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À Gaza, des vies effacées : Israël anéantit volontairement des familles entières

Auteur : Amira Hass | Editeur : Walt | Samedi, 22 Mai 2021 - 11h16

Les nombreux cas d’assassinat de familles entières par les bombardements israéliens à Gaza – parents et enfants, bébés, grands-parents, frères et sœurs – attestent du fait que ce ne sont pas des erreurs. Les bombardements sont dictés par des décisions qui viennent de plus haut, appuyées et approuvées par des juristes militaires.

Quinze familles palestiniennes nucléaires et élargies ont perdu au moins trois, et généralement plus, de leurs membres, dans le pilonnage de la bande de Gaza dans la semaine allant du 10 mai jusqu’à lundi après-midi.  Parents et enfants, bébés, grands-parents, frères et sœurs, neveux et nièces sont morts ensemble lorsqu’Israël a bombardé leur maison qui s’est effondrée sur eux. Pour ce qu’on en sait, aucun avertissement préalable n’a été donné afin qu’ils puissent évacuer les maisons visées.

Samedi, un représentant du ministère palestinien de la santé a fait connaître une liste de noms de 12 familles qui ont été tuées, chacune dans sa maison, chacune par un seul bombardement. Depuis, en un raid aérien effectué dimanche avant l’aube, qui a duré 70 minutes et était dirigé sur trois maisons rue Al Wehda dans le quartier de Rimal de la ville de Gaza, trois familles comptant 38 membres au total ont été tuées. Certains corps ont été trouvés dimanche matin. Les services de sauvetage palestiniens n’ont réussi que dimanche soir à trouver le reste des corps et à les extraire des décombres.

L’anéantissement de familles entières par les bombardements israéliens était une des caractéristiques de la guerre de 2014. Dans les quelque 50 jours de guerre d’alors, les données de l’ONU indiquent que 142 familles palestiniennes (742 personnes au total) ont été supprimées. Les nombreux incidents d’alors et d’aujourd’hui attestent qu’il ne s’agit pas d’erreurs : et que le bombardement d’une maison quand tous ses habitants sont à l’intérieur vient d’une décision en haut lieu, appuyée par des juristes militaires l’ayant analysée et approuvée.

Une enquête du groupe de défense des droits humains B’Tselem centrée sur quelques-unes des 70 familles éradiquées en 2014, a fourni trois explications au nombre de familles nucléaires et élargies tuées, d’un seul coup, par un bombardement sur la maison de chacune de ces familles. Une explication était que l’armée israélienne n’avait pas procédé à un avertissement préalable des propriétaires ou de leurs locataires ; ou que l’avertissement n’était pas arrivé à la bonne adresse en temps voulu ou pas du tout.

En tous cas, ce qui se dégage c’est la différence entre le sort des bâtiments bombardés avec leurs habitants à l’intérieur et celui des « tours » – les immeubles de grande hauteur pilonnés le deuxième jour de ce dernier conflit, pendant la journée ou en début de soirée.

Il est dit que les propriétaires ou le concierge des tours ont reçu un avertissement préalable d’une heure au plus, disant qu’ils devaient évacuer, et ce par un appel téléphonique de l’armée ou du service de sécurité du Shin Bet ; puis des « missiles d’avertissement » lancés par des drones. Ces propriétaires ou concierges étaient censés prévenir les autres habitants dans le bref laps de temps restant.

Les immeubles de grande hauteur n’étaient pas les seuls concernés. Jeudi soir, la maison d’Omar Shurabji à l’ouest de Khan Younis a été pilonnée. Un cratère s’est formé sur la route et une pièce a été détruite dans ce bâtiment de deux étages. Deux familles comptant sept personnes en tout vivent dans ce bâtiment.

20 minutes environ avant l’explosion, l’armée a appelé Khaled Shurabji et lui a dit de prévenir son oncle Omar de quitter la maison, selon un rapport du centre palestinien des droits humains. On ne sait pas si Omar était présent, mais les habitants de la maison se sont tous hâtés de sortir, si bien qu’il n’y a pas eu de blessures.

Ce fait précis indiquant que l’armée israélienne et le Shin Bet prennent la peine d’appeler et d’ordonner l’évacuation des maisons montre que les autorités israéliennes ont les numéros de téléphone usuels des gens qui sont dans chaque structure désignée à la destruction. Ils ont les numéros de téléphone de parents de personnes suspectes ou connues pour militer au Hamas ou au Jihad Islamique. Le registre de la population palestinienne, y compris celui de Gaza est aux mains du ministère de l’intérieur israélien. Il comporte des détails tels que des noms, âges, parents et adresses.

Ainsi que l’exigent les accords d’Oslo, le ministère de l’intérieur palestinien, via le ministère des affaires civiles, transmet régulièrement des informations à la partie israélienne, en particulier en ce qui concerne les naissances et les nouveaux nés : les données du registre doivent être approuvées par Israël, faute de quoi les Palestiniens ne peuvent recevoir de carte d’identité en temps voulu ou, dans le cas de mineurs ils ne peuvent traverser seuls ou avec leurs parents les points de passage contrôlés par Israël. Il est donc clair que l’armée connaît le nombre et les noms des enfants, des femmes et des personnes âgées qui vivent dans chaque immeuble d’habitation qu’elle bombarde pour une raison ou une autre.

La deuxième explication donnée par B’Tselem sur la liquidation de familles entières en 2014 est que la définition par l’armée d’une « cible militaire » attaquable était très large et incluait les maisons de membres du Hamas et du Jihad. Ces maisons ont été décrites comme des infrastructures opérationnelles ou infrastructures de commandement et de contrôle de l’organisation ou infrastructures terroristes – même si tout ce qu’il y avait était un téléphone ou simplement qu’une réunion y avait été accueillie.

La troisième explication de l’analyse de B’Tselem sur 2014 était que l’interprétation de l’armée de « dommages collatéraux » est très flexible et large. L’armée a prétendu qu’elle agit selon le principe de « proportionnalité » entre le mal fait à des civils non impliqués et la réalisation de l’objectif militaire légitime, en d’autres termes que le « dommage collatéral » causé aux Palestiniens est mesuré et murement réfléchi.

Mais une fois que « l’importance » d’un membre du Hamas est considérée élevée et que sa résidence est définie comme une cible légitime pour un bombardement, le dommage collatéral « acceptable » – en d’autres termes le nombre de personnes non impliquées tuées incluant des enfants et des bébés – est très large.

Dans le bombardement intensif de trois immeubles d’habitation rue Al Wehda à Gaza, dimanche avant l’aube, les familles Abu al Ouf, Al- Qolaq et Ashkontana ont été tuées. En temps réel, lorsque le nombre de morts d’une famille est aussi élevé, il est difficile de trouver et d’encourager un survivant pour parler de chaque membre de la famille et de leurs derniers jours.

Aussi, on doit se débrouiller avec les noms et les âges tels qu’inscrits dans les rapports quotidiens des organisations de défense des droits humains qui collectent l’information et même notent, lorsqu’ils le savent, si un membre de la famille appartenait à une organisation militaire. Jusqu’à présent, on ne sait pas si et qui parmi les habitants de l’immeuble Al Wehda était considéré comme une cible suffisamment importante pour « permettre » l’anéantissement de familles entières.

Les membres de la famille Abu al Ouf qui ont été tués sont : le père Ayman, un médecin de médecine interne de l’hôpital Shifa et ses deux enfants : Tawfiq, 17 ans et Tala, 13 ans. Deux parentes ont aussi été tuées : Reem, 41 ans et Rawan, 19 ans. Ces cinq corps ont été trouvés peu après le bombardement. Les corps de huit autres membres de la famille Abu al Ouf n’ont été retirés des ruines que le soir ; ce sont : Subhiya, 73 ans, Amin, 90 ans, Tawfiq, 80 ans et sa femme Majdiya, 82 ans ainsi que leur parente Raja (mariée à un homme de la famille Afranji) et ses trois enfants : Mira, 12 ans, Yazen, 13 ans et Mir, 9 ans.

Pendant le raid aérien sur ces bâtiments, Abir Ashkontana, âgée de 30 ans, a aussi été tuée avec ses trois enfants : Yahya, 5 ans, Dana, 9 ans et Zin, 2 ans. Le soir, les corps de deux autres fillettes ont été trouvés : Rula, 6 ans et Lana, 10 ans. Le rapport du centre palestinien ne mentionne pas si ces deux enfants sont les filles d’Abir.

Dans les deux immeubles voisins, 19 membres de la famille Al-Qolaq ont été tués : Fuaz, 63 ans et ses quatre enfants : Abd al Hamid, 23 ans, Riham, 33 ans, Bahaa, 49 ans et Sameh avec sa femme Iyat, 19 ans. Leur bébé, Qusay, âgé de six mois a aussi été tué. Une autre femme de la famille élargie, Amal Al-Qolaq, âgée de 42 ans a aussi été tuée ainsi que trois de ses enfants : Taher, 23 ans, Ahmad, 16 ans et Hana’a, 15 ans. Les frères Mohammed Al-Qolaq, âgé de 42 ans et Izzat de 44 ans ont aussi été tués, ainsi que les enfants d’Izzat : Ziad, 8 ans et le petit Adam de trois ans. Les femmes Doa’a Al-Qolaq, âgée de 39 ans et Sa’adia Al-Qolaq de 83 ans ont aussi été tuées. Dans la soirée, les corps de Hala Al-Qolaq, 13 ans et de sa sœur Yara, 10 ans ont été dégagés de sous les décombres. Le rapport du centre palestinien ne mentionne pas qui étaient leurs parents ni s’ils ont aussi été tués dans le bombardement.

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

***

Ce n’est pas une « aide » américaine à Israël. C’est un tribut

À la suite du récent rapport de Human Rights Watch sur l’apartheid et les persécutions israéliennes ainsi que sur les brutalités israéliennes en cours à Jérusalem, une poignée – qui s’accroît peu à peu – d’hommes politiques américains courageux ose mettre en question la déclaration publique du président Biden selon laquelle il serait «absolument scandaleux» de conditionner l’«aide» américaine à Israël au comportement israélien, ose affirmer que cette «aide» devrait en effet être conditionnée, au moins dans une certaine mesure, aux violations israéliennes des droits de l’homme, du droit international et des lois américaines elles-mêmes concernant l’utilisation des armes qui leur sont livrées.

Alors que cette modeste tendance au soutien de principe des droits de l’homme et du droit international par une petite poignée de politiciens américains doit être considérée comme encourageante, le fait de qualifier d’«aide» les sommes versées à Israël par le gouvernement  américain – actuellement au minimum 3,8 milliards de dollars par an, pendant les dix années à venir, somme négociée et accepté par le président Obama et inévitablement complétée par de nombreux ajouts – devrait également être remis en question.

Israël n’est pas un pays pauvre. Dans le dernier classement de l’ONU, son PIB annuel par habitant de 46 376 dollars le classait 19ème parmi les 193 États membres de l’ONU, devant l’Allemagne (20 ème), le Royaume-Uni (24ème), la France (26 ème) et l’Arabie Saoudite (41 ème).

Les sommes que les gouvernements américains négocient avec les gouvernements israéliens et s’engagent à payer à Israël ne sont pas versées parce qu’Israël a besoin de cet argent.

Elles sont négociées et payées en tant que manifestations publiques de la soumission et de l’asservissement américains.

Le mot exact et approprié pour désigner de tels paiements est «tribut», dont la définition dans le dictionnaire est «un paiement effectué périodiquement par un État ou un dirigeant à un autre, en particulier comme signe de dépendance».

Soldat israélien maltraitant un enfant palestinien

Depuis qu’Israël a attaqué le bien-nommé USS Liberty en 1967, tuant 34 Américains, en blessant 171 autres, et lardé le navire de 821 impacts de roquettes et de mitrailleuses, depuis que le président Johnson a ordonné de dissimuler cet événement, ce qui constituait en soi une reddition virtuelle, le gouvernement américain reste aux ordres d’Israël et lui paye tribut, avec des conséquences sur la réputation de l’Amérique et son rôle dans le monde bien plus coûteux que le simple argent versé.

En effet, la relation américaine avec Israël prive les États-Unis de toute crédibilité lorsqu’ils accusent des pays qu’ils n’aiment pas, pour d’autres raisons, de violations des droits de l’homme ou du droit international.

Si la perception populaire et le discours aux États-Unis pouvaient changer, de manière à reconnaître que les engagements de paiement du gouvernement américain envers Israël constituent un tribut payé à une puissance dominante plutôt qu’une «aide» versée à une nation dans le besoin, on pourrait en espérer une déclaration d’indépendance américaine, que l’on attend depuis longtemps, et un rôle plus positif et plus honorable pour l’Amérique dans le monde.

John Whitbeck

John V. Whitbeck est un avocat international qui a conseillé l’équipe de négociation palestinienne dans les négociations avec Israël.

Source : Counterpunch

Traduction: La Gazette du Citoyen


- Source : Haaretz (Israël)

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