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France 3 et l’incendie de l’église Saint-Jacques de Grenoble : la bien-pensance contre l’information

Auteur : Gabrielle Cluzel | Editeur : Walt | Vendredi, 18 Oct. 2019 - 15h45

À chacun sa croix. Tandis que l’AFP, Le Monde et Le Parisien faisaient leur « média culpa » dans l’affaire Ligonnès, France 3 ramait pour sa grosse « coquille » Saint-Jacques.

L’information est tombée il y a quelques jours : l’incendie de l’église Saint-Jacques de Grenoble – dont il ne reste plus qu’un tas de gravats – dans la nuit du 16 au 17 janvier était finalement… criminel. Le clergé et les fidèles en sont très meurtris. La piste accidentelle avait été largement privilégiée au début de l’enquête, les premières expertises concluant à « un court-circuit électrique à l’intérieur de la charpente » (France 3). Et puis de « nouveaux résultats d’analyse ont changé la donne » : « Des traces de supercarburant ont été retrouvées dans les décombres de l’église. » Dès le 22 janvier, pourtant, « une revendication avait été publiée sur un site de la mouvance “anarcho-libertaire” » (France Bleu). Un groupe nommé « les courts-circuits » déclarait avoir « débridé [ses] rages en incendiant l’église St Jacques à Grenoble », ce qui aurait pu, en toute logique, mettre la puce à l’oreille. Or, le « procureur de Grenoble Éric Vaillant avait déclaré à l’époque prendre en compte cette déclaration “mais avec un certain étonnement” ».

Imaginons une demi-seconde que l’incendie d’une mosquée ait été revendiqué par une mouvance d’extrême droite, et demandons-nous, encore une demi-seconde, si la piste criminelle aurait mis dix mois à être considérée comme crédible, si la Justice, dans sa grande prudence, aurait exprimé la même stupéfaction incrédule, si les politiques se seraient tenus cois, relayant sagement la thèse de l’accident, et si la presse s’en serait tenue mordicus, sans émettre le moindre doute, durant dix mois, à cette explication… jusqu’à se sentir aujourd’hui passablement bébête.

Car si, localement, cette découverte chagrine le diocèse, elle enquiquine surtout France 3, prise dans un bad buzz dont elle se se serait bien passée, relayé par CheckNews : « Est-ce que France 3 a supprimé un article comportant une "fake news" à propos d’une église incendiée ? »

En effet, voyant, au moment du drame de Notre-Dame, son article du mois de janvier traitant de l’incendie de Grenoble faire « des scores incroyables », « une audience énorme », (« L’article était énormément partagé par des pages qui soupçonnaient un incendie volontaire à Notre-Dame. On se servait de notre article pour étayer d’autres propos »), le site de France 3, au lieu de se réjouir de ce succès soudain, décide d’y mettre un terme. Dans un article intitulé « Non, l’église Saint-Jacques de Grenoble n’a pas été incendiée volontairement en janvier », il frappe un grand coup : « Des centaines d’internautes évoquent le nombre de lieux de culte chrétiens incendiés depuis le début de l’année en France, laissant entendre qu’il ne peut pas s’agir d’une coïncidence. Pour appuyer leur argumentation, certains relayent notre article sur l’incendie de l’église Saint-Jacques de Grenoble » or « l’enquête est toujours en cours, mais rien n’indique qu’il s’agisse d’un acte criminel ». Les médias, qui sont aussi des commerçants, aiment en général vendre. Il est assez rare qu’un journal déplore le trop grand succès de l’un de ses numéros, redoutant la mauvaise moralité de ses lecteurs. France 3 est comme un marchand de parapluies qui, inquiet de son trop gros chiffre d’affaires, irait crier urbi et orbi que ceux qui annoncent la pluie ne sont rien que des charlatans conspirationnistes, et qu’il ne faut surtout pas les écouter.

Sa « mise au point » était si affirmative que lorsque le parquet s’est tourné in fine vers la piste criminelle, France 3 n’a eu d’autre issue que de la dépublier – préférant encore cette solution à celle de France Inter, qui après les attentats du Bataclan avait subrepticement changé son titre – croisant les doigts et serrant les fesses pour que personne ne l’ait remarqué. C’était sans compter le site fdesouche.com, et la question dérangeante d’un internaute à CheckNews qui a suivi. Le week-end dernier, comme le fait remarquer avec humour le journaliste Clément Weill-Raynal, la presse a inventé une expression : « dupontdeligonnesque », comme l’affaire du même nom. France 3 en a fait naître une autre : La « Jake News », comme l’église grenobloise éponyme. Et pas mineure. Majeure !


- Source : Boulevard Voltaire

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