 mai 2020. 

Or, alors qu’une feuille de route pour un achat en commun des vaccins est présentée le 17 avril 2020 par la présidente de la Commission et par le président du Conseil, la Commission européenne ne met en place son comité de pilotage pour l’achat des vaccins que le 18 juin 2020, soit deux mois après le Royaume-Uni. 

Ce retard significatif dans la procédure d’achat, indépendamment des modifications réglementaires qui devaient être adoptées parallèlement pour permettre un achat groupé par la Commission a nui aux intérêts économiques de l’Union. 

Un comité de pilotage non professionnel

La mise en place d’un comité de pilotage pour superviser l’achat centralisé de vaccins pose un problème manifeste. 

Comme le remarque la Cour des Comptes européenne à la page 21 du rapport d’audit que nous avons cité plus haut :

"Les représentants nommés au comité de pilotage n’ont dû satisfaire à aucune condition préalable ou exigence quant à leur domaine d’expertise, au risque que l’entité chargée de superviser l’acquisition de vaccins n’ait ni les compétences ni l’expérience requises pour maîtriser la complexité de la passation de marchés relative à la fourniture de vaccins".

Confier le pilotage d’un marché inédit d’achat de vaccins, dont le montant global a dépassé les 70 milliards € à des personnalités parfaitement inexpérimentées nous semble relever de l’incompétence fautive et constituer un manquement grave aux intérêts financiers de l’Union. Les erreurs de gestion commises par la suite s’explique largement par ce choix initial dans le pilotage de la procédure. 

Cette disposition figurait dans un annexe à une décision de la Commission. Dès lors que la composition du comité de pilotage relève d’une décision expresse de la Commission, c’est la responsabilité personnelle de la présidente de la Commission qui est engagée dans ce dossier. 

En outre, comme le remarque la Cour des Comptes européenne, la Commission européenne n’a pas inclus, à la différence du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, d’experts en matière logistique dans la procédure de négociation et d’achats de vaccin (page 22).

"Les équipes chargées de la passation des marchés mises en place par les États-Unis et le Royaume-Uni comprenaient des experts en chaîne d’approvisionnement et en logistique. La Commission ne s’est pas posé la question de savoir quelles compétences étaient nécessaires dans l’équipe conjointe de négociation avant le lancement du processus de passation de marchés".

Ce choix fautif a profondément nui à la qualité de l’approvisionnement des Etats-membres en vaccins, causant là encore un préjudice aux contribuables de l’Union. 

Un comité de pilotage qui pilotait peu

Comme le relève toujours la Cour des Comptes européennes (page 23), le comité de pilotage n’a jamais fixé d’objectif clair à l’équipe conjointe de négociation. Ce sont les membres de celles-ci qui ont donc déterminé eux-mêmes, sans pilotage clair, l’objectif et les valeurs cible de l’achat. 

Ce manque de clarté souligne la faute personnelle commise par la Présidente de la Commission, qui s’est emparée tardivement du dossier du vaccin, et s’en est occupée de façon brouillonne, sans s’assurer que la dépense de 70 milliards € serait conforme à des orientations et des objectifs clairs et conformes aux choix politiques des Etats-membres. 

La négociation européenne en matière de vaccins s’est en réalité déroulée dans un véritable brouillard. 

Des achats massifs sans données solides

Enfin, la Cour des Comptes européenne (page 24) souligne que les achats de vaccins ont finalement été validés sans aucune donnée scientifique solide :

"L’accord entre la Commission et les États membres (voir point 25) précisait qu’avant d’arrêter ses décisions, la Commission solliciterait le conseil de scientifiques indépendants, à la fois sur l’avancement de la mise au point et sur les données disponibles sur la qualité, l’innocuité et l’efficacité des candidats vaccins. La Commission a effectivement pris conseil auprès d’experts scientifiques, mais faute de données solides, le comité de pilotage a dû prendre des décisions avant de pouvoir disposer de données scientifiques claires".

Cet aveu d’une décision à l’aveugle illustre l’absence complète de sérieux scientifique dans la stratégie vaccinale européenne. En réalité, l’Europe a massivement acquis des vaccins sans rien connaître de leur qualité, de leur innocuité ou de leur efficacité. 

Là encore, cette prise de risque est une faute commise par la présidente de la Commission. 

Une négociation… avant l’appel d’offres

L’amateurisme et la précipitation désordonnées que nous avons décrits ci-dessus ne sont rien en comparaison de la procédure d’achat elle-même, qui s’est substituée aux appels d’offres réglementaires de l’Union. 

Comme la Cour des Comptes européenne le révèle dans le rapport toujours cité dans le présent récapitulatif (page 26), l’appel d’offres accéléré s’est révélé superfétatoire, dans la mesure où les achats de vaccins ont été “ficelés” dans des réunions préparatoires de gré à gré :

"Premièrement, les fabricants de candidats vaccins et l’équipe conjointe de négociation s’étaient entendus sur des éléments essentiels des futurs contrats (notamment les prix, les quantités et la responsabilité civile) au cours des négociations préliminaires. Ce n’est qu’une fois ces éléments convenus que l’appel d’offres avait été lancé, comme en atteste le peu de temps écoulé entre l’appel d’offres et la date limite de soumission des dossiers d’offres (10 jours)".

Autrement dit, l’équipe de négociation en principe encadrée par le comité de pilotage avait négocié directement les tarifs et les quantités à fournir avec les fabricants avant qu’un appel d’offres purement formel ne soit lancé. 

La Cour des Comptes souligne que la Commission n’a pas saisi l’opportunité de l’appel d’offres pour examiner les capacités de production de chaque candidat. Au fond, l’appel d’offres a simplement servi à habiller ce qui avait été préalablement conclu dans les négociations bilatérales, en dehors de toute logique économique. 

Ursula von der Leyen a signé tardivement les contrats avec les fabricants

Alors que, en novembre 2020, le Royaume-Uni avait signé cinq contrats d’achat anticipé avec des clauses de la “nation la plus favorisée” (au sens où ces contrats prévoyaient une livraison prioritaire au Royaume-Uni), la négociation préliminaire entre la Commission Européenne et Pfizer n’a débuté… qu’en avril 2021 (page 33 du rapport de la Cour des Comptes de l’Union). Le contrat final n’a été signé que le 19 mai 2021. 

Là encore, ce retard dans les négociations, imputables à la présidente de la Commission, illustrent la mauvaise utilisation du denier public par la Commission Européenne. 

Ursula von der Leyen a anormalement favorisé Pfizer

La Cour des Comptes européennes souligne que les négociations préalables avec Pfizer ont été personnellement menées par la Président de la Commission (page 33 du rapport cité). 

"Au cours du mois de mars 2021, la présidente de la Commission a mené les négociations préliminaires ayant pour objet un contrat avec Pfizer/BioNTech. Il s’agit du seul contrat pour lequel l’équipe conjointe de négociation n’a pas participé à cette étape des négociations, contrairement à ce que prévoit la décision de la Commission relative à l’acquisition de vaccins contre la COVID-19".

La Cour des Comptes européenne ne pourrait être plus claire : en violation complète du droit communautaire, la présidente de la Commission s’est substituée à l’équipe conjointe de négociation créée par la décision de la Commission que nous avons déjà citée pour conclure le contrat dans une relation directe absolument opaque. 

La Cour rappelle que ce contrat est le plus important jamais signé par la Commission européenne. On peut s’interroger sur l’opacité complète de cette procédure au regard de l’importance particulière des montants en jeu. 

D’autres éléments factuels nourrissent l’intime conviction que cette procédure anormale et opaque constitue le préjudice financier le plus grave causé à l’Union par la présidente de la Commission. En effet, Ursula von der Leyen, à ce stade, a refusé d’accéder aux demandes de la Cour des Comptes sur le contenu de ses échanges avec Pfizer lors de ces négociations préalables. 

"Nous avons demandé à la Commission de nous fournir des informations sur les négociations préliminaires relatives à ce contrat (les experts scientifiques consultés et les conseils reçus, le calendrier des négociations, les procès-verbaux des discussions et le détail des modalités convenues). Notre requête est restée sans suite".

Cette remarque formulée page 33 du rapport s’ajoute au rappel de la saisine opérée par la médiatrice de l’Union, à qui Ursula von der Leyen a refusé de transmettre les messages échangés avec Pfizer en amont de cette négociation préalable. 

La dangereuse dépendance de l’Union à Pfizer

Cette négociation secrète entre la Présidente de la Commission et l’entreprise Pfizer, pour un contrat colossal, met en danger les intérêts financiers de l’Union, dans la mesure où le résultat de cette violation manifeste du droit communautaire est de rendre, à partir de 2022, l’Union dépendante d’un fournisseur quasi-monopolistique, ce qui est contraire au principe de libre accès au marché qui fonde l’Union elle-même.

La Cour des Comptes européenne en dresse elle-même le constat (page 36 du rapport cité) :  

"Le portefeuille de vaccins a évolué et comprendra une proportion considérable de vaccins à ARNm jusqu’à la fin de 2023 (voir figure 9), principalement en raison du contrat passé avec Pfizer/BioNTech portant sur 900 millions de doses (avec 900 millions de doses supplémentaires en option). La Commission nous a informés que la décision de s’en remettre à cette entreprise avait été motivée par sa capacité d’approvisionner l’UE de manière fiable".

L’explication donnée ici paraît extrêmement sommaire, compte tenu de l’opacité globale des négociations que nous avons décrite plus haut. Cette opacité constitue l’indice majeur du soupçon qui pèse sur la légalité de la négociation.

Au total, les intérêts financiers de l’Union paraissent gravement compromis par les libertés procédurales que la présidente de la Commission s’est accordée à l’égard de ses propres décisions. 

Un intérêt insuffisant accordé aux problèmes d’approvisionnement

Alors que la Présidente de la Commission s’est personnellement investie, en toute illégalité, dans la négociation du contrat onéreux avec Pfizer, elle s’est montrée d’une totale passivité dans le contrôle de l’exécution de ce contrat (et des autres contrats conclus par l’Union pour l’année 2021). 

La Cour des Comptes européenne en fait la remarque (pages 40 & 41) :

"Une task-force pour la production industrielle à plus grande échelle des vaccins contre la COVID-19 (Task Force on Industrial Scale-up of COVID-19 vaccines ou TFIS) a été créée par la Commission en février 2021, soit huit mois après le début des travaux du comité de pilotage sur la passation des marchés en matière de vaccins et de l’équipe conjointe de négociation. Par ailleurs, elle a vu le jour neuf mois après que la Commission s’était engagée à étudier les moyens de soutenir une montée en puissance de la production des vaccins, et huit mois après qu’elle avait évalué la probabilité que d’autres économies imposent des restrictions à l’exportation de vaccins". 

Autrement dit, la Commission a mis 9 mois pour réaliser sa promesse de soutenir l’approvisionnement en vaccins. Cet exemple factuel illustre l’incurie de la présidente de la Commission, qui a capricieusement favorisé un fournisseur sans s’intéresser à la façon dont les différents contrats seraient réellement honorés. S’agissant de Pfizer, il est à noter que ce fournisseur a lui aussi connu des difficultés d’approvisionnement. 

La Cour des Comptes remarque (page 42 du rapport) que le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont au contraire porté d’emblée leur attention sur les questions de logistique et d’approvisionnement. 

Une absence de compréhension globale du processus

En concluant son rapport par des remarques sur l’absence d’évaluation du processus mis en place, la Cour des Comptes européenne met en lumière l’incurie de la présidente de la Commission sur ce dossier aux enjeux financiers colossaux. Sur le fond, on constate qu’Ursula von der Leyen a agi avec retard, et qu’elle a fait le choix de favoriser personnellement un fournisseur, en dehors de toute procédure, et en refusant de communiquer les actes préparatoires à cette négociation. 

Il est évident, au vu de ces éléments, qu’Ursula von der Leyen ne peut établir qu’elle a mené les négociations au mieux de l’intérêt financier de l’Union. Au contraire, le manque de professionnalisme dans la négociation a nui à l’efficacité des contrats signés. Ceux-ci ont donné lieu à des ruptures d’approvisionnement qui auraient pu être évitées si la Commission avait suivi les mêmes principes opérationnels que le Royaume-Uni, par exemple. 

Dans tous les cas, un faisceau d’indices objectifs nourrissent une forte suspicion sur la régularité du contrat négocié avec Pfizer, et sur sa conformité aux intérêts financiers de l’Union. 


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