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Le coronavirus aura-t-il raison de l’Euro ?

Auteur : Jean Goychman | Editeur : Walt | Jeudi, 09 Avr. 2020 - 10h11

Emmanuel Macron n’a jamais caché que sa politique serait « mondialiste », même s’il préfère utiliser le terme de « globaliste », créé pour la circonstance par ses communicants. Mais, si ces derniers font preuve d’imagination, il n’en va pas de même des ardents promoteurs de la mondialisation heureuse. Le train dans lequel ils ont essayé de faire monter les peuples, opération qui semblait réussir il y a quelques décennies, perd ses passagers à chaque gare. Force est de constater que ceux qui veulent descendre sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux que ceux qui veulent y monter.

La crise bouleverse la donne

Comme on pouvait s’y attendre, la pandémie a catalysé la crise financière. Cette crise couvait depuis plusieurs mois et nombreux étaient les signaux avant-coureurs. Les bourses montaient, faisant le bonheur des spéculateurs. Les banques centrales imprimaient leur monnaie dont la valeur ne tenait qu’à la confiance mise en elles. Certains commençaient à reprendre à leur compte ce fait indéniable que « les arbres ne pontent pas jusqu’au ciel » et d’autres s’étonnaient que le cours de l’or, généralement en opposition de phase avec les indices boursiers, montait également. Bref, une situation générale assez difficile à appréhender. Il y avait l’explosif, mais il manquait le détonateur.

L’épidémie du coronavirus baptisé « Covid-19 » a rempli ce rôle. Partie de la ville chinoise de Wuhan, l’épidémie de ce virus nouveau s’est rapidement étendue à toute la planète. Les peuples sidérés ont alors découvert que la Chine, lieu de naissance supposé du virus, fabriquait à elle seule une part très importante  des produits industriels que nous étions obligés d’importer pour pouvoir en disposer. Nous savions déjà que l’industrie chinoise avait une situation de quasi-monopole sur les batteries des véhicules électriques, également une bonne part de l’électronique et du textile, mais nous découvrions effarés qu’ils avaient étendu leur production jusqu’au domaine de la santé et qu’ils étaient devenus incontournables dans ce domaine.

Le virus tombe à pic.

Depuis des années, l’Union européenne qui, dans l’esprit de ses promoteurs, devait être l’appartement-témoin de la mondialisation heureuse, celle qui fait disparaître aussi bien les frontières que les peuples et les nations, battait de l’aile. Les divergences profondes nées après la crise de 2008 ne s’atténuaient pas. Pire, le retour des grandes nations comme les États-unis, la Chine, l’Inde, la Russie ou encore le Brésil sur le devant de la scène, pouvait légitimement inquiéter notre élite euro-mondialiste.

Depuis l’échec du traité constitutionnel de 2005, le mouvement supranational s’était arrêté devant le scepticisme grandissant des peuples européens. Depuis 2017, Donald Trump remettait en question tous les principes considérés comme acquis sur le libéralisme qui ne pouvait que s’exercer dans le « multilatéralisme ».

« Les mondialistes n’ont plus d’avenir, l’avenir appartient aux patriotes » déclarait-il devant l’ONU en septembre 2019. Malgré tous les efforts de communication et toutes les actions déployés pour tenter d’enrayer la montée de ce mouvement planétaire qui allait mettre à mal ce qui était appelé le « nouvel ordre mondial », on ressentait le déclin régulier de « l’État Profond américain »

Relancer l’intégration européenne

Emmanuel Macron, qui tentait vainement depuis le début de son mandat, de relancer l’idée de l’intégration européenne, se heurtait à une fin de non-recevoir des pays européens. Le Brexit, devenu inéluctable, renforçait les populistes, qui gagnaient du terrain, élection après élection.

Ayant essayé d’attirer les Allemands vers une intégration plus poussée de la zone euro en mettant en place un ministère des finances commun, puis essayant de promouvoir la « souveraineté européenne » sorte d’illusion d’optique de langage destinée à leurrer les peuples. Leur faire croire que nous allions vers une « défense européenne », n’avait guère réussi à faire bouger les choses.

Et voici qu’arrive l’épisode du Coronavirus. Au début, ce fut une période d’hésitation, durant laquelle il fallait « prendre le pouls des populations » pour voir quel parti pouvait être tiré de cette situation nouvelle. Dans un premier temps, nos gouvernants décidèrent d’éluder le danger. Fallait-il surseoir aux élections municipales ? Cette logique de minimisation imposait de conserver la date du scrutin. Mais le danger grandissait. Et d’un seul coup la machine se mit en route. Il fallait frapper un grand coup en profitant de l’effet de sidération que la menace imminente allait entrainer. Après tout, toute l’Europe allait être touchée et il y avait sûrement une carte à jouer.

Avant tout, redonner confiance au peuple en « renationalisant la pensée » Ceci devait se faire par un langage martial. « Nous sommes en guerre » nous déclara le président. L’état de guerre relativise beaucoup les choses. Tout ce qui était impossible avant devient possible. La rigueur budgétaire, vendue comme essentielle et incontournable depuis des décennies, est anéantie en quelques mots : « quel que soit le coût », locution qui sera répétée au moins quatre fois dans le même discours.

Après un tel langage, on pensait que tout le pays allait se mobiliser, que la grosse machine allait se mettre en route, bref, que l’effort national serait à la hauteur de la situation. Il n’en fût rien. Au contraire, le pays s’arrêta.  La France éberluée découvrit qu’elle manquait de tout et était dans l’incapacité de mener la guerre pourtant déjà déclarée. Heureusement, il nous restait l’arme absolue : la solidarité européenne. Oubliée de l’actualité depuis quelques jours, l’Union Européenne faisait son retour en force. À l’instant même où toutes les frontières européennes se refermaient, faisant disparaître de l’Histoire les accords de Schengen, nous devions compter sur l’UE pour nous aider et démontrer ainsi que nous avions besoin d’une Europe plus forte, plus organisée, en un mot, plus fédérale.

A-t-on volontairement alourdi l’addition ?

La question peut-être posée. Sous-estimée au départ, l’ampleur de l’épidémie s’est révélée dans sa dimension, à peine remisées les urnes du premier tour des élections municipales. Il y avait plusieurs choix possibles, chacun ayant son propre bilan avantages – inconvénients. Soit on jouait l’immunité collective, soit on combattait individuellement l’épidémie en se protégeant. C’est cette dernière option qui a été retenue. Deux problèmes surplombaient les autres : absence de masques de protection, insuffisance de moyens hospitaliers. Il nous restait la voie du confinement, de loin la plus coûteuse économiquement, car elle allait mettre le pays à l’arrêt.  En application du « quel que soit le coût », les plans d’aides aux entreprises furent promulgués dans l’urgence et l’argent, longtemps gardé avec parcimonie, inonda les circuits financiers. Même créé à partir de rien, il a quand même un coût. Nos arrières grands-parents ont vécu cette expérience au début de la guerre de 14. Sans être particulièrement féru de prospective économique, on peut se douter qu’un pays qui cesse de produire va voir son PIB diminuer au même rythme que sa production. Or, il faut néanmoins continuer à faire vivre les gens, donc les payer lorsqu’ils ne travaillent plus.. Le déséquilibre budgétaire ne peut que se creuser, rendant obligatoire un recours massif à l’emprunt. La dette augmentant et le PIB diminuant, le ratio fondamental utilisé universellement pour mesurer l’endettement, qui est le rapport Dettes/PIB, va donc doublement augmenter. Ceci se traduira par une note dépréciée attribuée par les fameuses agences de notation.

Le résultat est prévisible ; un renchérissement du taux d’intérêt auquel les marchés financiers acceptent de nous prêter les sommes nécessaires au fonctionnement de notre pays. On peut raisonnablement estimer que notre dette publique, qui a dépassé les 100% de notre PIB, avec 2400 milliards d’euros, va encore faire un bond en avant de l’ordre de 400 à 500 milliards d’euros supplémentaires. Notre ratio dettes/PIB rejoindra alors celui de l’Italie. Nous serons à la limite de l’insolvabilité, donc du défaut de paiement.

Le chantage à l’Euro 

La survie de la zone euro, si deux pays comme la France et l’Italie, venaient à faire défaut, serait irrémédiablement compromise. Pour l’éviter, les tenants de l’eurofédéralisme sont prêts à tout. On a vu apparaître les « coronabonds », artifice assez grossier pour émettre des dettes « mutualisées », c’est à dire supportées par tous les pays de la zone euro. Ni les Allemands, ni les Autrichiens , ni les Hollandais n’en veulent…

On a pensé également à la mise en œuvre du MES (Mécanisme Européen de Stabilité). Comme aurait-dit de Gaulle, ce « machin » n’est qu’un artifice permettant de se substituer à un pays défaillant pour prendre ses finances en main. Adieu le peu de souveraineté qui reste. Les Grecs vous en parleront… De toutes façons, les Italiens le rejettent.

Alors, il reste la BCE. Celle-ci peut décider de racheter directement les dettes des États sans aucune limite, sans demander la permission à qui que ce soit. Le retour à la réalité risque d’être rapide et destructeur. Ce monde dans lequel nous vivons depuis 1971, où on peut créer de la monnaie à partir de rien et sans contre-partie (définition même de la fausse-monnaie), risque de changer brutalement. La création monétaire sans création de valeur ne peut que générer une inflation colossale, à l’encontre du fonctionnement de la BCE. Son rôle est justement de maintenir l’inflation autour de 2%. Il est très peu probable que les pays comme l’Allemagne accepte un tel fonctionnement dont il feraient, in fine, les seuls à faire les frais.

Alors, rappelons nous ce mot du Président Cueuille :

« Il n’existe pas de problème que l’absence de solution n’ait fini par résoudre »


- Source : RI

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