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Du Grand échiquier de Brzezinski à l’hystérie du Russiagate: pourquoi Washington fait la guerre à Moscou

Auteur : Mike Whitney | Editeur : Walt | Samedi, 20 Avr. 2019 - 18h52

Tout ça pour ça ? Le Russiagate a fait l’objet d’une hystérie collective pour finalement accoucher d’une souris. Pour comprendre pourquoi la Russie agite autant l’establishment US et les médias dominants, il faut considérer la bataille pour le contrôle de l’Eurasie. Cette région stratégique a toujours nourri la convoitise de Washington, or elle est en train de lui échapper. Des projets se mettent en place entre l’Europe, la Russie et la Chine. Les Etats-Unis ne peuvent l’accepter. C’est ce que nous apprennent l’analyse de documents stratégiques de la Maison Blanche, du Pentagone et des renseignements. Très éclairant ! La Russie n’apparaît pas comme une menace directe pour la sécurité des Etats-Unis, mais l’establishment entretient une russophobie maladive pour justifier ses agressions et stopper le développement de ses concurrents.

« La Russie est une partie inaliénable et organique de la Grande Europe et de la civilisation européenne. Nos citoyens se considèrent comme européens. C’est pourquoi la Russie propose de s’orienter vers la création d’un espace économique commun allant de l’Atlantique à l’océan Pacifique, une communauté qualifiée par les experts russes d’ « Union de l’Europe », qui renforcera le potentiel russe sur son pivot économique vers la « nouvelle Asie ».” Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, février 2012

Les allégations d’ « ingérence de la Russie » n’ont de sens que si elles sont placées dans un contexte géopolitique plus large. A partir du moment où nous réalisons que Washington met en œuvre une stratégie agressive de « containment » visant à encercler militairement la Russie et la Chine pour étendre ses tentacules à travers l’Asie centrale, nous commençons alors à comprendre que la Russie n’est pas l’auteur des hostilités et de la propagande, mais la victime. Les accusations de piratage informatique commises par la Russie s’inscrivent dans une guerre d’information plus vaste et asymétrique à laquelle tout l’establishment politique de Washington a pris part. L’objectif est d’affaiblir méthodiquement un rival émergent tout en renforçant l’hégémonie globale des États-Unis.

Essayez d’imaginer un instant que les allégations de piratage informatique ne font pas partie d’un plan sinistre de Vladimir Poutine visant à « semer la discorde et la division » aux États-Unis. Imaginez plutôt qu’elles ont été conçues pour créer une menace externe qui justifierait une réponse agressive de Washington. Voilà la nature exacte du Russiagate.

Les décideurs politiques US et leurs alliés au sein de l’armée et des renseignements savent que les relations avec la Russie vont inévitablement devenir de plus en plus conflictuelles, principalement parce que Washington est déterminé à poursuivre son ambitieux projet de « pivot » vers l’Asie. Cette nouvelle stratégie régionale met l’accent sur « le renforcement des alliances bilatérales de sécurité, l’expansion du commerce et des investissements et la création d’une présence militaire élargie« . En bref, les États-Unis sont déterminés à maintenir leur suprématie mondiale en établissant des avant-postes militaires dans toute l’Eurasie, tout en continuant à resserrer l’étau sur la Russie et la Chine. Washington cherche par la même occasion à renforcer sa position d’acteur dominant dans la région la plus peuplée et la plus prospère du monde. Le plan a été esquissé pour la première fois par l’architecte de la domination mondiale de Washington, Zbigniew Brezinski. Voici comment l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter l’a résumé dans son ouvrage majeur de 1997 intitulé : Le Grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde. [Traduction littérale du sous-titre en anglais: La primauté américaine et ses impératifs géostratégiques, ndlt]

“Pour l’Amérique, l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie (…) On dénombre environ 75% de la population mondiale en Eurasie, ainsi que la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières. L’addition des produits nationaux bruts du continent compte pour quelque 60% du total mondial. Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées ».

Quatorze ans après l’écriture de ces mots, l’ancienne secrétaire d’État, Hillary Clinton, reprenait la bannière de l’expansion impériale et exigeait un changement radical de la politique étrangère US. Il fallait principalement accroître la présence militaire des Etats-Unis en Asie. C’est Clinton qui a lâché pour la première fois le terme « pivot » dans un discours qu’elle a prononcé en 2010 et qui s’intitulait « Le siècle Pacifique de l’Amérique ». Voici un extrait du discours:

« Alors que la guerre en Irak se termine et que les États-Unis commencent à retirer leurs forces de l’Afghanistan, les États-Unis se trouvent à un point pivot. Au cours des 10 dernières années, nous avons alloué d’immenses ressources à ces deux théâtres. Au cours des 10 prochaines années, nous devons être intelligents et méthodiques sur les domaines dans lesquels nous investissons du temps et de l’énergie, afin de nous placer dans la meilleure position possible pour maintenir notre leadership, défendre nos intérêts et faire progresser nos valeurs. L’une des tâches les plus importantes de la politique américaine dans la prochaine décennie consistera donc à assurer un investissement substantiellement accru – diplomatique, économique, stratégique et autre – dans la région Asie-Pacifique…

Les libres marchés d’Asie offrent aux États-Unis des possibilités sans précédent en matière d’investissement, de commerce et d’accès à la technologie de pointe… Les entreprises américaines [ont besoin] d’exploiter la base vaste et croissante des consommateurs d’Asie… La région génère déjà plus de la moitié de la production mondiale et près de la moitié du commerce mondial. Alors que nous nous efforçons d’atteindre l’objectif du Président Obama de doubler nos exportations d’ici 2015, nous recherchons des opportunités de faire davantage d’affaires en Asie et des opportunités d’investir sur les marchés dynamiques d’Asie. ” (« America’s Pacific Century », Secrétaire d’État Hillary Clinton, Foreign Policy Magazine, 2011)

La stratégie du pivot n’est pas une simple copie réchauffée du Grand Jeu du 19e siècle promue par des think-tanks fantaisistes et des complotistes. C’est la plus importante doctrine de politique étrangère de Washington, une théorie de « rééquilibrage » axée sur le renforcement de la présence militaire et diplomatique des États-Unis dans l’ensemble du territoire asiatique. Naturellement, les sinistres mouvements de troupes de l’OTAN sur le flanc occidental de la Russie et les opérations navales provocatrices de Washington en mer de Chine méridionale ont envoyé des signaux d’alerte à Moscou et à Pékin. L’ancien président chinois Hu Jintao a résumé la situation de la manière suivante :

« Les États-Unis ont renforcé leurs déploiements militaires dans la région d’Asie-Pacifique, ont renforcé leur alliance militaire avec le Japon, ont renforcé leur coopération stratégique avec l’Inde, ont amélioré leurs relations avec le Vietnam, ont mis le Pakistan de leur côté, ont établi un gouvernement pro-américain en Afghanistan, ont augmenté les ventes d’armes à Taiwan, et ainsi de suite. Ils ont étendu les avant-postes et mis des points de pression sur nous depuis l’est, le sud et l’ouest. »

Le président russe Vladimir Poutine a également critiqué le comportement imprévisible de Washington. L’expansion de l’OTAN vers l’Est a convaincu Poutine que les États-Unis continueront d’être une force perturbatrice sur le continent dans un avenir proche. Les deux dirigeants craignent que les provocations incessantes de Washington ne mènent à un affrontement inattendu qui se terminera par une guerre.

Malgré tout, la classe politique US a pleinement adhéré à la stratégie du pivot. C’est une ultime tentative de revenir en arrière, dans l’ère de l’après-guerre, lorsque les centres industriels du monde étaient en ruine et que l’Amérique était le seul maître à bord. À présent, le centre de gravité s’est déplacé d’ouest en est, ne laissant à Washington que deux options: soit laisser les géants émergents d’Asie connecter leurs voies ferroviaires et leurs gazoducs à l’Europe en créant la plus grande zone de libre-échange du monde; soit chambouler le tout, intimider les alliés et menacer les rivaux, en appliquant des sanctions qui ralentissent la croissance et font chuter les devises, et en armant des djihadistes mandatés pour attiser la haine ethnique et fomenter des troubles politiques. Clairement, le choix a déjà été fait. Oncle Sam a décidé de se battre jusqu’au bout.

Washington a de nombreuses façons de traiter ses ennemis, mais aucune de ces stratégies n’a freiné la croissance de ses concurrents à l’Est. La Chine est sur le point de dépasser les Etats-Unis en tant que première économie du monde, tandis que l’intervention de la Russie en Syrie a annulé le plan de Washington visant à renverser Bashar al Assad et à renforcer son emprise sur le Moyen-Orient, riche en ressources. Ce plan s’est maintenant effondré, obligeant les décideurs US à abandonner complètement la guerre contre le terrorisme et à passer à une « compétition des grandes puissances » qui reconnaît que les États-Unis ne peuvent plus imposer unilatéralement leur volonté, où qu’ils aillent. Des défis à la domination des États-Unis émergent partout, particulièrement dans la région que les Etats-Unis espèrent dominer, l’Asie.

C’est la raison pour laquelle l’ensemble de l’appareil de la sécurité nationale se tient désormais derrière l’improbable stratégie du Pivot. C’est une tentative désespérée de maintenir un ordre unipolaire en décomposition.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Cela signifie que la Maison Blanche, le Pentagone et la communauté du renseignement  ont tous élaboré leurs propres analyses respectives des plus grands défis auxquels les États-Unis sont actuellement confrontés : la « Stratégie de sécurité nationale » pour la Maison Blanche, la « Stratégie de défense nationale » pour le Pentagone et l’ « Evaluation des menaces mondiales » pour les renseignements. Naturellement, la Russie figure en tête de liste. La Russie a fait dérailler la guerre par procuration de Washington en Syrie, elle a contrecarré les tentatives des États-Unis de s’établir en Asie centrale et elle a renforcé ses liens avec l’Union européenne dans l’espoir de « créer une communauté harmonieuse d’économies de Lisbonne à Vladivostok« . (Poutine)

N’oubliez pas que les États-Unis ne se sentent pas menacés par la possibilité d’une attaque russe, mais par la capacité de la Russie à contrecarrer leurs grandes ambitions impériales en Asie.

Comme nous l’avons noté, la Stratégie de sécurité nationale (SNS) est un document statutaire de la Maison-Blanche qui explique comment le président entend mettre en œuvre sa vision de la sécurité nationale. Sans surprise, le document se concentre principalement sur la Russie et la Chine. Voici un extrait :

« La Chine et la Russie défient le pouvoir, l’influence et les intérêts des États-Unis en tentant d’éroder la sécurité et la prospérité des États-Unis. Elles sont déterminées à rendre les économies moins libres et moins justes, à développer leurs armées et à contrôler les informations et les données afin de réprimer leurs sociétés et d’étendre leur influence. » (Ni la Russie ni la Chine ne cherchent à éroder la sécurité et la prospérité étasuniennes. Elles développent simplement leurs économies et étendent leurs marchés. Si les entreprises US réinvestissaient leur capital dans les usines, dans la formation de leurs employés et dans la recherche et le développement, plutôt que dans des rachats d’actions et dans les indemnités de leurs dirigeants, elles seraient alors capables de mieux mener leurs activités à l’échelle mondiale.)

En voici plus : « À travers des formes modernisées de tactiques subversives, la Russie s’ingère dans les affaires politiques internes d’autres pays partout dans le monde. » (C’est l’hôpital qui se fout de la charité.)

« Aujourd’hui, des acteurs tels que la Russie utilise des outils d’information pour saper la légitimité des démocraties. Ces adversaires ciblent les médias, les processus politiques, les réseaux financiers et les données personnelles. » (Le mastodonte des médias occidentaux est le plus grand porte-parole de la désinformation que le monde a connu. RT et Sputnik n’arrivent pas à la cheville de la clique qui contrôle les télévisions du câble, les journaux et la plupart des médias imprimés. Le rapport Mueller prouve sans l’ombre d’un doute que l’absurdité politiquement motivée que l’on a pu découvrir dans les médias n’est ni fiable ni digne de confiance.)

L’Evaluation des Menaces Mondiales de la communauté du renseignement US est encore plus explicite dans ses attaques contre la Russie. Voyez vous-mêmes :

« Les menaces à la sécurité nationale des États-Unis vont s’aggraver et se diversifier au cours de l’année à venir, en partie sous l’effet de la Chine et de la Russie, qui sont respectivement en concurrence plus intense avec les États-Unis et leurs alliés et partenaires traditionnels…. Nous estimons que Moscou poursuivra une série d’objectifs pour élargir son champ d’action, notamment en sapant l’ordre international libéral dirigé par les États-Unis, en divisant les institutions politiques et de sécurité occidentales, en démontrant la capacité de la Russie à régler les problèmes mondiaux et en renforçant la légitimité nationale de Poutine.

 Nous estimons que Moscou a gagné en confiance, grâce à son succès dans la restauration du contrôle territorial du régime d’Assad en Syrie… La Russie cherche à renforcer sa présence militaire et son influence politique en Méditerranée et dans la mer Rouge… pour résoudre les conflits, notamment en s’engageant dans le Processus de Paix au Moyen-Orient et dans la réconciliation afghane.

 La Russie continuera de faire pression sur les dirigeants d’Asie centrale pour qu’ils soutiennent les initiatives économiques et de sécurité conduites par la Russie et réduisent leurs relations avec Washington. … La Russie et la Chine vont probablement intensifier leurs efforts pour renforcer leur influence en Europe aux dépens des intérêts US » (« L’Évaluation des Menaces Mondiales du renseignement américain », USG)

Vous remarquerez que le résumé de la communauté du renseignement ne suggère pas que la Russie présente une menace militaire imminente aux Etats-Unis. Elle a juste rétabli l’ordre en Syrie, elle a renforcé ses liens avec la Chine, elle s’est révélée être « un intermédiaire honnête » auprès des pays du Moyen-Orient et elle a utilisé le système du marché libre pour améliorer ses relations avec ses partenaires commerciaux et développer son économie. En fait, les renseignements US semblent critiquer la Russie parce qu’elle utilise le système créé par les États-Unis pour en tirer un meilleur avantage. Cela est tout à fait compréhensible compte tenu de la volonté de Poutine de rapprocher l’Europe et l’Asie grâce à un plan d’intégration économique régional. Voici ce que Poutine en dit :

« Nous devons envisager une coopération plus étendue dans le domaine de l’énergie, jusqu’à la formation d’un complexe énergétique européen commun. Le gazoduc Nord Stream sous la mer Baltique et le gazoduc South Stream sous la mer Noire sont des étapes importantes dans cette direction. Ces projets bénéficient du soutien de nombreux gouvernements et impliquent de grandes entreprises énergétiques européennes. Lorsque les gazoducs commenceront à fonctionner à leur pleine capacité, l’Europe disposera d’un système d’approvisionnement en gaz fiable et flexible qui ne dépendra pas des caprices politiques d’un pays. Cela renforcera la sécurité énergétique du continent non seulement en forme mais en substance. Ceci est particulièrement pertinent à la lumière de la décision de certains États européens de réduire ou de renoncer à l’énergie nucléaire ».

Les gazoducs et le train à grande vitesse sont les artères qui relieront les continents et renforceront le nouveau super-État Eurasien. C’est le plus grand cauchemar de Washington, une immense zone de libre-échange florissante, hors de sa portée et non soumise à ses règles. En 2012, Hillary Clinton a reconnu cette nouvelle menace et a promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour la détruire. Lisez donc cet extrait :

« La secrétaire d’État US Hillary Clinton a décrit les efforts déployés pour promouvoir une plus grande intégration économique en Eurasie comme «un mouvement de re-soviétisation de la région»... « Nous savons quel est l’objectif et nous essayons de trouver des moyens efficaces pour le ralentir ou l’empêcher », a-t-elle déclaré lors d’une conférence internationale à Dublin le 6 décembre 2012, Radio Free Europe.

“Le ralentir ou l’empêcher” ?

Pourquoi ? Parce que la croissance et la prospérité eurasienne exerceront des pressions sur les marchés de la dette US, les intérêts des entreprises US, la dette publique (et gonflée) des Etats-Unis et leur dollar ? Est-ce la raison pour laquelle Hillary est si résolue à saboter le plan d’intégration économique de Poutine ?

En effet, c’est de cela qu’il s’agit. Washington veut bloquer le progrès et la prospérité à l’Est afin de prolonger la durée de vie d’un État sinistre et complètement en faillite qui affiche actuellement 22 000 milliards de dollars dans le rouge tout en continuant à faire des chèques sur un compte à découvert.

Toutefois, la Russie ne devrait pas être tenue pour responsable du comportement insensé de Washington. Ce n’est pas la faute de Poutine. Moscou utilise simplement et de manière plus efficace le système du marché libre mis en place par les États-Unis.

Examinons maintenant la Stratégie de défense nationale (SND) du Pentagone pour 2018, qui reprend bon nombre des mêmes thèmes que les deux autres documents.

« Nous sortons aujourd’hui d’une période d’atrophie stratégique, conscients que notre avantage militaire concurrentiel s’est érodé. Nous sommes confrontés à un désordre mondial accru, caractérisé par un déclin de l’ordre international fondé de longue date sur des règles, créant un environnement de sécurité plus complexe et instable que tout ce que nous avons connu récemment. La concurrence stratégique entre États, et non le terrorisme, est désormais la principale préoccupation de la sécurité nationale des États-Unis ».

Naturellement, « l’environnement de sécurité » devrait sacrément se complexifier si tout le monde faisait du « changement de régime » la pierre angulaire de sa politique étrangère. Bien sûr, la SND passe sous silence ce triste aspect. En voilà plus :

« La Russie a violé les frontières de pays voisins et a exercé son droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité de ses voisins… »

Du flan! La Russie a été une force pour la stabilité de la Syrie et de l’Ukraine. Si Obama avait réussi, la Syrie serait devenue comme l’Irak, une terre infernale occupée par des mercenaires étrangers. C’est ainsi que le Pentagone évalue le succès ? Encore un peu :

“La Chine et la Russie veulent façonner un monde cohérent avec leur modèle autoritaire…

« La Chine et la Russie sapent maintenant l’ordre international au sein du système …

« La Chine et la Russie sont les principales priorités du Département… en raison de l’ampleur des menaces qu’elles représentent pour la sécurité américaine. » (Stratégie de défense nationale des États-Unis d’Amérique)

Vous voyez le tableau ? Chine et Russie, Chine et Russie, Chine et Russie. Méchant, méchant, méchant.

Pourquoi ? Parce qu’ils mettent en œuvre avec succès leur propre modèle de développement, qui n’est PAS programmé pour favoriser les institutions financières et les entreprises étasuniennes. C’est tout. La seule raison pour laquelle la Russie et la Chine menacent le « système fondé sur des règles », c’est que Washington insiste pour être le seul à établir les règles. Et c’est la raison pour laquelle les dirigeants étrangers ne restent plus dans le rang, c’est parce que ce système n’est pas juste.

Ces appréciations représentent l’opinion dominante des décideurs politiques de haut niveau : la Maison Blanche, le Pentagone et la communauté des services de renseignement. Le gouvernement US est unanime pour dire qu’une approche plus dure et plus combative est nécessaire pour traiter avec la Russie et la Chine. Les élites de la politique étrangère veulent mettre la nation sur un chemin jonché de plus de confrontations, plus de conflits et plus de guerres. Dans le même temps, aucun de ces trois documents ne suggère que la Russie ait l’intention de lancer une attaque contre les États-Unis. La principale préoccupation porte sur l’effet que les concurrents émergents auront sur les visées provocatrices d’expansion militaire et économique de Washington. Le problème, c’est la menace que la Russie et la Chine posent à la mince emprise qu’exercent encore les Etats-Unis sur le globe. C’est cette peur qui dirige la politique étrangère US.

Et c’est bien dans ce large contexte que nous devons inscrire l’enquête sur la Russie. Si la fureur du piratage russe a pu s’épanouir et se répandre de la sorte, malgré l’absence évidente de preuves, c’est parce que la diabolisation de la Russie correspond parfaitement aux intérêts géopolitiques des élites au pouvoir. Les dirigeants US travaillent activement avec les médias pour influencer l’opinion publique sur des questions importantes aux yeux de l’establishment de la politique étrangère. L’objectif apparent de ces opérations psychologiques (PSYOP) est d’utiliser de manière sélective l’information sur « les publics pour influencer leurs émotions, leurs motivations, leur raisonnement objectif et, finalement, le comportement d’organisations, de groupes et d’individus« .

Les dirigeants US considèrent les esprits des Américains ordinaires comme une cible légitime pour leurs campagnes d’influence. Ils considèrent les attitudes et les perceptions comme « le front cognitif du champ de bataille », un terrain qu’ils doivent exploiter afin de susciter l’appui de l’opinion à leurs guerres et à leurs interventions extrêmement impopulaires. L’implacable récit du Russiagate a d’abord été rapporté au FBI par l’architecte de la guerre en Syrie, John Brennan, ancien directeur de la CIA. Cette affaire représente le principal élément de désinformation de la vaste campagne menée contre la Russie. Les élites de la politique étrangère sont déterminées à persuader le peuple étasunien que la Russie constitue une menace matérielle pour leur sécurité, une menace qui doit être combattue par des sanctions plus sévères, des attaques plus vives, et finalement la guerre.


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