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Le soulèvement du peuple français face à la violence économique et sociale du néolibéralisme

Auteur : Hassan Hardane | Editeur : Walt | Mardi, 11 Déc. 2018 - 21h13

Durant leur quatrième samedi consécutif, les manifestations populaires en France, appuyées et soutenues par la grande majorité de la population française à près de 80% selon les sondages d’opinion, se sont muées en ce que l’on pourrait qualifier de véritable soulèvement face aux politiques néolibérales et aux violences économiques et sociales exercées par le pouvoir contre le commun des Français au profit de la frange minoritaire des nantis, des rentiers capitalistes et des patrons.

C’est vraiment ce qui se passe actuellement en France … C’est un soulèvement contre le modèle capitaliste sauvage qui s’est attaqué aux progrès et sécurités sociaux qui ont assuré la stabilité sociale pendant de longues décennies, au cours desquelles la lutte des classes a été réduite tant que le pouvoir fournissait des services sociaux de base, tels que la médecine, l’éducation, l’emploi, la retraite, une loi fiscale équitable dans la répartition de la charge fiscale, ainsi que d’autres politiques et assurances sociales prévues par le Code du travail et qui permettaient au grand public de vivre dans la stabilité et sans crainte pour l’avenir. Cependant, ces progrès sociaux et ces assurances ont été progressivement éradiqués, suite à l’introduction du modèle économique néolibéral américano-britannique, inauguré sous l’ancien président américain Ronald Reagan et le Premier ministre britannique Margaret Thatcher. L’application de ce modèle néolibéral en France, conformément aux décisions de l’Union européenne, a conduit à :

  1. La privatisation des secteurs publics, de l’électricité, de l’eau, de l’éducation, de la médecine, du logement et de la poste, ainsi que de nombreux secteurs productifs détenus par l’État et vendus à des entreprises privées ; ce qui a entraîné une diminution des recettes du Trésor public, d’une part, et la disparition de l’État « protecteur social », d’autre part.
  2. La révision du code des impôts, qui redistribuait équitablement les richesses entre les différentes couches populaires, et l’introduction de nouvelles taxes, exemptant les riches et les sociétés capitalistes de la charge fiscale, en faisant supporter cette charge par les catégories de population de faibles et moyens revenus. Plus de 13 taxes ont été ainsi directement instaurées sur les matières premières et marchandises de base, dont les hydrocarbures, et même la taxe carbone a été imposée à la population plutôt qu’aux usines qui polluent l’environnement. Et ce qui a approfondi le déséquilibre dans la réalisation de la justice fiscale est l’annulation de l’impôt sur la fortune et l’octroi de gros prêts aux capitalistes sous prétexte de les aider à créer de l’emploi…

Cette politique, visant à traiter la crise de la baisse des recettes publiques et le surendettement, a provoqué un déséquilibre majeur à deux niveaux :

  1. L’approfondissement de la disparité sociale entre la majorité des Français d’une part et la classe fortunée d’autre part, ce qui s’est traduit par la flambée des prix et le faible pouvoir d’achat des citoyens, et donc l’augmentation sans précédent du coût de la vie …
  2. La baisse des recettes du Trésor public, l’augmentation des déficits budgétaires, et le recours intempestif à la politique de l’endettement, aussi contraignant pour l’économie que pour les citoyens. La dette publique ne cesse d’augmenter, atteignant 5 milliards de milliards d’euros et, par conséquent, l’accroissement des intérêts de la dette estimés à 40 milliards d’euros par an. La raison en est la baisse des taux de croissance et des revenus de l’Etat causée par la crise économique qui a ravagé les économies capitalistes à la suite de l’intensification de la concurrence économique internationale et les coûts des guerres coloniales ratées, qui ont eu des répercussions négatives sur les économies des pays occidentaux qui ont fait la guerre en Afghanistan, Irak, Syrie …

Parce que le capitalisme ne veut pas supporter le poids de cette crise et cherche à préserver ses privilèges, et parce que le pouvoir français est la vitrine de ce capitalisme, principalement rentier, des politiques sociales, qui accablent les gens, ont été adoptées en modifiant le système fiscal, d’une part, et en amendant le Code du travail au profit des employeurs, d’autre part … La récente taxe sur les hydrocarbures a été l’étincelle qui a conduit à l’explosion de manifestations qui se sont transformées en soulèvement contre des politiques sociales injustes et biaisées en faveur des riches …

Les Français ne peuvent plus supporter la détérioration de leur pouvoir d’achat et sont contraints de descendre dans la rue et d’exprimer leur colère en rejetant ces politiques sociales et en demandant leur annulation ou la démission du président Macron et la dissolution du Parlement. Pour se faire une idée sur l’ampleur de la crise impactant la majorité des Français, les manifestations se sont élargies durant le quatrième samedi et ont concerné toutes les villes françaises, avec plus de 100.000 participants. La justice sociale, à son niveau minimum, est moribonde, et à travers leurs manifestations, les Français veulent récupérer les prestations sociales et le pouvoir d’achat qu’ils ont perdu, en exigeant un changement social fondamental dans les politiques gouvernementales, le rétablissement de l’impôt sur la fortune et l’application d’une fiscalité progressive au lieu des impôts indirects, le rétablissement des prestations et des assurances sociales qui étaient garanties par l’état gardien de la protection sociale et du Code du travail avant qu’il ne soit modifié au profit des employeurs.

Et parce que le président français refuse catégoriquement de répondre aux demandes du peuple et persiste à se ranger du côté des intérêts capitalistes sous toutes leurs facettes, la crise est destinée à s’aggraver, et face à la violence économique et sociale du pouvoir, le soulèvement du peuple français va continuer, s’accentuer et s’élargir … Cela signifie que l’intensification de la lutte des classes prend une courbe ascendante, et que l’étape de ce que l’on a appelé l’homogénéité des classes est terminée … Parce que les syndicats en France sont forts et possèdent une véritable structure, parce que le peuple français est conscient de la nature de la crise et de qui en est responsable, et parce que le pouvoir représentant le capitalisme défendra ses intérêts, refusera d’abandonner une partie de ses privilèges et voudra imposer au peuple et aux classes moyennes le poids de la crise, la lutte des classes s’enflammera et s’exprimera dans cette forme de confrontation dans la rue, qui refuse de succomber au pouvoir et à sa violence économique et sociale, reflétée par l’attaque féroce sur les revenus des Français.

Le temps de la stabilité sociale en France est révolu, comme est révolu le temps du désamorçage de la lutte des classes … Le temps où le capitalisme français, comme d’autres en Europe, pouvait assurer la continuité de sa prospérité et assurer des avantages à la classe ouvrière et aux Français en général, est fini, parce que le monde a changé et le temps de la domination économique occidentale est terminé. Par conséquent, la France, comme les autres pays occidentaux, doivent vivre selon leurs moyens et leurs capacités économiques et, donc, accepter l’abandon d’une partie de leurs profits et ne pas porter atteinte aux acquis des peuples accumulés au fil des décennies pour assurer le maintien de la stabilité sociale. Autrement, la poursuite de leur politique agressive contre les revenus de la population conduira à une recrudescence des conflits et de la violence dans la rue.

C’est pour cela que ce que vivent les rues de Paris et des villes françaises, c’est l’expression de la nature brutale du capitalisme néolibéral sauvage qui provoque la violence économique et sociale, et de la réponse à celle-ci par un violent soulèvement populaire dans la rue où la lutte des classes culmine … depuis la crise du capitalisme et de son impossibilité à renouveler sa prospérité aux dépens des peuples du monde, et après l’échec de leurs guerres coloniales et leur incapacité à retrouver leur hégémonie sur le monde, leur part de la production mondiale a donc été irrémédiablement réduite par le fait que de nombreux pays émergents occupent une place sur le marché mondial au détriment des pays occidentaux.

L'auteur, Hassan Hardane, est journaliste, auteur, chercheur et analyste libanais

Traduit par Rania Tahar


- Source : Al Binaa (Liban)

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