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Vendredi, 29 Mars 2024

Le Liban s’opposera aux intentions d’Israël et des USA à Chabaa, à Kfarshouba et en Syrie

Auteur : Elijah J. Magnier | Editeur : Walt | Vendredi, 29 Mars 2019 - 09h22

Le juge libanais Ahmad Mezher a ordonné que l’on procède à des levés topographiques des territoires occupés libanais que sont les fermes de Chabaa, Kfarchouba, Hanine, Ideise et Blida. Ces villages à proximité d’Hasbaya, de Rachaya al-Foukhar et de Khiyam sont sous occupation israélienne depuis 1981, à l’instar des hauteurs du Golan syrien occupées depuis 1967. Cette décision coïncide avec le « cadeau » des hauteurs du Golan syrien offert par le président des USA Donald Trump à son plus proche allié, le premier ministre Benyamin Netanyahu. Bien que la communauté internationale ait condamné verbalement la déclaration de Trump, aucun autre pays ou organisme international ne semble s’opposer ouvertement à cette décision de Trump pour le moment.

Le Liban a décidé cependant d’y répondre sur le terrain, en montrant qu’il est prêt à défendre son territoire si les « cadeaux » des USA englobaient aussi les territoires occupés libanais. La présidence, le parlement et le gouvernement libanais ont convenu que le Liban est en droit de récupérer son territoire occupé et l’équation « armée-peuple-résistance » est unie à ce chapitre. La table est ainsi mise pour un affrontement possible entre la résistance (c.-à-d. le Hezbollah) et Israël.

Réfugiés syriens au Liban

Le niveau de tension et les risques d’affrontement ont augmenté pendant la visite du président libanais Michel Aoun à Moscou. Pendant ses réunions avec son homologue, le président russe Vladimir Poutine, le président chrétien Aoun a rejeté la pression que les USA exercent sur son pays. L’administration américaine, y compris le secrétaire d’État Mike Pompeo et ses envoyés au Liban, veut empêcher plus d’un million et demi de réfugiés syriens au Liban de retourner chez eux. Le président Aoun a également rejeté le cadeau de Trump à Netanyahu, en disant clairement que les hauteurs du Golan constituent un territoire syrien occupé illégalement par Israël, et non la propriété des USA qui s’arroge le droit d’en disposer comme bon lui semble.

Nous ne savons pas encore vraiment si les fermes de Chabaa, Kfarchouba et les villages avoisinants font partie du cadeau de Trump offert à Israël. Voilà pourquoi les autorités libanaises ont demandé au pouvoir judiciaire de faire procéder à des levés topographiques officiels des territoires libanais occupés par Israël. Si, en réponse à ces levés, on tente d’insinuer que ces secteurs font partie d’Israël, la triade libanaise (armée-peuple-résistance) sera tenue de récupérer le territoire occupé. Le moment choisi pour cette décision est important, car il démontre que le gouvernement libanais est prêt à soulever la question et à s’opposer à Israël à la lumière de la décision des USA concernant les hauteurs du Golan, un territoire étroitement lié aux fermes et aux villages libanais. Pas plus tard qu’en 2009, certaines de ces terres faisaient l’objet d’une contestation entre la Syrie et le Liban, sauf qu’aujourd’hui le Liban est mieux placé que la Syrie pour revendiquer ses droits contre Israël, et le gouvernement syrien le laissera faire avec plaisir.

Le président Aoun a soulevé ces questions au président Poutine dans le contexte du cadeau précédent de Trump, lorsqu’il a reconnu Jérusalem comme la capitale indivisible d’Israël. Le Liban soutient pleinement le droit au retour des Palestiniens sur leur terre, d’autant plus que plus de 800 000 Palestiniens vivent au Liban. Les USA préféreraient que ces Palestiniens restent au Liban, comme ils semblent maintenant vouloir que le Liban accepte la présence continuelle de réfugiés syriens en sol libanais. La politique des USA à cet égard poursuit plusieurs objectifs.

Le premier consiste à changer l’équilibre des forces religieuses au Liban. La plupart des réfugiés syriens sont sunnites (principalement hostiles à Assad et à ses alliés) et les USA aimeraient voir une pluralité sunnite au Liban en contrepartie du Hezbollah chiite et de la société derrière lui. Aucune des guerres israéliennes n’a réussi à contrer le Hezbollah et à réduire ses forces. Bien au contraire, la puissance militaire du Hezbollah augmente à un niveau sans précédent à l’échelle locale et régionale. De plus, lors des dernières élections parlementaires libanaises, le Hezbollah a obtenu plus de votes que tout autre parti religieux, à la surprise de tous. Le soutien au Hezbollah est loin de se limiter à une seule confession religieuse. C’est qu’il s’est porté à la défense des chrétiens et des chiites contre les extrémistes takfiris wahhabites. Ainsi, comme un affrontement direct contre le Hezbollah est probablement voué à l’échec, les USA cherchent à construire une nouvelle société qui s’y opposerait.

Le président Aoun tient au retour des réfugiés syriens en Syrie, peu importe les incitatifs financiers offerts par les USA et l’Europe pour que le Liban les garde. La présence des réfugiés bouleverse l’équilibre religieux au Liban, en plus d’accélérer le processus faisant des chrétiens une minorité sur le sol libanais. Le terrorisme religieux qui a frappé le Moyen-Orient ces dix dernières années visait les minorités régionales, notamment les chrétiens. Les mêmes dirigeants de l’OTAN dont les gouvernements parrainaient le terrorisme takfiri contre les chrétiens au Liban ont proposé aux dirigeants chrétiens libanais de quitter la terre de leurs ancêtres et de s’établir en Occident. Les chrétiens qui ont été violés, assassinés et terrorisés par Daech et al-Qaeda en Irak et en Syrie auraient subi le même sort au Liban si le Hezbollah avait décidé de rester ancré au sud du Liban, dans les banlieues de Beyrouth ou dans certains villages de la vallée de la Bekaa.

Le président libanais trouve aussi que les réfugiés syriens représentent un fardeau sur le plan financier et de la sécurité, qui pèse lourd sur l’infrastructure libanaise, fragile et chaotique. Ces réfugiés représentent actuellement le tiers de la population totale au Liban.

Un autre objectif de la politique des USA à l’égard des réfugiés au Liban, c’est de récupérer du président syrien Bachar al-Assad ce qu’ils n’ont pu obtenir en armant des militants pour renverser son gouvernement au cours des 8 dernières années. L’administration américaine voudrait maintenir plus de 5 millions de réfugiés syriens à l’extérieur de la Syrie, principalement au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Europe. Les USA croient que cela pourrait empêcher la tenue des prochaines élections présidentielles en Syrie, ainsi que la reconstruction de l’armée syrienne et du pays. Les Syriens sont des artisans habiles et les tenir loin de chez eux empêche la reconstruction. Tous ces objectifs des USA n’aident le Liban d’aucune façon. Bien au contraire, ils réveillent le Liban, qui doit avoir une relation saine avec la Syrie voisine pour assurer sa sécurité et son développement commercial.

Trump a rendu le Moyen-Orient moins sûr. Il a offert à Israël un cadeau illégal et inutile. Israël contrôlait déjà les hauteurs du Golan syrien et la Syrie ne représentait aucune menace. La Syrie n’a pas tiré un coup de feu contre l’occupation israélienne du Golan en 30 ans et sera affairée au cours des dix prochaines années à reconstruire son infrastructure détruite. En outre, l’ex-président Hafez Assad avait entamé des négociations avec Israël, par le biais de la médiation américaine, qui consistait à offrir un accord de paix en échange des hauteurs du Golan. C’est Israël qui a rejeté l’accord à la dernière minute. Assad a alors dit qu’il laisserait la libération du territoire à la prochaine génération.

L’administration américaine nuit à la sécurité et à la paix au Liban en imposant la présence d’un million et demi de réfugiés au pays, ce qui déséquilibre le tissu social local, en plus de menacer d’imposer des sanctions si le Liban ne plie pas sous l’intimidation des USA.

Trump a donné Jérusalem à Israël et ne peut plus être considéré comme un partenaire dans quelque processus de paix que ce soit. Cette prise de conscience rend la cause palestinienne encore plus urgente. Loin de vouloir donner un État aux Palestiniens, Trump dispose de leurs droits comme bon lui semble.

Les forces US ne sont pas les bienvenues en Syrie, où elles occupent le tiers du pays et un passage frontalier, alors que Daech ne contrôle plus de territoire syrien au nord-est. Les USA empêchent aussi des dizaines de milliers de réfugiés syriens des camps d’al-Rukban de retourner chez eux.

En Irak, le parlement est divisé entre ceux qui souhaitent voir partir le dernier soldat américain et ceux qui voudraient maintenir une certaine collaboration en matière d’entraînement et de renseignement. Les politiciens irakiens n’osent pas demander aux USA de rester ou de partir pour de bon, par crainte d’un retour de Daech avec le soutien des Américains dans les deux cas (si les forces US restent, on craint que les Américains vont soutenir Daech, tout en craignant la même chose s’ils sont invités à partir).

Finalement, les USA sont aujourd’hui perçus comme une superpuissance dirigée par des voyous qui pompent la richesse des pays arabes gros producteurs de pétrole, en les obligeant à acheter des armes américaines pour que les habitants du Moyen-Orient continuent à s’entretuer à leurs propres frais. Les pays arabes, qui ont déjà été très riches, font maintenant payer à leurs ressortissants un impôt local qu’ils n’avaient jamais exigé auparavant, et traversent une crise financière sans précédent depuis des décennies. La Syrie, l’Irak, le Yémen, la Palestine et le Liban sont financièrement au plus bas, et même l’Arabie Saoudite, les Émirats, le Qatar et le Bahreïn ne sont pas dans une situation financière enviable. L’accord sur le nucléaire iranien a été révoqué et depuis que Trump est au pouvoir, l’Iran subit les pires sanctions.

Il est difficile de prévoir quand la prochaine guerre pourrait éclater pour s’opposer à l’hégémonie des USA dans cette partie du monde. Chose certaine, la Russie et la Chine sont déjà présentes au Moyen-Orient, prêtes à prendre la place d’une administration américaine qui n’est plus perçue comme un pays ami par aucun pays, à l’exception d’Israël.

Traduction : Daniel G.


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