Féminisme et pornographie
Le féminisme tel qu’il est aujourd’hui en France n’est plus une revendication de femmes pour les femmes, c’est une démarche de pensée, un comportement qui touche la vie quotidienne de tous les citoyens hommes et femmes. Avec le temps, il est devenu un chapitre sociétal, une composante obligatoire de tout discours politique qu’il soit de « gauche » ou de « droite ». Il prend son essor en même temps que la « libération sexuelle », fin des années soixante début des années soixante dix, époque de révolte générale de la jeunesse d’occident contre les traditions et les anciennes structures, que celles-ci soient à l’œuvre à San Francisco, à Paris ou ailleurs. C’est un désir de libération de l’individu au niveau social et politique, tandis que dans la sphère privée il est rêve d’« amour libre ». C’est pourquoi, il coïncide avec le désir d’émancipation d’une grande partie de la société au plan politique, économique, institutionnel et moral. C’est l’apogée d’un certain marxisme et d’un certain freudisme dans sa version reichienne. Les féministes seront de gauche, se décriront comme un prolétariat-sous-le prolétariat au plan social, et comme des exploitées-surexploitées au plan individuel et sexuel. On avait un Soldat Inconnu, voilà sa Femme qui lui vole la vedette et surgit de ses cendres.
Très vite pourtant, ce mouvement généreux va être capté, débordé, empoisonné si on veut, par la pornographie. La revendication d’amour libre des femmes va devenir – pilule et avortement libres aidant–, la possibilité pour elles se disposer de leurs corps pas seulement pour « faire un enfant si je veux quand je veux ». Convaincues d’avoir été tenues éloignées du plaisir sexuel par l’égoïsme et la maladresse des hommes, elles veulent le découvrir de toutes les façons. Une de ces façons sera de copuler devant la caméra. Les premières héroïnes des films X – du moins en France – furent des femmes instruites, des bourgeoises et parfois des intellectuelles qui, par cet acte, participaient au mouvement général de « libération de la femme ». Il y eut à cette époque, entre autres, Silvia Bourdon dont le livre « L’amour est une fête », conte des aventures sexuelles bien moins « perverses » que celles de l’Histoire d’O de madame Aury. La simultanéité historique de ces deux mouvements, libération sexuelle des femmes et pornographie, doit retenir notre attention. Tout s’est passé comme si l’homme et surtout la femme, se libérant des anciennes pudeurs, au lieu de la garder secrète comme un précieux trésor, devaient exposer cette libération sur la place publique et, presque en même temps, comme si cette libération devait faire l’objet d’un commerce. Commerce devenu aujourd’hui en quarante ans le premier chiffre d’affaire d’internet (70% des transactions réalisées seraient relatives à la pornographie). Comment cela a-t-il été possible? Quel penseur, historien, sociologue, philosophe, nous a proposé une explication globale sérieuse de la concomitance des phénomènes? S’est-on par exemple interrogé – à la manière d’un Pascal ironisant sur le nez de Cléopâtre – de savoir si le féminisme actuel aurait la figure qu’il a sans l’explosion parallèle de ce qui n’est plus tout à fait le jouir sans entrave de l’amour libre mais la pornographie généralisée, incontournable, permanente, publicitaire, que, paradoxalement, beaucoup de femmes, sinon la majorité d’entre elles, condamnent pour cause d’avilissement du genre? Comment comprendre que « faire un enfant si je veux quand je veux », ou « à travail égal, salaire égal » ait pu poursuivre son avancée par l’arrivée sur la scène médiatico-politique de « Ni putes ni Soumises », appellation que se donnèrent des femmes constituées en association à but non lucratif? Que voulaient-elles faire entendre? Que l’ancien statut de soumise à l’homme se tenait proche, hypocritement, de la prostitution? Que se libérer de ce statut pouvait être perçu pourtant comme un comportement qualifié –par les hommes mais pas seulement par eux - de pute ? Réclamer l’insoumission aurait laissé germer dans les esprits que la femme, sans qu’elle en soit bien consciente, allait s’orienter vers un usage débridé, irresponsable, voire dangereux de cette insoumission et que c’était une contre vérité qu’il fallait combattre ? Que se vouloir insoumise aurait fait courir aux femmes le risque ou la tentation de se faire pute? Balivernes, que tout cela, mensonges! Des penseurs de haute volée expliquèrent en leur temps que l’agressivité du slogan visait à se défendre contre les hommes qui, perdant « le contrôle des femmes », tentaient de les disqualifier dans l’esprit du public en les traitant de putes. Pourquoi pas, mais alors de quoi « ni putes, ni soumises » fut-il le nom au point d’avoir été considéré par Sarkosy – grand libéral féministe comme chacun sait – comme une force allant dans le sens de sa politique et méritant de faire son entrée au gouvernement? Etre ni-ni informe-t-il sur ce qu’on est? Les définitions négatives – en ce domaine comme en d’autres – ne laissent-elles pas toujours planer un doute? « Je ne veux être ni pute ni soumise, monsieur ! ni pute pour les hommes, ni soumise aux hommes ». D’accord mademoiselle, mais que voulez-vous donc être? Que pourriez-vous être? Que vous resterait-il à être? Qu’y a-t-il entre ces deux extrêmes honnis que votre définition dénonce? L’histoire ne le dit pas mais beaucoup se rappellent que ceux qui se disaient « ni de droite ni de gauche » penchaient quand même du bon côté. « Ni-nier » est plus dénégation qu’affirmation. Dire qui-je-ne-suis-pas, ouvre l’éventail des possibles qu’on ne manquera pas de m’attribuer. Et les mauvaises langues n’ont pas alors manqué de dire, mesdames, que vous étiez les deux : soumises non à un homme mais à une idéologie qui tût son nom et putes du système qui vous manipula alors que vous crûtes le subvertir par un nom qui, se croyant scandaleux ne fut qu’infantile. De quelle action forte, de quelle réalisation, Fadela Amara et ses consœurs porteuses de cette libération, furent-elles le nom? Quel souvenir impérissable a-t-on du passage de cette dame au ministère? Etre « ni pute ni soumise », c’est être quoi? Comment par exemple comprendre cette réalité bien actuelle: des milliers de femmes manifestent pour défendre une idée noble de la femme tandis que d’autres milliers, plus jeunes, proposent, par un clic sur internet, leur chair fraîche aux réalisateurs de pornos ? Quel lien entre les deux? Faut-il passer pour pute (ou l’être) pour abolir la soumission? Jouer de son sexe, le vendre, rendrait libre? On ne serait pas loin de le croire en écoutant certaines interviews d’actrices hard. Et celles qui n’y passent pas, seraient ringardes? Leur manquerait-il quelque chose? Quelle femme lucide va nous conduire dans l’exploration de ce continent très noir où on découvre d’abord que la première chose indispensable pour qu’il y ait pornographie, c’est qu’il y ait des femmes décidées à s’y livrer. La deuxième est qu’il y ait des organisateurs qui, connaissant ce désir, offrent les conditions nécessaires à sa réalisation. Tant que la matière première abonde – et elle abonde – le risque que le marché s’assèche est faible. La politique de l’offre triomphe là aussi et la demande ne demande que ça puisque la publicité s’emploie à la soutenir. Qu’attendent celles qui sans cesse exigent des hommes qu’ils se remettent en question, oublient leur pulsion de mâle dominant, leur désir obsessionnel de jouissance, pour se remettre elles aussi en question et faire que se tarisse l’offre, que ce marché périclite? Marché qu’elles disent avilissant et qui ne fait que nourrir le machisme ambiant, bouclant ainsi la boucle du je t’aime moi non plus… Les machistes pensent qu’ « elles sont toutes des putes »; ça tombe bien, les féministes pensent que les hommes sont d’irrécupérables cochons. Le machisme se nourrit donc du mépris pour les femmes dont il jouit, tandis que le féminisme prospère de son mépris viscéral pour cet être dépeint depuis Freud comme ayant « du sperme dans le cerveau ». Féminisme et Machisme marchent la main dans la main, s’entretiennent mutuellement pour leur plus grand avantage. Le premier fournit les candidates aux sensations fortes, le second les organisateurs. Si bien qu’est né le « fémino-machisme » virus plus virulent qu’un autre.
Pareillement, quel homme va nous entretenir froidement de son rapport à la pornographie et des conséquences de ce penchant qu’il relativise si mal et, lorsqu’on le presse de le faire, qu’il justifie encore plus mal? Pourquoi des millions, des centaines de millions d’hommes de par le monde sont-ils accrocs de pornographie et, in fine, ses vraies victimes? Que leur apporte-elle ou que leur enlève-t-elle? Quel besoin satisfait-elle et qui vient d’où, quel manque comble-t-elle? Et peut-être et surtout, qu’est-ce que la société dans son ensemble retire comme bienfait ou comme nuisance de ce tsunami sexuel dont les femmes sont tantôt les héroïnes admirées des hommes (et de certaines femmes!), tantôt les victimes dénoncées par les féministes? Voilà une table ronde qu’il faudrait organiser. D’un côté, Catherine Breillat et Brigitte Lahaie, de l’autre, une délégation de GO, gentils organisateurs.
Comme tout à une fin, Nini mourut de sa belle mort et les hommes reprirent espoir. Las!... DSK émergea de la fange FMI/prostitution, mais remplacé aussi sec par CL. Le pornocrate que tout homme est dans son for intérieur, refit alors surface. Le JFK et le BHL, machistes à l’insu de leur plein gré, osèrent ne pas condamner tout de suite l’« éventreur » de Manhattan. La polémique enfla au point qu’une sociologue connue enseignant dans un de ces hauts-lieux universitaires aux initiales ronflantes que-le-monde entier-nous-envie, proposa d’annuler la « présomption d’innocence » en faisant valoir que lorsqu’un femme dit avoir été violée, ou prise de force, ou importunée, elle dit toujours la vérité et que donc, le sous gorille responsable doit être condamné sans autre forme de procès. Selon cette dame, pour défendre La Femme, il fallait changer la justice, refondre le code pénal en plus de révolutionner les mentalités! Eve était ainsi lavée du péché ancien!... On apprit avec joie que la bible hébraïque était un tissu d’inepties et que, contrairement à ce que croient les pasteurs et les curés, nahash, le serpent, avait proposé la pomme non à elle mais à Adam. Que ce cochon autocrate l’ayant à peine goûtée, l’en avait aussitôt gavée jusqu’à en faire le modèle de ces « putes innocentes » qui pullulent partout ! Irène, c’est le nom de la sociologue, fut remise à sa place par plusieurs juristes et on n’en parla plus. Mais sous la cendre le feu couvait toujours. L’abolition de la loi sur le harcèlement sexuel au début du quinquennat de qui vous savez, mit le feu aux poudres. Les hommes pouvaient poursuivre tranquillement leur obsession : forcer les meufs à s’étendre sur le canapé. Ils profitaient honteusement de cette supériorité que les mœurs et la loi leur accordent depuis Melki-Tsedeq de contraindre sa prochaine aux pires bassesses pour un misérable quignon de pain, une promotion dans l’entreprise que sans eux, La Femme – de par sa valeur désormais reconnue par la conscience universelle occidentale –, eût de toute façon méritée! Certains empêcheurs d’aimer en rond pourtant s’interrogèrent. Le harcèlement est-il si répandu, si facile à prouver? Est-il à sens unique? N’est-il pas, au nom justement de cette libération, à la fois critiqué et utilisé? Quelle femme par exemple, après avoir profité de la « promotion canapé » irait la dénoncer aux prud’hommes par simple esprit de justice et se venger de l’harceleur miteux? D’autant plus critiqué qu’il est utilisé afin justement de jeter un voile sur les mœurs qui n’ont guère changé depuis que le commencement du monde et contre lesquelles, le monde ne peut rien : séduction et violence, ces deux mamelles de l’humain. Violence violente certes, mais aussi violence douce! Maintenant que tellement de femmes dominent dans certains secteurs de la vie professionnelle peut-on être certain qu’il n’est pas pratiqué dans l’autre sens? Dans l’immense catalogue des passe-droits et des faveurs qui régit les sociétés humaines est-il si répandu et surtout en quoi un harcèlement bien mené façon Sun Tsé, serait-il condamnable s’il s’exerçait dans les deux sens? Après tout, être promu parce qu’ancien de l’Ena ou parce que bon-ne amoureux-euse, si on en juge par les résultats des membres de la congrégation qui sont actuellement aux manettes, il n’y aurait pas de quoi s’alarmer. Y aurait-il différence d’essence entre les nombreux pistons qui pistonnent le monde? Les passe-droits ont toujours existé et continueront. Comme chacun le subodore, ils ne portent pas toujours les plus capables au pouvoir! Mais que sait-on au juste des plus capables? Se cachent-ils? Seraient-ils introuvables parce que concentrés exclusivement dans la sphère féminine? De forts esprits le pensent. En l’état actuel de notre société ils ont peut-être raison. Un coup fourré aurait eu lieu au Paradis, un mensonge de Dieu et de son compère, le pervers nahash. La Côte était le meilleur morceau, le serpent Dieu déguisé. Martine Aubry, déesse d’une Justice de Gauche, aurait été plus dure avec son alter ego Merkel que notre poire sous philipparde, ça tout le monde l’a compris depuis la forte conférence de presse du 16 mai. Cela aurait-il suffit? Où se cache l’anti-Thatcher? Où est le de Gaulle-femme qui jouera la chaise vide à Bruxelles et crachera au panier de la bourse? Ségolène ressuscitée? La Boutin? L’arrogante NKM? Notre délicieuse coréenne française aux yeux pers? Une Golda Meir décalée? Ne rêvez pas Français, ne vous croyez pas inférieurs aux Françaises et aux autres. Sursum corda, nom de Dieu!...
Pour finir, enfonçons le clou : si la pornographie ne nourrissait pas aujourd’hui les frustrations de dix à douze millions de rmistes, chômeurs, précaires, retraités isolés et travailleurs pauvres, il est probable qu’ils passeraient leur frustration à autre chose qu’à lorgner leurs écrans plats. Si en mai 1968, la pornographie avait existé, il n’y aurait pas eu dix millions de grévistes paralysant la France et d’autres millions défilant nuit et jour dans les rues! La pornographie est de nos jours la drogue douce des laissés pour compte, le contre feu d’une désespérance sociale, économique et culturelle qui hante les pensées et les cœurs d’un nombre incalculable d’hommes seuls, qui, sans elle, auraient déjà sombré. C’est pourquoi elle est acceptée comme « moderne », défendue par des crétins de tout poil au nom de la liberté, vantée et banalisée par ceux qui en font profit, profits qui, comme l’argent de la drogue, de la prostitution ou de la fraude fiscale, remplissent les paradis fiscaux et déstabilisent financièrement la planète. Si cet amusement, à ses débuts, a décoincé les coincés, dépucelé les imaginations, il sert aujourd’hui à faire se tenir tranquilles les légions de chômeurs, d’inactifs et de désespérés que notre monde engendre. Je le redis, si en mai 1968, la pornographie avait existé, il n’y aurait pas eu dix millions de grévistes dans la rue. S’il y a moins de manifestants en 2013 c’est parce qu’un châtré ne manifeste pas. Enfin n’oublions pas que la consommation pornographique ne concerne que les hommes, que les femmes sont exclues de ce médicament de cheval qui tue donc seulement les patients mâles. Si bien que le lecteur attentif qui aura lu ce qui est écrit et ce qui est suggéré, aura de lui-même trouvé la conclusion de ce pamphlet. Pour les plus obtus, je la donne :
La pornographie n’aurait jamais eu le succès planétaire qu’elle a sans le développement concomitant du féminisme. Le Féminisme n’aurait jamais atteint le niveau d’abrutissement qu’il a atteint sans la mondialisation pornographique. Féminisme et pornographie sont sœurs d’une même mère.
Si pour les hommes le médicament de cheval est la pornographie, le médicament qui tue les femmes à petit feu est le féminisme. Pendant que les hommes rêvent d’amazones sexuelles à la maison, leurs femmes (pour les quelques rares qui en ont encore une) pensent – au mieux – à leur faire ingurgiter la théorie du genre, leur faire torcher le petit et faire la vaisselle, au pire, à les châtrer. La pornographie est le féminisme des hommes ; le féminisme est la jouissance impossible des femmes. Parmi les frustrations qui accablent le monde, ces deux là sont les pires mais les plus efficaces en termes de maintien de l’ordre. Bilderberg et Bones and Skulls. L’avenir le montrera.
- Source : Marc Gébelin via dedefensa.org