Le choc des civilisations n'existe pas
La mondialisation est un phénomène irrépressible, indestructible, irréversible. Elle conduit à transformer les relations entre les Etats pour en nouer de nouvelles totalement différentes de ce qu’elles ont toujours été. Et c’est bien cette mondialisation, créée par les « occidentaux » pour continuer à faire du profit - suivant ainsi la loi « des marchés », qui est responsable de la crise actuelle : car à force de dérégulations, de modifications du droit et de la complexification de la production, les pays riches ont voulu profiter (une fois encore) des pays pauvres pour forcer leur prospérité déclinante à l’intérieur de leurs frontières - sans penser que le développement induit presque « malgré eux » à l’étranger allait finir par se retourner contre eux.
Et ce qui devait arriver arriva : c’est le retournement du capitalisme au profit des « anciens » pays pauvres contre celui des « anciens » pays riches. Les « BRIC » font aujourd’hui presque jeu égal avec les occidentaux, et même si pour les autres pays le chemin est encore long les choses bougent aussi : les révolutions arabes, les mouvements en Amérique Latine, et même le retour de la droite extrême à l’est de l’Europe sont des symptômes de cette volonté populaire d’accéder eux-aussi aux « bienfaits » de ce capitalisme.
Il apparaît donc que face à ce retournement, les pays occidentaux sont pris à leur propre piège : enfermés dans le libéralisme, ils leur est difficile de retrouver la sacro-sainte « compétitivité » en retirant plus à ceux qui n’ont déjà presque rien, le tout sans prendre trop à des riches qui ne le sont que fictivement. Il leur faut donc trouver de nouveaux marchés pour faire repartir la croissance, ce qui implique la mise en place d’une politique expansionniste ; en concurrence désormais avec ceux qu’on appelle maintenant les « émergés ».
Pour ce faire, nos gouvernants ont besoin d’une terre à conquérir, ainsi qu’un ennemi à attaquer, si possible correspondants l’un à l’autre : et nous voilà plongés dans le fameux « choc des civilisations ». Car cette terre c’est l’Afrique et ses formidables ressources, et cet ennemi c’est l’Islam. Et comme il fallait donc trouver un exutoire au peuple pour qu’il accepte les visées expansionnistes de son « camp » (l’Europe avec les USA et quelques autres), nous voilà aujourd’hui face à la réalité : le Mali, la prise d’otages en Algérie sur une plateforme gazière, le terrorisme international ; l’uranium, Areva et les Chinois…
Englués dans cette crise qui conduit peu à peu la majorité d’entre nous à la misère, les gouvernants occidentaux, mais aussi ceux des pays émergents, se disputent donc aujourd’hui les ressources formidables détenues par l’Afrique (qui elle aussi voudrait sa part du « gâteau », mais qui s’en soucie ?) pour retrouver enfin le chemin de la croissance. Devenue le seul continent « prenable » pour les deux camps qui se disputent en réalité le pouvoir et l’argent, l’Afrique est devenue le centre d’intérêt de toutes les convoitises.
Et comme il faut toujours une excuse pour s’emparer légalement du bien d’autrui - et que la colonisation n’a plus très bonne presse - nos gouvernants lui ont préféré la vieille technique de la croisade… contre le « terrorisme international islamiste » qui paraît-il frappe aux portes de l’Europe. L’islamisation de l’Afrique, dont les récentes révolutions arabes ne voulaient pas mais qui, avec le concours (involontaire ?) des occidentaux a tout de même percé, semble une aubaine pour qui recherchait un ennemi à combattre, et cela même sans être un fondu d’analyse géostratégique, non ?
Sauf que cette histoire ne tient pas debout. Ce ne sont pas les quelques 1500 djihadistes (on apprend à cette occasion que le « péril musulman » n’est pas si massif que l’on croyait !) qui vont envahir l’Europe mais bien les entreprises européennes ou chinoises (on verra qui l’emportera) qui vont envahir l’Afrique. Le « choc des civilisations », en tant qu’opposition de valeurs religieuses (Islam contre judéo-christiannisme) ou politiques (la « civilisation » occidentale contre la « civilisation » orientale) ne tient pas, il n’existe pas. En réalité c’est juste un affrontement pour le pouvoir et la richesse, comme tous les affrontements précédents. Il n’y a pas plus de « péril musulman » qu’il n’y a de « péril jaune », car ce n’est pas ainsi que se définit la lutte.
La véritable lutte, la véritable opposition, le choc qui se fait entre tous est celui des pauvres contre les riches. Il est là le choc. Tous les riches de tous les pays exploitent les pauvres de tous les pays, quelle que soit leur religion, leur couleur de peau ou leur orientation sexuelle. c’est le choc de LA civilisation capitaliste en décadence contre la montée du désir démocratique des peuples. Et c’est de ce choc que devra sortir quelque chose de nouveau, d’inconnu : soit les pauvres se rassembleront et lutteront, ensemble pour une démocratie mondiale, soit ils ne réussiront pas à vaincre et ce sera alors l’avènement d’une dictature, elle-aussi mondiale, pour le contrôle total des populations. Nous en reparlerons bientôt.
Caleb Irri
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