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Vendredi, 29 Mars 2024

D’abord, ils sont venus chercher Julian

Auteur : Whitney Webb | Editeur : Walt | Vendredi, 22 Juin 2018 - 15h08

La journée d’hier marquait le sixième anniversaire de l’ascension de Julian Assange à la position de réfugié politique les plus célèbre au monde après avoir osé être le visage public de l’organisation internationale d’avant-garde dédiée à la transparence Wikileaks. Alors qu’il est arbitrairement confiné dans l’ambassade de l’Équateur depuis plus de six ans, la situation précaire d’Assange – un produit des efforts des gouvernements des USA et du Royaume-Uni pour le détruire et le réduire pour toujours au silence – menace de virer à la tragédie.

Les implications de la persécution d’Assange pour le journalisme et la démocratie : Si la campagne menée par les USA pour extrader et faire taire Assange réussit, elle deviendra forcément le schéma qu’utiliseront des pays puissants comme les USA pour censurer les journalistes indépendants dans le monde entier et les matraquer jusqu’à la soumission.

Si l’asile d’Assange est suspendu ou s’il est extradé aux USA, toutefois, ce sera beaucoup plus qu’une tragédie pour le seul Assange. Ce sera aussi une tragédie pour le « droit de savoir » du public et la libre circulation de l’information – la première grande défaite dans le combat d’un empire contre ses dissidents et ceux qui cherchent à utiliser l’information pour libérer plutôt que pour tromper.

Le cas d’Assange signifie beaucoup plus que des mauvais traitements – de la torture, selon certains – infligés à un homme dont l’engagement à faire la lumière sur les crimes des gouvernements l’a forcé à s’isoler du monde – et même de ses enfants – pendant des années. Bien que ces mauvais traitements n’aient leur place dans aucune « démocratie » civilisée, le dénouement du cas Assange – si son extradition aux USA est décidée – aura un impact majeur sur le journalisme dans son ensemble. De fait, si la campagne menée par les USA pour extrader et faire taire Assange réussit, elle deviendra forcément le schéma qu’utiliseront des pays puissants comme les USA pour censurer les journalistes indépendants dans le monde entier et les matraquer jusqu’à la soumission.

La solution de facilité journalistique

« C’est le rôle du bon journalisme de s’en prendre aux abus de pouvoir des puissants » – Julian Assange

Les efforts du gouvernement des USA pour détruire Wikileaks – et Assange en particulier – sont bien documentés, et remontent à bien avant qu’Assange ne demande l’asile politique dans l’ambassade de l’Équateur. Bien que les efforts pour discréditer Wikileaks aient surtout été menés en coulisses, la campagne contre Assange a été montée pour cibler l’homme, et s’est manifestée en innombrables attaques malhonnêtes et sauvages contre sa réputation, sa dignité, et même ses droits fondamentaux. C’était une campagne largement menée avec la complicité de la soi-disant « presse libre » – avec des journalistes qui bénéficiaient des sacrifices d’Assange et des révélations de Wikileaks menant souvent la charge pour salir l’homme dont le travail a surligné l’importance d’un accès non censuré à des informations cruciales pour toute la population.

La complicité de ces « journalistes » démontre que la situation d’Assange fait partie du combat pour l’âme même du journalisme. De fait, sa persécution a eu lieu dans un contexte de censure médiatique extrême – avec la complicité de Google et de sa branche Youtube, aussi bien que de Facebook et de Twitter – qui signale une vaste « guerre de l’information » en cours. Le cas d’Assange est le Waterloo de cette guerre, cette bataille entre les gouvernements – et les élites économiques qu’ils servent – et ceux qui désirent informer le public pour qu’il soit maître de son destin, comme Assange lui-même l’avait déclaré :

« Vous pouvez soit être informés et devenir vos propres maîtres, ou vous pouvez être ignorant et en laisser d’autres, qui ne sont pas ignorants, vous diriger. »

Les gouvernements puissants, comme celui des USA, ne cherchent pas à éclairer le public et à le laisser prendre ses décisions seuls. Edward Bernays, le « père de la propagande » occidentale, l’avait clairement énoncé dans ce qui suit :

« La manipulation consciente et intelligente des habitudes organisées et des opinions des masses est un élément important de la société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme caché de la société constituent un gouvernement invisible qui est le vrai pouvoir dirigeant de notre pays… nous sommes gouvernés, nos esprits sont forgés, nos goûts formés, nos idées suggérées en grande partie par des gens dont nous n’avons jamais entendu parler. » (Propaganda, 1928)

Pour que cette « manipulation » du public continue sans heurts, les journalistes doivent être transformés de figures de proue de la vérité et du « droit de savoir » du public en sténographes obéissants de la ligne gouvernementale. Assange, plus que n’importe qui d’autre, a menacé cette transformation en menant une organisation qui « ouvre les gouvernements », et en défiant la transmission du savoir « vers les évêques et les rois, et non vers les esclaves et les serfs ». C’est pour cette raison, plus que toute autre, qu’il a été traité comme on le sait et pourquoi – s’il est extradé – toute la fureur de l’oligarchie américaine et de son empire se déchaînera probablement contre lui.

« D’abord, ils sont venus chercher Assange… »

« Chaque fois que nous sommes témoins d’une injustice et que nous ne faisons rien, nous nous entraînons un peu plus à être passifs en sa présence et ainsi, à perdre toute capacité à nous défendre et à défendre ceux que nous aimons » – Julian Assange »

Pourtant, si le pire venait à se produire, Assange serait loin de représenter la fin des efforts de censure du véritable journalisme. Il sera plutôt le début d’un effort plus vaste, qui a déjà démarré, pour faire taire le type même de journalisme incarné par Assange partout où il émergera dans la zone d’influence des USA. Si les États-Unis réussissent à extrader et à faire taire Assange, ils considéreront leur campagne de harcèlement contre lui comme une victoire. Ils appliqueront ensuite la même tactique contre tous ceux qui oseront offrir au public des vues différentes des lignes approuvées par le gouvernement, où qu’ils soient.

Si nous gardons le silence et permettons que les maltraitances envers Assange continuent, il est probable que nous garderons également le silence quand les mêmes tactiques et les mêmes diabolisations seront appliquées contre d’autres journalistes indépendants qui osent défier l’oligarchie et son empire. Leur but est d’obtenir un public aussi isolé et bâillonné qu’Assange lui-même l’est.

Comme Assange l’avait dit, notre passivité face à cette injustice mènera un jour à une incapacité à nous défendre et à défendre ceux qui nous sont chers, et cette passivité toxique est une plus grande menace envers la démocratie et la liberté que n’importe quelle menace de violence physique. Cette passivité autorisera les pouvoirs en place à entraîner le monde occidental sur un chemin orwellien de censure, de totalitarisme et de destruction.

Nous n’avons pas de meilleur combattant de la résistance à ce programme que Julian Assange, et le silence du monde sur son cas garantit que la disparition du journalisme et de la démocratie sera le résultat de notre passivité, de notre incapacité à faire des sacrifices pour aider ceux qui se sont sacrifiés pour nous. L’issue du cas Assange ne marquera pas la fin de ce combat, mais elle en marquera certainement le tournant.

Traduction Entelekheia

Note de la traduction : Deux pétitions pour aider / libérer Julian Assange.

End Julian Assange’s isolation (Mettez fin à l’isolement de Julian Assange)
https://www.change.org/p/end-julian-assange-s-isolation

Freedom for Julian Assange! (Liberté pour Julian Assange)
https://www.codepink.org/freedom_for_julian_assange


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