Rentrée des classes et conditionnement social-démocrate
Des partis pris, des choix idéologiques : l'enseignement assuré par l’Éducation Nationale n'est pas neutre. Regard et témoignage d'un jeune bachelier.
En ces jours de rentrée scolaire, l’envie me prend de vous conter une jolie fable… Imaginez un pays ou l’École, plutôt que de permettre à un jeune individu de développer son sens critique, d’élargir sa vision des choses, en somme de lui donner la possibilité de se forger une opinion qui lui serait propre, préférerait inculquer un enseignement dogmatique défendant une seule et unique idéologie. Pire, imaginez un pays où les citoyens auraient l’impression de vivre dans une grande démocratie tandis que leur vote ne serait que l’aboutissement d’un long processus de conditionnement. Enfin finissons par penser l’impensable et concluons cette fabulation insensée en imaginant que ce peuple qui, disons le franchement, paraitrait ici clairement stupide, refuserait d’ouvrir les yeux sur une réalité pourtant criante.
Cela paraît évidemment aussi ubuesque qu’impensable. En effet, qui pourrait concevoir et accepter que sa pensée personnelle ne soit que le fruit d’un calcul politique ? Évidemment personne ! Fort heureusement un tel système ne pourrait être mis en place, et encore moins dans notre merveilleux pays, berceau de la démocratie et porte-drapeau de la liberté.
Qu’en est-il vraiment aujourd’hui en France ?
Le constat est assez simple, l’Instruction Nationale rebaptisée "Éducation nationale" en 1932 relève aujourd’hui exclusivement de l’État Français. Certains s’exclameront qu’il est bien normal que chaque jeune ait le droit a une éducation de "qualité" et ils auront sans doute raison. Mais l’État ne se contente pas de financer l’éducation de notre jeunesse, il s’applique aussi à (dé)former les professeurs (tout en leur garantissant le statut confortable de fonctionnaire) et à créer les programmes scolaires.
Commençons par les professeurs
Il serait malhonnête de crier au complot marxiste en jurant que chaque enseignant est aujourd’hui encarté au PCF et milite pour la CGT mais ce petit sondage (oui, je n’ai pas trouvé de résultats officiels et sans doute que mon bien aimé Nicolas Dupont-Aignan criera a la manipulation, mais qu’importe) donne un tout petit ordre d’idée de l’orientation idéologique qui domine l’Éducation nationale.
Je poursuis avec un phénomène propre aux enseignements de SES. En effet à chaque rentrée, les professeurs respectifs présentent ce fabuleux magazine qu’est Alternatives Économiques en expliquant que l’abonnement vous permettra d’acquérir de solides connaissances et éventuellement de réussir votre année avec brio ! Pour l’avoir consulté régulièrement au CDI de mon lycée (il se trouvait sur un joli présentoir entre L’Humanité et Libération) je peux affirmer que ce mensuel alterne les articles marxistes et keynésiens prônant des thèses anti-mondialistes, anti-libérales et interventionnistes. Ce journal, présenté par les professeurs comme la "référence en économie", est ainsi et de façon absolument incontestable, un journal partisan et militant. Il est par ailleurs amusant de noter que, selon Les Échos, 40% des lecteurs d’Alternatives Économiques sont des professeurs et des lycéens. Pour conclure sur ce beau mensuel, nous pourrions citer le directeur de la rédaction Philippe Frémeaux : "si un professeur procure au moins dix abonnés [au journal], il a droit lui-même à un abonnement gratuit. Au-delà, il reçoit d’autres cadeaux."
Je ne m’étendrai pas sur mon expérience "personnelle", mais il est toujours amusant, lorsque l’on vient à peine de rentrer en classe de Seconde, d’être obligé de s’asseoir dans le hall de son Lycée afin qu’un professeur nous explique pourquoi il est d’une importance capitale d’aller manifester contre la réforme des retraites de Monsieur Nicolas Sarkozy. (Réforme a laquelle j’étais par ailleurs opposé mais c’est une autre histoire).
Passons maintenant aux fabuleux programmes et manuels de l’Éducation Nationale.
Débutons par les SES, largement tributaires de cette propagande d’État.
Encore une fois, balayons la thèse selon laquelle Marx et ses amis prennent une immense place dans les manuels d’économie ou de sociologie. C’est absolument faux, à vrai dire, mis à part la fameuse "lutte des classes", le marxisme n’est absolument pas présenté (ce qui est d’ailleurs fort regrettable d’un point de vue culturel).
Le libéralisme, quant a lui est au mieux oublié, au pire caricaturé. On nous explique simplement que le libéralisme se résume à la loi du plus fort sans nous présenter véritablement un seul auteur. Certains diront que l’on présente le "père fondateur du libéralisme" en la présence d’Adam Smith, mais en réalité Smith est considéré par la majorité des libéraux comme un auteur mineur popularisant la "valeur travail" largement reprise par les thèses marxistes. Par ailleurs Smith reste présenté très rapidement. Hayek est parfois abordé en Terminale (présenté par l’anti-libéral Monsieur Keslassy) comme un libertarien adversaire de toute redistribution bien que ce dernier était favorable à la fameuse "Allocation universelle"…
Ainsi, les manuels d’économie défendent une idéologie social-démocrate prônant un État fort et interventionniste. Les auteurs les plus présents sont ainsi les keynésiens Krugman et Stiglitz mais aussi des français comme Jacques Généreux (militant Front de Gauche et auteur du Programme de ce cher Jean-Luc), sans oublier les innombrables articles tirés directement d’Alternatives Économiques ou simplement écrits par le rédacteur en chef Denis Clerc. Quant à la partie sociologie, elle est presque entièrement ponctuée de textes de Pierre Bourdieu, auteur anti-libéral et engagé, pour qui "la société est habitée par un mal radical, la mondialisation néolibérale". Aucune trace de sociologue défendant une thèse adverse comme l’a pu faire Raymond Boudon…
Quant aux programmes en eux-mêmes, l’idée est simple : on présente le marché en général, on nous explique qu’il est défaillant et que donc l’État doit intervenir. CQFD, 3 parties et 18/20 assuré ! D’autres chapitres remettent directement en cause la mondialisation "néo-libérale" en expliquant les vertus du protectionnisme (Cf. le sujet de bac de Pondichéry : "Dans quelle mesure le recours au protectionnisme est-il souhaitable ?"). Le monde de l’entreprise est quant à lui présenté de façon assez surprenante : en effet, loin de nous inculquer ce qu’est le fameux "esprit d’entreprise", on préfère mettre en avant les faillites et autres plans de licenciements qui entrainent la misère sociale. On occulte aussi bien souvent que les entrepreneurs sont avant tout facteurs de richesses et d’emplois… Enfin les chapitres traitant de la finance mondiale vantent allègrement la fameuse "taxe Tobin" sur les transactions financières en nous présentant de magnifiques articles de l’association d’extrême gauche anti-mondialiste "ATTAC". Pourquoi ne pas faire un programme de SES divisé en trois parties où l’on apprendrait aussi bien les thèses social-démocrates actuelles que les thèses marxistes et libérales ?
Poursuivons avec l’Histoire-Géographie.
J’aimerais ici citer deux points du programme de Terminale ES. Tout d’abord, en histoire, nous avons un chapitre traitant du "Socialisme en Allemagne". Il est assez étonnant de voir que la période s’étendant de 1933 à 1945 est occultée dans la mesure où le parti au pouvoir s’appelait "le Parti National-Socialiste" et avait distribué de nombreux tracts qui s’intitulaient "Pourquoi nous sommes socialistes ?". Il suffit par ailleurs de s’intéresser à l’économie allemande sur cette période pour constater que l’interventionnisme étatique a été appliqué comme le prescrit le dogme socialiste.
Le second point concerne le chapitre sur la mondialisation où l’on explique que ce phénomène crée avant tout des inégalités entre les pays, les territoires et les hommes. Une partie de ce chapitre s’intitule même "La mondialisation en débat" où l’on relève de nombreux textes et articles relatant les mêmes arguments que le Front National et autres Arnaud Montebourg…
Et enfin concluons avec la Philosophie.
Il est difficile d’accuser cette matière tant les professeurs sont libres de faire ce qu’ils souhaitent. Notons tout de même la faible part qu’occupent les auteurs libéraux, marxistes et anarchistes (aussi bien collectivistes que capitalistes) dans les "auteurs au programme". Relevons aussi des sujets de bac invitant a défendre l’État : "Que devons-nous à l’État ?" ou "Serions-nous plus libres sans l’État ?"…
Mais l’État aurait-il intérêt à changer quoi que ce soit et à ouvrir l’esprit de ses futurs citoyens en leur présentant des thèses marxistes, libérales voire anarchistes ? Certaines de ces idées, si elles se diffusaient, feraient tomber bien des privilèges…
Une éducation générale et étatisée n’est qu’un appareil à façonner les gens pour qu’ils soient exactement semblables entre eux ; et le moule utilisé est celui qui plaît aux pouvoirs prépondérants dans le gouvernement, que ce soit un monarque, un clergé, une aristocratie, ou la majorité de la génération en cours, et dans la mesure où l’appareil est efficace et où il est réussi, il établit un despotisme sur les esprits qui, par une pente naturelle, conduit à un despotisme sur les corps.
— Stuart Mill, De la liberté.
- Source : Contrepoints