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Ode à la liberté, François Sureau remet les pendules à l’heure sous la Coupole de l’Académie

Auteur : LaurianeB | Editeur : Walt | Mardi, 08 Mars 2022 - 13h30

Ce jeudi 3 mars, l’entrée sous la Coupole de François Sureau ravive la flamme de la liberté devant une assemblée plus que gênée. Homme de lettres et homme de droit, le nouvel Académicien rend un hommage vibrant à son défunt prédécesseur Max Gallo tout en réveillant notre conscience de citoyen, et nous fait l’honneur d’un discours dont la majesté du verbe nous avait cruellement manqué par ces temps troublés. Pourtant soutien de la première heure du président de la République, il brosse un portrait au vitriol du pouvoir en place. Mais il faut voir en ce pamphlet bien plus qu’une attaque en règle contre la Macronie, c’est avant tout une invitation à nous ressaisir.

Discours de m._francois_sureau

Tradition immuable depuis 1635, François Sureau a fait son entrée sous la Coupole en prononçant un premier discours remarqué (c’est le moins qu’on puisse dire) dont voici la retranscription écrite. Les immortels ont reçu comme devoir de la part de Richelieu d’unifier la nation autour de la langue, le nouvel arrivant entend également le faire autour de la défense des libertés.  

Qui est François Sureau ?

François Sureau est écrivain et avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Élu à l’Académie française le 15 octobre 2020 au 24e fauteuil, précédemment occupé par Max Gallo.

Proche d’Emmanuel Macron – dont il a aidé à rédiger les statuts de la République en Marche – mais aussi de François Fillon, il clame ne jamais participer au jeu politique, qu’il ne supporte pas. Cette proximité avec le chef de l’exécutif ne l’empêche pas de le critiquer ouvertement.

Il s’affuble lui-même du surnom de “Colonel ronchon” pour décrire sa posture avec le Président.

François Sureau a publié au total plus d’une vingtaine d’ouvrage, entre récits de voyage, romans, analyses, biographies et poésies.

Hommage à son prédécesseur et ode à la liberté

Pour son premier discours, bien conscient de ne pas entrer à l’Académie comme dans un moulin – « c’est une Compagnie dans laquelle on entre, et non une circonscription dont on hérite. » – M. Sureau rend un hommage vibrant au précédant occupant de son nouveau fauteuil.

Max Gallo était Académicien et écrivain prolifique français. A la fois député des Alpes Maritimes, secrétaire d’État et porte-parole d’un gouvernement socialiste, fondateur de parti, député européen, cet Académicien et fils de résistants a connu bien des vies, on lui doit des œuvres majeures avec toujours pour thème celui de la jonction entre liberté et identité française.

Ci-dessous donc un discours où l’intéressé s’interroge sur les réactions que pourraient avoir son défunt prédécesseur sur l’époque que nous vivons, et passe au vitriol la perte sens (qui va avec la perte de liberté) à laquelle nous assistons « avec docilité ».  

Ceux qui ne connaissent pas les prises de position de François Sureau concernant les libertés publiques y voient une attaque frontale, en règle, contre la Macronie et la gestion actuelle du pouvoir. En réalité, les paroles de François Sureau s’inscrivent dans le temps long d’un combat qu’il menait bien avant l’apparition du Covid ou de la guerre en Ukraine.

Sans la liberté

En 2019, il publie dans la collection tract de Gallimard un court texte intitulé « sans la liberté » et où l’on retrouve toute l’inspiration de son discours.

C’est tout d’abord un texte d’étonnement démontrant le manque de vitalité de notre société à vouloir préserver nos libertés. Pour lui ce qui nous caractérise en tant que français, c’est l’amour de la liberté, qui finira par prendre le dessus sur « la trouille généralisée ». 

L’auteur venait présenter son texte au micro de France Inter il y a 2 ans et décrivait déjà cette situation de “trouille généralisée” avant la crise sanitaire, qui lui a donc donné tort jusqu’à présent sur l’amour des français pour la liberté au-delà de la trouille : 

Pas d’arbitrage possible entre sécurité et liberté

Toujours selon ce dernier, rien de pire que le faux arbitrage entre sécurité et liberté. Nos régimes sont fondés sur le fait qu’il faille garantir les libertés puisque la demande de sécurité l’emporterait toujours. A son grand étonnement, il s’alarmait déjà que les digues aient sauté dans une époque bien moins difficile que celle de nos aïeules (et il parle d’une situation avant Covid !!).

Tel Madame Soleil, il prévenait : quand un gouvernant dit « la liberté, certes, mais la sécurité … » cela signifie « sécurité d’abord et le reste on verra ensuite » (on comprend qu’il ne conseille plus Emmanuel Macron, qui se félicitait récemment que « La sécurité soit la première de nos libertés ».)

« A cette aune, pas de pays plus libre que le royaume de Staline ou de Mussolini » – « le rêve de l’escargot »

La Liberté n’existe pas sans les inconvénients de la liberté

Surtout il s’indigne de la loi sur la haine en ligne. « en se fondant sur la répression de la haine en ligne, la loi introduit désormais la répression pénale à l’intérieur de la conscience » – les intentions qui fondent la loi sont bonnes, mais la liberté n’existe pas Sans les inconvénients de la liberté.

La liberté d’écrire, de dire, d’aller et venir suppose un risque de blesser, déranger, bref, la liberté conduit à un mouvement – et tout ce qui conduit à brider ce mouvement, même pour les meilleurs des motifs, est quelque chose de dangereux.

La raison pour laquelle il existe un contrôle de constitutionnalité est bien la suivante : il y a des droits naturels et imprescriptibles que même le peuple ne peut contourner, quand bien même il le désirerait.

Il y a des haines justes

Il existe un droit à haïr, la république est née de la haine des tyrans. On ne veut plus voir que le mal existe, nous cherchons à bâtir des constructions juridiques pour faire oublier cette part imparfaite de notre nature. « Nous vivons dans le rêve d’une société de la perfection individuelle », qui provoque une société de la peur où chacun craint pour la perfection de sa propre vie.

En confondant la liberté et les droits (et surtout le droit à ne jamais être blessé) nous nous retrouvons dans un monde sans fraternité politique ou chaque groupe d’individus réclame à l’Etat de faire respecter ses droits. Signe de la mort de la société politique, l’idéal d’une société meilleure se meurt et est remplacé par le culte de la nature.

La défaillance de nos institutions n’est que le reflet de nos platitudes

Dans ce premier discours – mais aussi dans son ouvrage de 2019 – la joute la plus acerbe est certainement celle tenue à l’encontre de nos institutions. Il y a tout d’abord la disparition de leurs sens et de la séparation de pouvoirs, voire une confusion recherchée de cette séparation.

« Personne ne veut vivre dans un pays où les institutions défaillantes nous disent quoi penser, comment parler et quand se taire ».

Et oui, paradoxalement, plus l’Etat est faible et dépassé, plus il prend sa revanche sur les libertés de tous, incapable d’endiguer l’action de quelques-uns.

« le citoyen réduit à n’être plus le souverain mais simplement l’objet de la sollicitude de ceux qui le gouvernent et prétendent non le servir, mais le protéger, sans que l’efficacité promise ultime justification  de ses errements soit jamais au rendez-vous ».

C’est certainement le passage que le pare-terre de jeunes cadres dynamiques ici présent aura jugé le plus à charge. Néanmoins, François Sureau ne dénonce pas ces tendances liberticides de nos gouvernants depuis hier, il n’a fait que décrire une situation qui s’installe, lentement mais surement, et où la Macronie se trouve décidément bien à son aise, comme un point de chute.

« La France est un pays où rien n’est jamais acquis, ni la paix, ni la vérité, ni même la liberté. Nous connaissons en moyenne une révolution, franche ou larvée, tous les soixante ans depuis plusieurs siècles ».

François Sureau nous invite donc à poursuivre le combat de la République que Gallo aimait, un régime qui n’est pas une fin en soi (et qui n’a pas toujours été doré) mais qui nous laisse un trésor inestimable : « l’égale dignité de tous, la présence agissante de la liberté, le souci du droit, l’amour de la patrie … » – et de ne pas laisser ceux qui n’aiment pas les libertés nous inviter à toutes les platitudes et à nous expliquer que les temps sont trop durs pour mener ces combats.

François sureau est assurément un digne successeur au fauteuil n°24, fut un temps occupé par Jean de La Fontaine.


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